À quelques heures de retrouver les Femmes de Défis, Philippe Carrara évoque son rôle d’adjoint d’Alain Portes depuis maintenant deux années au sein du staff de l’équipe de France. L’ancien joueur de la Stella Saint-Maur, notamment champion de France en 1980, revient aussi sur son parcours d?entraîneur entre autres à Sélestat, Pontault-Combault et au Maroc.

Te souviens-tu du moment où tu as embrassé le métier d?entraîneur ?

À la Stella Saint-Maur, les joueurs étaient très impliqués sur la formation et l?encadrement des jeunes. Dès l?âge de 20 ans, j?ai été sensibilisé à l?entraînement. J?ai eu la chance d?entraîner des jeunes garçons comme Stéphane Plantin ou François-Xavier Houlet. J?ai mis fin à ma carrière de joueur en 1992 et j?ai officié dans plusieurs clubs : au Kremlin-Bicêtre, à Sélestat (D1) à Pontault-Combault (D1) puis comme directeur technique au Tremblay-en-France (D1) avant de mettre le cap sur le Maroc. Parallèlement, j?ai mené des actions périphériques avec la CCA (Commission Centrale d?Arbitrage) de la FFHB.

Ton expérience avec le handball féminin était donc moins épaisse?

En tant qu?entraîneur, j?ai eu la de charge l?équipe espoir féminine du Kremlin Bicêtre et de l?équipe junior fille de la Stella Saint-Maur. J?ai toujours baigné dans le handball féminin : mon épouse, Catherine Reuter, est une ancienne internationale qui évoluait à l?ASPTT Strasbourg. Et notre fille Fiona poursuit actuellement sa formation au Metz HB. En 2011, j?ai entrainé l?équipe féminine de la LIFE et nous avions décroché le titre de vice-champion de France des interligues. Fiona faisait partie de l?effectif. En tant que passionné de handball, j?enregistre tous les matches, masculins et féminins, depuis des années?

En quoi le métier d?entraîneur est-il différent avec des joueuses ?

La relation technique avec les filles est un peu différente. Il faut plus donner de sens aux choix et les expliquer plus longtemps.


Quels sont les entraîneurs qui t?ont influencé ?

J?ai côtoyé Fernand Zaeguel et Serge Gelé lorsque j?étais à la Stella Saint-Maur. Tous deux étaient aussi entraîneurs nationaux et ont officié auprès de la FFHB. Ils m?ont énormément apporté sur tous les aspects handballistiques et dans la relation entraîneur – entrainé. Ils m?ont donné le goût de l?entrainement et l?envie d?aller plus loin dans l?activité. Je citerai aussi Jean-Paul Martinet lorsque j?évoluais en équipe 1e. Je suis toujours admiratif du travail de Daniel Costantini qui par son travail a permis de sortir l?équipe de France du Mondial C jusqu?au titre mondial. Le flambeau a été repris par Claude Onesta qui continue d?écrire les plus belles pages du handball français.

À quand remontent tes premiers contacts avec Alain Portes ?

Avec Alain, nous avons été adversaires sur le terrain en D1 puis comme entraîneur aussi en D1. C?est le Championnat d?Afrique des Nations de 2012 qui nous a permis de nous rapprocher alors qu?il était en charge de la Tunisie. De mon côté, j?étais le sélectionneur de l?équipe marocaine. Nos équipes séjournaient dans le même hôtel et nous avions alors beaucoup échangé et tissé des liens. Lorsqu?Alain a pris la sélection, il m?a sollicité pour le rejoindre et je n?ai pas hésité une demie seconde.

Quels bénéfices retires-tu de ton expérience au Maroc lorsque tu as pris pendant une année (novembre 2011 à août 2012) la responsabilité de l?équipe nationale masculine ?

