Lors de l’été 92, deux équipes émergent à la face du public : la Dream Team des basketteurs américains et l’équipe de France de handball. Si les joueurs de la NBA embrasent la planète, les Bronzés sont nés et se font une place dans le cœur des Français… pour ne plus jamais la quitter.
Six étoiles pour autant de titres mondiaux, trois couronnes européennes, deux sacres olympiques, une flopée de médailles, n’en jetez plus ! C’est du côté de la Catalogne que tout a commencé avec la première médaille, sans doute la plus difficile à décrocher. Un bronze olympique invraisemblable encore quatre ans plus tôt à Séoul où les handballeurs français sont une fois de plus absents depuis 1972 et la première levée olympique du handball. « Barcelone, c’est l’acte 1 olympique et médiatique de l’équipe de France masculine qui sortait quasiment de nulle part, commente Philippe Bana. 1992, c’est le début du mythe olympique que l’on n’a plus jamais quitté depuis avec sept participations consécutives. C’est aussi la concrétisation d’un plan de cinq ans, « Paris 92 » qui s’éclaire d’un coup, jusqu’à 100 jours de travail mené chaque année par l’équipe de France de Daniel Costantini. »
Jean-Pierre Lepointe dormait dans la cuisine
« Lorsque je revois ce match, il me fait honte car d’une violence incroyable. Les deux arbitres Polonais, que j’aimais bien, ont laissé faire ce jour-là, raconte Daniel Costantini. Les Espagnols voulaient taper, au point de ne plus trop penser au handball. Les Français ne se sont pas laissés faire et la magie de Jackson Richardson avec ses trois interceptions, a permis de passer de -2 à +1, sans oublier la prestation de Philippe Médard entré derrière Frédéric Pérez. » Arrivés en provenance de Banyuls où les Bleus bouclaient leur préparation de stakhanoviste, ils héritent de deux appartements et doivent pousser les murs. « Nous avions fait le choix de nous présenter au village olympique au dernier moment et à notre arrivée, il n’y avait plus beaucoup de place et mon adjoint, Jean-Pierre Lepointe, dormait dans la cuisine. Les volleyeurs, eux, disposaient de trois appartements. Cela avait un peu énervé les joueurs et finalement contribué aussi à faire que la sauce prenne. » La victoire sur l’Espagne mettra les Bleus sur une voie royale jusqu’à décrocher, 10 jours plus tard, la médaille de bronze lors de la petite finale, face à l’Islande. Un succès inattendu et d’une résonnance impensable.
Trois mois de préparation
« Après notre qualification en 1990 à Prague, c’était une consécration de participer aux J.O. mais avec l’obsession d’être digne de cette gratification, que personne ne puisse dire que nous étions une erreur de casting », se souvient Daniel Costantini qui découvre le tirage au sort effectué un an avant le rendez-vous en Catalogne. Avec l’Espagne en ouverture, la Roumanie, l’Allemagne réunifiée, l’Égypte, le Marseillais ne lésine pas sur les moyens à déployer pour présenter une équipe compétitive. La saison de D1 s’achève dès le mois d’avril et ce sont trois mois de préparation qui attendent Philippe Gardent et sa bande. Daniel Costantini découpe la préparation en trois modules. « L’approche était un peu simpliste avec ses trois parties : travailler le corps (physique), l’équipe (combinaisons) et la tête (dernière quinzaine). J’avais fait le choix de priver les garçons de matches sur les deux dernières semaines pour qu’ils aient faim en arrivant à Barcelone. » Parallèlement le coach révolutionne sa base arrière avec Frédéric Volle en demi-centre et Denis Lathoud arrière gauche. « La révélation m’est venue en Hongrie. On a donc joué avec cette drôle de ligne d’arrières (avec Philippe Debureau à droite et changement Laurent Munier) avec Denis Lathoud qui, en bonne forme physique, était un arrière gauche très créatif. Me passer de Gilles Derot, que j’avais eu avec moi à la sports-études de Marseille, n’a pas été simple. »
L’engouement médiatique bouleverse la vie de tous les acteurs qui resteront ambitieux en enchaînant une médaille d’argent mondiale (93) puis le titre planétaire, le premier d’un sport collectif, en 1995, en Islande. La notoriété acquise par le handball rejaillit sur Daniel Costantini et réciproquement. Il devient le premier entraîneur de handball connu et reconnu. « Cela me plaisait. Au retour, dans mon quartier de Montparnasse, les gens me faisaient des clins d’œil. C’était agréable et pas intrusif. » Sur l’échiquier mondial, la France du Handball gagne du terrain. « Je me souviens avoir discuté avec des représentants d’autres nations, notamment l’entraîneur roumain Niculae Neddef, qui n’en revenaient pas que, d’un coup, la France ait remporté une médaille. » La première d’une longue série (20 médailles internationales à ce jour) presque interrompue, sauf aux J.O., puisqu’il faudra patienter 16 ans et le titre de Pékin, pour retrouver le podium olympique. « Barcelone a été un passage capital dans l’évolution mais il nous a tellement réussi que cela nous a leurré sur ce qu’il faudrait faire à l’avenir. Cela nous a un peu déphasé. Et lorsqu’il m’arrive de repenser à cette aventure, je vois presque autant les douleurs en amont, car comme le disent les Américains, « No pain, no gain ».
Par Hubert Guériau

Laurent Munier : « C’était Walt Disney »
Mon rêve de gamin était de participer aux Jeux olympiques. Barcelone 92, c’est la plus belle aventure que j’ai vécue en tant que sportif. Avec tous les anciens de l’équipe, ce séjour olympique demeure notre plus beau souvenir. Nous avons participé aux cérémonies d’ouverture et de clôture. C’était phénoménal et quelque chose à vivre au moins une fois dans sa vie. Les J.O., c’est mythique. C’était Walt Disney.
C’est le début de l’épopée du Handball français qui avait connu ses prémices en 1990 avec la qualification à Prague. Lors de la préparation, nous avions senti que quelque chose se passait avec des victoires sur la Hongrie et la Tchécoslovaquie, des équipes face auxquelles on galérait habituellement. Nous avions effectué un travail énorme qui a duré trois mois, sous la conduite de Daniel Costantini. De mai à juillet, le rythme était infernal, avec 6 à 7h de sport par jour entre la gym, la course, la musculation, le handball et le match du soir. C’était un programme monstrueux. Aujourd’hui ce serait impensable.
Dès le premier match des J.O., on gagne face à l’Espagne, une nation qu’on n’arrivait pas à battre. Il y a eu un emballement médiatique et au moment de la place 3-4, face à l’Islande, il y avait des journalistes venus de partout. Les J.O., c’est un événement planétaire ; un Mondial n’a pas la même saveur. Au retour, avec Éric Quintin, nous avions décidé de nous faire poser une boucle d’oreille. La bijoutière nous l’a finalement offerte. Le soufflet est vite retombé et une fois que nos cheveux ont repoussé et retrouvé leur couleur d’origine, seul Jackson était encore reconnu.