Quelle est la raison de ton retrait du staff de l?équipe de France ?
Le PES est devenu très important. Une stratégie ambitieuse est développée pour le renouvellement de l?élite et la réussite de la Fédération. De nouvelles organisations ont été mises en place et nécessitent de nombreux voyages avec une présence importante sur le terrain. À un moment donné, faire le grand écart avec l?équipe de France comportait un risque : ne plus être performant nulle part. Aussi, la FFHB n?aurait pas accepté que je travaille uniquement pour l?équipe de France sénior. Il est naturel et logique que je privilégie le renouvellement de notre élite.
À quel moment as-tu pris cette décision ?
Nous étions réunis il y a trois semaines à Doha et Claude ONESTA nous a demandé de nous positionner sur les trois ans qui viennent. Je crois que c?était le bon moment sachant qu?il reste un Mondial et un Euro avant les prochains Jeux olympiques. Cela devenait trop difficile pour moi et je me devais d?être honnête envers le système et envers moi-même. Je me devais également de ne pas pénaliser le projet équipe de France. Ma décision est mûrement réfléchie et je suis en paix avec moi-même.
Pour autant, seras-tu toujours présent pour suivre les matches de l?équipe de France ?
Il est nécessaire que je reste au contact du plus haut niveau, plus comme acteur avec les séniors mais présent dans le cadre de mes missions. J?ai suffisamment de relations avec le staff pour que la porte soit ouverte à chaque fois que je le solliciterai pour mener à bien ma mission.
En quoi toutes ces années auprès des meilleurs joueurs du monde vont-elles guider tes missions sur le PES ?
Parmi les différentes nations, j?étais le seul entraîneur avec cette double casquette : entraîneur de l?équipe de France et responsable du renouvellement de l?élite. C?est un atout de pouvoir transmettre l?évolution du haut niveau pour influer sur la formation. Un joueur n?est pas formé pour être performant à l?instant T mais à + 6 ans. Mon rôle est de travailler à cette évolution avec les cadres techniques.
Revenons sur ton parcours avec Claude et l?équipe de France. De 2001 à 2005, il a fallu beaucoup d?abnégation et de travail pour préparer les résultats des années suivantes?
Ce que je retiens c?est l?évolution dans l?approche de ma fonction d?entraîneur. Lorsque je suis arrivé en 2001, j?avais un parcours d?entraîneur-formateur que j?ai eu du mal à perdre. En fait je pensais que je pouvais encore former ces joueurs là et cela m?a pris 3-4 ans pour comprendre et accepter qu?être entraîneur de l?équipe de France impliquait de travailler autrement. Je suis passé d?une posture d?entraîneur-formateur à une posture d?accompagnateur d?athlètes de haut niveau. Le contenu des entraînements et l?approche ne sont pas du tout les mêmes. Il fallait que je modifie mon approche, de manière à pouvoir répondre aux demandes de l?équipe de France.
À partir de 2005, comment a évolué ta fonction ?
Le déclic a été la demi-finale perdue lors du Mondial 2007 en Allemagne avec les circonstances que l?on sait. Il y avait alors deux façons de voir les choses : nous plaindre d?une injustice ou anticiper pour ne plus être tributaire d?éléments tels que l?arbitrage, l?environnement? À partir de ce moment-là, j?ai changé l?approche dans mon travail sur la préparation des grands événements avec une vision prospective, d?anticipation sur le handball de demain.
Tu évoques ton parcours mais tu as dû observer aussi l?évolution de tes collègues au sein du staff de l?équipe de France?
Je crois que l?ensemble du staff a évolué et développé une nouvelle approche. Vincent GRIVEAU et Pierre SÉBASTIEN n?ont plus le même regard qu?à leur arrivée et ce ne sont plus les mêmes hommes. La recherche de la haute performance invite à toujours te poser des questions et à ne pas avoir des certitudes sur la réussite du lendemain. Il ne faut pas penser que tu connais la recette du succès, sinon?
Alors revenons sur l?Euro 2012 lorsque l?équipe de France n?avait même pas franchi le 1e tour.
Nous avons manqué de vigilance et d?humilité. À cette période, certainement que l?ensemble du staff ne faisait plus l?effort nécessaire pour se poser les bonnes questions. Peut-être aussi n?étions nous plus capables de nous dire les choses. Mais sans cette défaite, nous n?aurions sans doute pas été champions olympiques six mois plus tard.
Considères-tu la finale de l?Euro 2014 au Danemark comme le match le plus abouti de l?équipe de France ?
Non. Pour moi c?est la finale France ? Croatie disputée à Zagreb en 2009. La stratégie que nous avions prévue a été appliquée à la minute près. Je me souviens avoir poussé la porte de la chambre de Claude le matin du match. Je pensais qu?il ne fallait pas faire débuter Daniel NARCISSE pour qu?il ne se fasse pas découper d?entrée de match. Je pensais qu?il valait mieux faire jouer Guillaume GILLE face à leurs deux pivots. C?est exactement ce qu?il s?est passé sachant que Claude avait proposé aux joueurs de rester dans les roues des Croates jusqu?à la 50e. Daniel est finalement rentré autour de la 17e minute et a été performant. Avec nos deux visions complémentaires, cela a conduit à un match parfait. En tant qu?entraîneur c?est LE match référence.
Envisages-tu encore de devenir entraîneur n°1 avec une sélection nationale ou une équipe professionnelle ?
J?ai décidé de me consacrer au renouvellement de l?élite au sein de la FFHB. Par le passé, j?ai eu deux opportunités importantes. D?abord une proposition de la fédération tunisienne en 2001 mais j?ai été retenu par ma fédération. Puis en 2013, j?ai fait parti de la « short list » pour entraîner le Qatar mais c?est l?Espagnol Rivera qui a été choisi.
L?été s?est superbement achevé avec la victoire des jeunes garçons. Quel est ton regard sur cette performance ?
Je n?ai jamais connu une génération aussi talentueuse que celle-ci. Tous les postes étaient doublés avec des joueurs de talent. Ce groupe est composé de six gauchers d?un niveau très intéressant. C?est en effet une superbe performance. Les staffs des équipes de France jeunes sont en train d?évoluer en intégrant les compétences des joueurs de l?équipe de France. Cette intégration ne va pas s?arrêter là car c?est désormais notre modèle. En cela je suis un facilitateur pour faire le lien avec leur arrivée et leur expertise au profit de notre formation. Daouda KARABOUÉ et Didier DINART ont apporté leur pierre à l?édifice. Ils ont été des acteurs de la réussite et je ne minimise pas leur rôle. Mais cela ne doit pas occulter le travail effectué depuis des années par les hommes de la filière.
Et sur les juniors qui ont terminé 7e ?
Avec cette 7e place, les juniors s?en sont bien sortis au regard des difficultés. Quatre gauchers titulaires étaient blessés et n?ont pas pu participer puis Nedim REMILI s?est blessé sur le 1e match. Je pense qu?au complet, ils auraient pu rentrer dans les quatre. Il faut considérer ces facteurs-là de façon à bien analyser.