Ce n?est pas anodin de s?expatrier, c?est une mise en danger qui bouscule sa propre routine. Le fait que ce soit un pays francophone a évidemment permis une meilleure approche humaine et une compréhension des susceptibilités locales plus forte. Mon adjoint n?a pas toujours eu un comportement loyal et même s?il a fallu attendre trois années pour toucher ma rémunération, je suis revenu plus fort.

Comment se positionner dans le rôle d?adjoint ?

J?ai pris la fonction de n°2 et en conséquence je reste à cette place. C?est un fonctionnement logique et normal. Avec Alain nous échangeons et une fois que la ligne directrice est définie aucune faille ne pourrait apparaître dans les orientations. J?ai la chance d?être détaché par la fédération et de vivre au quotidien cette mission. Nous sommes tous deux investis et passionnés, on fait cela avec un immense plaisir.
L?entraînement me manque et j?ai hâte de retrouver les filles sur le terrain d?autant que le rassemblement à Roanne marque le début d?une aventure intense. Je vais en profiter un maximum car à l?issue de ce mois passé ensemble, ce sera difficile de se quitter.

En dehors des rassemblements et des compétitions, comment travaillez-vous ensemble ?

On s?appelle entre 3 et 4 fois par jour. L?évolution du handball est quotidienne et nous avons besoin de cette gestion à distance permanente. Nous disposons d?un laps de temps très court pour être très performant et pour ce faire, il nous faut un maximum d?informations pour prendre les décisions pertinentes. Cela passe aussi par des matches suivis dans les salles et des rencontres régulières avec les joueuses, récemment Cléopâtre Darleux en fin de rééducation à Capbreton ou Nina Kanto à la sortie du match de LFH face à Fleury-Loiret. Les joueuses sont sensibles à ces moments d?échange. Il y aussi Frédéric Pérez et Johann Langloys avec lesquels les contacts sont très réguliers.

Le rôle de l?adjoint peut-être aussi celui de confident et de paravent?

L?adjoint se situe un peu en retrait et son rôle est de donner les informations au coach. Sur le banc, j?observe et je dois tenir compte de leur attitude. Pour celles qui jouent peu ou pas, la compétition peut être longue et il faut absolument avoir un dialogue avec elles.

Comme Alain Portes, tu officiais sur l?aile gauche. En quoi ton expérience de joueur de haut niveau est-elle utile dans tes rapports avec les joueuses ?

Aujourd?hui les joueuses sont professionnelles et peuvent vivre de leur passion. C?est une chance et elles ne doivent pas tergiverser ou s?égarer. Lorsque une joueuse internationale rentre sur un terrain de LFH, on doit voir quelqu?un de différent, ressentir leur statut d?international. Le poste d?ailier peut être frustrant car il est fortement dépendant de son arrière qui lui glissera le bon ballon. C?est un poste à la fois ingrat avec des enchaînements de courses et valorisant à la finition. Avec Alain, nous avons mis en place des choses pour rendre les ailières plus actives, par exemple sur les engagements rapides, ou en les impliquant dans les enclenchements.

As-tu déjà basculé en mode Mondial avec l?étude des adversaires de l?équipe de France ?

L?Allemagne, que nous allons affronter d?entrée à Kolding, fait partie de nos adversaires pour les qualifications à l?Euro 2016. Elle a joué face à l?Islande et à la Suisse et nous avons bien évidemment travaillé sur les vidéos de leurs matches. En revanche pour étudier la Corée-du-Sud, c?est plus compliqué. Mais nous activons nos réseaux pour récupérer des images récentes. Pour les autres adversaires du 1e tour du Mondial, l?Argentine, la République du Congo et surtout le Brésil, nous nous appuierons sur leurs prestations au Danemark.

Pendant la compétition, avec parfois des matches du jour au lendemain, le rythme est intense?

Le travail est considérable. On doit travailler sur nos propres performances, individuelles et collectives, tout en analysant le prochain adversaire. Ce double travail se réalise dans un laps de temps très court afin de proposer à Alain les modules les plus ciblés.