Samedi dernier, elle était sur le banc de Györ, elle est même entrée en jeu pour tenter de détourner un jet à sept mètres de Henny Ella Reistad, la demi-centre du Team Esbjerg. Alors qu’elle avait annoncé le terme de sa carrière en juin dernier, Amandine Leynaud, désormais entraîneur des gardiennes de l’équipe de France, s’est laissé tenter par un ultime challenge, le temps du congé maternité de la Norvégienne Silje Solberg.
Avais-tu envisagé cette éventualité de rejouer ?
Pas une seule seconde. J’ai plusieurs fois été sollicitée depuis le début de saison, souvent pour pallier la blessure d’une gardienne. En fait, sincèrement, le seul endroit où j’aurais éventuellement pu envisager la possibilité de rejouer, c’est Györ.
Le haut niveau te manquait-il ?
Non, et je suis toujours en paix avec moi-même par rapport à cette décision d’avoir arrêté le sport de haut niveau. Mais lorsqu’un club pour lequel je me suis battue pendant quatre ans se retrouve en difficultés, c’est plus fort que moi, c’est une question de fidélité. Je ne sais pas si je vais les aider vraiment, mais je ne voyais pas leur dire non. Ils m’ont tellement apporté.
Comment en sont-ils venus à penser à toi ?
Anita (Görbicz) m’a d’abord appelée pour me dire que Silje était enceinte et que le club recherchait une gardienne et qu’il avait pensé à moi. Il n’y avait alors rien d’officiel, c’était juste une prise de contact. Elle m’a demandé de réfléchir au cas où aucun autre profil ne correspondrait à leurs besoins.
Et… ?
Et le nouveau président, Peter Endrodi, m’a appelé pour me dire que ma venue lui semblait la meilleure solution. Il a insisté sur le fait que l’aspect humain était sa priorité, qu’il avait confiance en moi et que j’avais déjà des attaches dans le club qui faciliteraient ma réintégration. L’idée a fait son chemin. C’est un sacré challenge et j’aime bien relever des challenges. Je ne sais pas si c’est arrivé souvent de trouver une joueuse qui sort de sa retraite pour renouer avec le haut niveau. Parce que c’est aussi un autre challenge : même si Györ a perdu quelques matches, il reste l’un des favoris pour aller au final four de la Ligue des Champions.
Tu dis que l’idée a fait son chemin. As-tu beaucoup hésité ?
J’ai arrêté le sport de haut niveau depuis huit mois. J’ai beaucoup réfléchi aux sacrifices physiques, familiaux. Je me suis interrogée sur ma capacité à retrouver un niveau correct. Et je suis arrivée à la conclusion qu’il ne s’agit que d’une parenthèse. C’est juste pour quatre mois, par pour la totalité d’une saison.
Comment se sont passées les retrouvailles ?
Les filles ont été adorables et m’ont réservé un très très bon accueil. Elles disaient : « on a l’impression que tu n’es jamais partie ».
Et les entraînements ?
C’est assez paradoxal pour être tout à fait sincère. Je pensais que ce serait beaucoup plus dur que ça. Visiblement, c’est comme le vélo, ça revient assez vite. Je manque bien sûr de rythme et de compétition. Mais je pense qu’en m’entraînant dur, en faisant des matches en Championnat, le rythme va revenir. Il me faut juste un peu temps. Les placements sont là, j’arrête des ballons. En fait, tout se fait en douceur. On s’est d’abord concentré sur mes genoux qui ont été opérés afin de ne pas avoir trop mal, être bien physiquement et reprendre tranquillement pour éviter que je ne me blesse.
Crains-tu ce risque de blessure ?
Il existe, bien sûr. J’ai fait du sport pendant huit mois, mais pas à haut niveau. C’est pour ça que l’on procède par étapes.
N’étais-tu pas tentée de jouer ce match capital face au Team Esbjerg ?
J’étais sur le banc pour accompagner Sandra (Toft). Je n’étais pas censée mettre un pied sur le terrain. Sandra est performante et il n’y avait aucune urgence.
Cette qualification pour les quarts de finale constitue-t-elle un soulagement ?
Nous avons surtout eu trois jours de libre après le match pour faire souffler les filles. J’ai pu revenir en France et m’occuper de ma famille après deux semaines d’éloignement. Je reviendrai mercredi en Hongrie, et je devrais jouer ce week-end en Championnat contre Erd.
