-« Claude, avant toute chose, petite question de circonstance après les fêtes, qu?avez-vous commandé au Père Noël ?
Rien ! Je ne veux jamais de cadeaux. Donc on ne m’en fait pas, ou peu, parce que je n’aime pas ça. Mes filles m’ont acheté un peu de musique, c’est tout ce que je peux accepter avec du bon vin ! Tout le reste m’agace. Je ne suis pas emmerdant pour le Père Noël et ce n’est pas moi qui alourdis sa hôte (rires).
Personne n?a jamais enchaîné un troisième titre mondial. Pas même la Suède et la Roumanie avec lesquels vous partagez le record de titres (4). Un succès en Espagne ajouterait encore à la superbe de cette équipe de France…
Je ne le vois pas comme ça. Je ne suis ni attaché ni attentif au record. Ce sont plus des choses qui sont reprises par les medias. Je n’ai pas l’ambition de rester dans le Guinness ; à chaque fois, c’est une aventure différente et chaque aventure se suffit à elle-même. On n’en est plus à redorer le blason, ou à en mettre un peu plus. J’ai même demandé à ce que les étoiles sur le maillot soient plus petites, moins ostentatoires. Nous nous retrouvons avec plaisir à chaque fois. Tenter de déjouer les pièges tendus par les autres et rester debout suffit à notre bonheur.
« L’ENCHAÎNEMENT DES TITRES ÉTAIT QUELQUE CHOSE DE SURRÉALISTE »
On a déjà dû vous poser la question à de maintes reprises? Quels sont les moments les plus forts depuis le titre de 2006 en Suisse ?
Je les retiens tous. Chaque histoire est importante. Même si entre 2006 et 2013, l’équipe de France a évolué. L’histoire n’est jamais la même. La seule fois où nous n’avons pas été capables de nous mobiliser, nous l’avons payé cher. Les titres ont des goûts différents. Le début, ça a été l’apaisement, celui d’acquérir de la légitimité. De se dire qu’on allait cesser d’être évalué toutes les cinq minutes. L’enchaînement était quelque chose de surréaliste. Chacun des sacres a une dimension particulière. Les titres olympiques sont ceux qui rayonnent le plus : Pékin, c’était l’accomplissement. C’était une quête maximale, il fallait que cela arrive. Londres c’est différent, après une série incroyable mais aussi un échec retentissant à l’Euro en Serbie. Gagner contre les Croates en Croatie en 2009, c’était magique dans un environnement aussi hostile. Tous les titres ont été la possibilité de sentir que tu es devenu le gibier traqué par tout le monde, il y a la joie de réussir à éviter tous ces pièges. Mais le plus important, c’est l’aventure humaine depuis 2001 parce que les choses se sont construites dans la difficulté et depuis 2006 dans l’harmonie où chacun a pris sa place. C’est ça qui est réellement exceptionnel.
Vous n?avez de cesse, depuis votre prise de fonction, de mettre en valeur le handball français au travers, notamment, des résultats de sa sélection. Etes-vous satisfait, aujourd?hui, de ce qu?il représente ?
Je suis apaisé par rapport à tout ça. Il y a très longtemps que je dis que la notoriété et la lumière sont nécessaires et que tout cela génère des choses essentielles pour développer le handball français. Il faut des partenaires économiques, des partenaires médias, on rentre dans un environnement médiatique fort, on est devenu des personnages publics. Il faut apprendre à vivre avec. L’image du handball français est celle renvoyée par nos performances, c’est celle qui est la plus retenue par les gens au vu de l’affection qui nous est donnée par les fans et les amoureux du handball.
« C’EST LA MISSION QUI M’EST CONFIÉE DE GÉRER LES PERFORMANCES IMMÉDIATES EN PRÉPARANT CELLES À VENIR »
Le temps de préparation entre les JO de l?été dernier et ce Mondial était trop court pour franchement renouveler votre effectif. Pensez-vous néanmoins que des joueurs comme Anic, Bingo, N?Guessan, Porte, mais aussi Mahé, Grébille ou même Gérard -ou d?autres- pourraient, d?ores et déjà, tenir un rôle dans cette équipe ?
