La première phase de la Ligue des Champions féminine s’est achevée ce week-end. Fut-elle à la hauteur de vos attentes ?
C’est une compétition intéressante, et l’institution a de grandes ambitions afin de la promouvoir. Nous avons d’ailleurs créé, lors du dernier Congrès, un Conseil du handball féminin chargé, entre autres, de la développer, la rendre plus attractive pour les médias et les spectateurs.
Quelle est la véritable place du handball féminin à la Fédération européenne ?
Un chiffre parle assez clairement : alors que la redistribution aux clubs masculins a été multipliée par 5, celle aux clubs féminins à peine par 2. On ne peut affirmer que l’intérêt a régressé, mais il n’a pas progressé au même rythme que la Ligue des Champions masculine. Le conseil du handball féminin, avec sa présidente, Lidija Bojic-Cacic, s’est emparé des problèmes de manière très convaincante lors d’une première réunion. Le handball féminin constitue une préoccupation essentielle. Le dernier Congrès nous a d’ailleurs amené une proportion de 23,5 % de femmes.
« UNE SANTE FINANCIERE CONTRASTEE »
L’Euro débute dans quinze jours en Serbie. Comment les Pays-Bas ont-ils pu à ce point manquer de professionnalisme au point de renoncer à son organisation aussi tard ?
Entre le moment où les Pays-Bas ont fait acte de candidature, puis se sont retirés, trois présidents se sont succédés à la tête de leur Fédération. Celui auquel je porte la plus grande estime est celui qui a fini par renoncer. Il a été honnête, son discours fut limpide. Il a accepté la présidence alors qu’il savait que la situation n’était pas favorable. Il faut savoir que le Comité olympique a mené un audit financier dont les conclusions imposaient à la Fédération d’assumer sur ses deniers un éventuel et probable déficit.
Trois compétitions en Serbie en moins de deux ans, ça ne fait pas un peu beaucoup ?
Lorsque les Pays-Bas se sont rétractés et que nous avons communiqué, nous avons reçu dix offres d’accueil. La distance était alors de six mois pour décider. Un Euro, c’est d’abord une période d’inspection des lieux, des aires de jeu, des structures d’hébergement, des modalités de transport. C’est ensuite une période de discussion avec les partenaires politiques, puis enfin une période de validation. Nous avons eu la chance d’avoir la Serbie parmi les candidats. Nous connaissions le modèle sur la base de l’Euro des garçons début 2012, et nous pouvions donc nous dispenser de la plupart des inspections sans, notamment, réclamer des aménagements. Il a juste suffi de réactiver le réseau de volontaires pour, finalement, sauver la situation.
Quelle est, aujourd’hui, la santé financière du handball en Europe ?
Elle est très contrastée. Certains pays, aidés par des mécènes, donnent l’impression que leurs clubs ne dépendent pas d’une situation économique pourtant inconfortable. D’autres ressentent cette conjoncture, mais s’en tirent plutôt bien. Je pense à l’Allemagne, au Danemark malgré le cas de Copenhague, à la France aussi. Et puis nous avons des compétitions qui ont plus de mal. L’exemple typique, c’est bien entendu l’Espagne. En fait, le discours est très différencié.
« LE CHANTIER PRIORITAIRE, C’EST LE HANDBALL FEMININ »
Vous êtes le président de l’institution depuis cinq mois maintenant ? A quoi ressemble votre implication au quotidien ?
J’y reviens, mais le gros chantier, le chantier prioritaire, c’est le handball féminin. Nous voudrions également que la Coupe de l’EHF devienne une compétition référence. Il y a, d’une manière plus globale, toute une réflexion menée sur l’économie du handball : comment améliorer l’attractivité des compétitions, l’intérêt du public, des médias, des sponsors ? Enfin, nous sommes à la recherche de nouveaux locaux, toujours à Vienne. L’institution s’est développée et nous sommes un peu à l’étroit.
Comment est structurée l’EHF ?
Il y a d’abord la structure politique avec un comité exécutif qui a toute la responsabilité. Il y a ensuite trois commissions techniques, celle des méthodes, de la compétition et du beach. Et enfin, plusieurs comités dont celui du handball professionnel masculin. Sans oublier, bien sûr, notre société de marketing qui n’est pas, elle, à but non lucratif. Au total, une cinquantaine de personnes anime l’institution.
Parlez-nous de votre parcours dans le handball…
J’ai découvert la discipline en classe de seconde, à l’Ecole Normale d’instituteurs de Laval. En 1965, j’ai effectué des études d’Anglais à Rennes, et j’ai pris ma première licence au Cercle Paul-Bert. On jouait alors au niveau N3-N2. Je suis ensuite parti une année en Irlande et comme il n’y avait pas de clubs de handball, j’ai joué au rugby, c’était lors de la saison 1967-1968. Entre 1972 et 1974, j’ai étudié en Guadeloupe, où j’ai continué le rugby, mais je me suis fracturé une cheville. A mon retour à Rennes, j’ai perdu ma place, et je me suis alors tourné vers l’arbitrage, jusqu’en 1990. Lorsque j’ai été nommé premier vice-président de l’Université, je n’avais plus trop le temps… Je suis devenu membre de la CCA à la Fédération, puis Jean-Pierre Lacoux m’a demandé de m’impliquer à l’EHF à partir de 1993. Claude Rinck devant se retirer du fait de la limite d’âge, je me suis présenté au comité exécutif en 2000. En 2006, j’ai été élu vice-président au côté de Tor Lian, à qui j’ai donc succédé en juin dernier.
