Dans exactement 11 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 40e épisode avec « Dix de der. »

RIO 2016 – HOMMES
Dix de der

Ils avaient fini par perdre ce goût plus aigre que doux, cette sensation étrange d’achever une compétition pleine de maîtrise la mine abattue. Depuis cette soirée de mars 1993 au Globe Arena de Stockholm, les Bleus n’avaient plus perdu aucune finale, ni aux Championnats du monde, ni aux Jeux olympiques, ni aux Championnats d’Europe. Dix victoires d’affilée, des triomphes raffinés à Reykjavik, Zurich, Pékin, Zagreb, Vienne, Doha ou Herning, parfois plus alambiqués dans le temple de Bercy, à Malmö ou à Londres. Une série hallucinante qu’ils comptaient bien poursuivre dans cette Future Arena de Rio de Janeiro.

Jamais aucune équipe n’avait enchaîné trois titres olympiques et la perspective d’être celle-là les alléchait. Et puis ils retrouvaient face à eux des Danois brillants mais encore fragiles, qu’ils avaient pris l’habitude de rudoyer depuis le match de Marseille au Mondial B de 1989 et encore dans cette même arène, huit jours plus tôt en phase de poule (33-30). Dix affrontements dans ces tournois majeurs, et un seul revers, celui de 2007 à Cologne, qui les avaient privés de la médaille de bronze. 

Des Danois qui avaient encore en travers de la gorge le scénario de Malmö, ce titre mondial abandonné après prolongation en 2011, mais surtout la déculottée de la Jyske Bank Boxen en 2014 (31-42). À domicile, devant 9000 spectateurs médusés, totalement sous le charme du lutin Michaël Guigou, ils paraissaient des enfants opposés à de grands garçons.

Dimanche 21 août donc. A la pause, après un mémorable plongeon de Valentin Porte pour détourner un tir de Morten Olsen, les Français sont menés de deux buts, malgré un Thierry Omeyer à son aise et un Michaël Guigou une nouvelle fois étincelant. Mais au retour du vestiaire, ils apparaissent sans énergie, peinent à trouver des solutions en attaque. Le jeu à 7 contre 6 les a usés et ils commencent à lâcher prise défensivement. Le 6-1 encaissé à cheval sur les deux périodes les contraint à une remontée fantastique. Mikkel Hansen, élu MVP du tournoi, est évidemment le maître du jeu, alors que Niklas Landin, souvent en difficulté face aux Français, réussit quelques parades déterminantes.

26-21 à la 51e minute, l’affaire s’annonce corsée. Quatre inspirations de Michaël Guigou, Kentin Mahé, Daniel Narcisse et Nikola Karabatic rappellent à quel point les Bleus ont la maîtrise de ce type d’événements (25-26, 57e). Mais ils ont laissé beaucoup d’énergie dans ce second acte, et évidemment une partie de leur lucidité. Sur son aile, Lasse Svan redonne un élan, mais les Français ont retrouvé de la couleur. Ils marquent plus facilement, défendent mieux. Un premier tournant se présente maintenant quand Henrik Toft Hansen arrache le ballon des mains de Nikola Karabatic. Le réalisateur montre le malicieux la seconde d’avant enduire ses mains de colle… Malheureux Nikola Karabatic. Sur l’action d’après, les arbitres espagnols lui sifflent un marché à peine détectable.

Il reste maintenant une minute et neuf secondes pour rêver. Les Danois ont la balle du +3 dans les mains. La balle d’un premier titre olympique. Mads Mensah Larsen se joue de la défense tout terrain et met un terme brusque à l’incroyable série des Bleus. Dans la cabine commentateurs, Jérôme Fernandez pleure à chaudes larmes. « J’aurais aimé finir ma carrière à Rio, dit-il, mais Claude Onesta en avait décidé autrement. J’étais totalement impuissant à mon poste. J’avais bien étudié le jeu à 7 contre 6 des Danois, mais je ne pouvais rien faire d’autre que de constater. Les larmes ont commencé à monter. Comme si j’avais moi aussi perdu cette finale… »