C’est la mission qui m’est confiée d’intégrer ces jeunes joueurs. La gestion des performances immédiates en préparant celles à venir. Il y a eu 2006 avec Abalo, Karabatic : la génération des 84. Depuis, il y a celle des 88 : Barachet, Accambray et progressivement, on se rajeunit. Il y a de très jeunes joueurs comme N’Guessan qui est né en 1992, quand la France a brillé à Barcelone. Amener cette transition sans rupture, c’est essentiel. Ce Mondial sera un moment particulier de cette transition parce qu’on sait que certains cadres vont bientôt s’éloigner mais s’engagent depuis longtemps dans la phase de transmission. C’est une continuité.
Parlez-nous de ces équilibres que vous aimez préserver dans le groupe. Sont-ils essentiels à votre réussite ?
L’équilibre, c’est quelque chose, par nature, de diffus et de peu visible. C’est toujours en mouvement. Autant le talent des joueurs est nécessaire pour remporter des titres, autant ce qu’on a réussi à mettre en place pour assurer la permanence des résultats est lié à cet équilibre et à la façon que l’on a de vivre ensemble. L’équipe de France est devenue un vrai moment de plaisir pour les joueurs et le staff. C’est une des plus belles victoires dans notre parcours. On a su la préserver et c’est essentiel.
« JE SUIS UN MERIDIONAL »
On vous sait attiré par l?Espagne et son handball. Pourquoi ce penchant naturel ?
C’est ma proximité, je suis plus souvent allé en Espagne qu’en Allemagne. Par nature, je suis un méridional, un latin, c’est ancré en moi. Je me sens beaucoup plus à l’aise à Barcelone qu’à Berlin, je me sens véritablement proche des Espagnols. Les Pyrénées nous séparent mais on aurait pu naître sous la même bannière. L’Espagne est un pays où je me sens bien. C’est aussi ma proximité de handball. Depuis Toulouse, mon lien au handball espagnol a toujours été effectif. C’est vrai que comme le handball espagnol était en avance, nous sommes souvent allés prendre la leçon de l’autre côté de la frontière. C’est une vraie base de références. Aujourd’hui, le handball espagnol s’est un peu perdu dans sa volonté de ressembler au handball allemand. J’ai pu aussi m’en éloigner tout en restant attaché à un handball construit sur le jeu. Je reste très actif et très intéressé à analyser ses évolutions.
Outre l?Espagne, et bien sûr la France, quelles autres équipes, selon vous, sont susceptibles de remporter ce Mondial ?
Le Danemark. C’est quand même l’équipe qui, malgré nous, a réussi à gagner quelque chose et présente de très grands jeunes joueurs. C’est un collectif qui va aller en s’améliorant parce que la jeune génération va arriver à maturité. Il a raté ses JO et va être revanchard. Il ne faut pas oublier non plus la Croatie toujours présente. Des équipes capables de poser des problèmes au tout meilleur… Je dirais la Roumanie et la Slovénie qui vont être difficiles à jouer. Et les Allemands, qui pourraient ne pas être efficaces sur l’ensemble du tournoi mais capables de réaliser des performances.
En dépit de tous leurs efforts, les nations non européennes peinent à jouer un rôle dans le concert international. Laquelle vous semble la plus proche du très haut niveau ?
Ils sont globalement en deçà du niveau mondial mais moins qu’ils ne l’étaient auparavant. Je pense en particulier aux équipes d’Amérique Latine comme le Brésil, l’Argentine…. Capables d’accrocher les plus grands. La Tunisie est, elle aussi, en mesure occasionnellement de poser des problèmes. La Corée, on ne sait jamais trop où on est parce qu’elle a tendance à se préparer spécifiquement pour les JO. Il y a des nations émergentes mais qui auront des difficultés à rivaliser sur la durée. Je pense quand même que la nouvelle formule avec les 8èmes va modifier les habitudes et peut donner la part belle à certaines de ces formations. Elles peuvent tenter un exploit.
Contre quel adversaire aimeriez-vous disputer une nouvelle finale ? La Croatie, votre meilleur «ennemi» ? L?Espagne chez elle ? Le Danemark ?
En règle générale, je n’ai pas de préoccupation de ce type-là, si on est en finale c’est qu’on a réussi le parcours. Vouloir choisir son adversaire, c’est identifier qu’on va y être. Je veux me concentrer sur nous-mêmes et tout mettre en place pour y accéder.»