« LA FRANCE, C’EST L’EXEMPLE A SUIVRE »
Quelle est l’image du handball français à l’étranger ?
Le handball français est un handball considéré comme de très haut niveau. Chez les garçons, comme chez les filles. Pour les équipes nationales, et je dis bien LES équipes nationales, la France, c’est l’exemple à suivre. Les personnes les mieux informées renvoient à un système de formation qui fonctionne bien depuis longtemps et donne de bons résultats. Le handball de clubs est également connu grâce à Montpellier et Chambéry essentiellement, même s’il y a une conscience du progrès global de la compétition masculine. La compétition féminine, par contre, n’est pas très connue, sauf par des interlocuteurs vraiment spécialistes. Les joueuses internationales ont une excellente réputation, comme le club de Metz d’ailleurs.
Y a-t-il suffisamment de dirigeants français dans les instances internationales ?
Répondre de manière positive ou négative n’aurait pas beaucoup de sens. Je crois que l’on a une représentation de poids. Le président de la FFHB est membre du comité exécutif de l’IHF, Philippe Bana ou Jacky Bettenfeld sont impliqués à divers niveaux, je suis président continental et vice-président de l’IHF. Il faut se garder d’une chose, et ne pas saturer l’espace politique de manière à se faire prendre en grippe. Les Scandinaves en ont payé le prix. Le principe est de ne jamais utiliser de manière indue les positions que l’on a.
Que vous inspirent les résultats de l’équipe de France masculine depuis quatre ans ?
C’est évidemment un vrai plaisir. Le souci est que, par obligation, lorsque je suis en situation officielle, je ne dois pas avoir d’émotion sportive. Mais dès que je suis rentré à la maison, j’ai enfin eu le droit d’exprimer mon admiration et ma fierté.
« LES ELUS SONT D’UNE EXTREME HONNETE »
La notoriété de la discipline ne cesse de se développer. Que faut-il faire pour que le handball franchisse encore un cap ?
Il faut surtout faire attention à ne pas avoir une croissance trop rapide par rapport à nos moyens. On ne peut pas faire n’importe quoi pour grandir. Le fondement d’une croissance saine est de s’appuyer sur les valeurs : valeurs de formation respectueuse de l’individu, souci de dialogue, déontologie. Bon, c’est vrai que si l’on s’en tient à ça, on n’accomplira rien de nouveau. Je pense que l’on doit s’attacher à rendre le jeu plus visible. Le problème le plus difficile à résoudre est celui de l’exiguïté des lieux de performances. D’évidence, les Palais dans lesquels se sont déroulées les finales olympiques étaient trop petits. Dans un autre registre, nous avons eu 50 000 demandes de billets pour le final four de Cologne…
Vous avez forcément suivi l’affaire des paris autour du match Cesson-Sévigné – Montpellier. Quel est votre point de vue sur le sujet ?
Nous avons, depuis la fameuse histoire de la Ligue des Champions 2006, mis quelques pare-feux. Nous travaillons par exemple avec un institut norvégien spécialiste des affaires de corruption. Nous menons aussi un travail de détection, de mise en garde, de formation… Nous venons également de mettre en place notre propre unité anti-dopage, allant ainsi au delà des recommandations de l’AMA. On a eu quelques obstacles à surmonter, mais l’unité a vu le jour. Ce sont des budgets non négligeables qui sont engagés, mais cela semble assez vital. Dans le cas des paris, on a quelque chose de très particulier : on les a lancés sans aucun dialogue, sans étude préalable des risques. Même si, bien sûr, les partenaires assument leurs responsabilités. La Française des Jeux n’a de cesse de prévenir les dérives. Mais je crois qu’il faudrait définir d’autres modalités. Demander aux six sports collectifs européens de travailler en étroite collaboration avec les organismes de paris. Qu’une part des revenus, par exemple, serve à mener des actions de prévention.
Aujourd’hui, président de l’EHF, c’est une belle mission ?
Oui, c’est une mission passionnante. On a, au niveau européen, beaucoup de responsables fédéraux qui soutiennent cette logique européenne. Depuis que je suis impliqué, j’ai le sentiment que les élus sont d’une extrême honnêteté intellectuelle. Les gens sont sincères. On a un personnel d’une extrême compétence, d’un extrême dévouement. Et notre rôle me semble essentiel pour le bon déroulement de toutes les compétitions.