La perspective de disputer une fois encore le final four de la Ligue des Champions a-t-elle pesé au moment du choix ?
Quand tu joues à Györ, la Ligue des Champions est toujours un objectif et l’un ne va donc pas sans l’autre. Je savais où je mettais les pieds, les exigences, les ambitions, et ça a compté, oui. Mais remporter une nouvelle Ligue des Champions ne changerait pas vraiment la donne pour moi. J’ai la chance d’avoir tout gagné, vécu des moments exceptionnels. Disons que le challenge donne envie. C’est plus un bonus qu’une pression.
N’as-tu pas peur de te piquer au jeu et d’avoir envie d’enchaîner ?
Certainement pas. Je le répète, mais je suis en paix avec moi-même avec cette décision. D’ailleurs, les dirigeants m’ont proposé d’enchaîner jusqu’en décembre-janvier, en attendant le retour de Silje. J’ai coupé court à la discussion. Je me suis engagée dans de nouveaux projets dans lesquels je m’investis totalement, et je n’ai plus du tout envie de ce quotidien, des sacrifices qu’il implique. J’ai fait ça depuis l’âge de 17 ans, c’était le bon moment de passer à autre chose.
Aucune chance, alors, de te retrouver candidate à une place pour les Jeux Olympiques ?
Aucune, non.
As-tu conservé tes fonctions dans le staff de l’équipe de France ?
Bien entendu. Ces quatre mois, je les prends comme un bonus, un moment-donné, court, intense. Mais ma vie a pris une autre tournure qui m’épanouit vraiment. D’ailleurs, je voudrais remercier les gens de la FFHandball qui ont parfaitement compris mon projet.
Ne se sont-ils pas opposés à cette pige ?
Au contraire. J’ai appelé Olivier (Krumbholz) qui a moins hésité que moi. Il m’a dit qu’il est parfois préférable de se lancer et d’oser, quitte ensuite à s’apercevoir que l’on s’est trompé ou que l’on n’aurait pas dû, au lieu de regretter de ne pas l’avoir fait. Comme toujours, j’ai trouvé ses paroles assez sages. Il me connaît très bien, il sait que j’aime relever les challenges. J’ai aussi appelé Pascal (Bourgeais) le DTN, qui m’a affirmé qu’il n’y voyait aucun inconvénient.
Seras-tu à Strasbourg puis Montbéliard au mois de mars pour les deux rencontres face à la Suède ?
Absolument. Je vis le fait de faire partie de ce staff comme une véritable chance. J’ai arrêté l’équipe de France après les Jeux Olympiques, je pense être allée au bout de mon aventure, mais accompagner les joueuses vers quelque chose qui pourrait être extraordinaire me nourrit aussi. J’aime ce rôle, vraiment, et il n’est pas question que je m’en éloigne. En plus, la Fédération a des projets énormes et la perspective de gagner à nouveau les Jeux Olympiques est un moteur extraordinaire.
Jouer à Györ et mener tes missions avec l’équipe de France ne sont donc pas incompatibles…
Non, ça ne change rien. Il y a juste deux ou trois petites choses que je devais faire entre les stages que je vais devoir aborder différemment, mais rien de fondamental.
Es-tu impatiente de débuter vraiment avec Györ ?
Je suis impatiente de retrouver le rythme. Jouer en Championnat, en Coupe de Hongrie, envisager le quart de finale de Ligue des Champions, tout ça est très motivant.
Tu parlais tout à l’heure de vos équilibres familiaux. Ne crains-tu pas de les perturber ?
J’ai énormément de chance, celle d’avoir une femme qui me connaît, qui est très compréhensive, même si ce n’est pas évident. Mes enfants, eux, m’ont mise en garde. Ils m’ont dit : nous on a nos copains, on reste là, on viendra juste te voir pendant les vacances. Je suis très heureuse d’avoir fait ce choix de revenir en France. Ils ont trouvé un équilibre. Ils ont cinq ans, ils n’étaient jamais allés à l’école, et si je me suis arrêtée, c’est aussi pour qu’ils puissent s’épanouir, et c’est vraiment le cas. On a dû trouver un équilibre familial différent, et on ne va pas le perturber.
Propos recueillis par Philippe Pailhoriès