Champion de France de Nationale 1 avec les filles de Case Cressonnière samedi dernier au palais des sports Robert-Oubron de Créteil, l’entraîneur réunionnais Didier Ranguin revient sur cet exploit et évoque le développement du handball à la Réunion.
Deux jours après ce titre de champion de Nationale 1 féminine, es-tu redescendu de ton petit nuage ?
(Rires). Pas vraiment. On va dire un petit peu parce que l’on est encore en métropole, mais quand on va arriver là-bas, ça va être la folie. On ne se rend pas encore trop compte de ce qu’il s’est passé. J’ai eu beaucoup d’appels. J’ai eu beaucoup de messages. Je n’ai pas encore pu répondre à tout le monde. C’est dingue, c’est un exploit de fou. Pour l’instant, on n’a pas encore pris conscience de ce qu’on a fait, qui est exceptionnel. Battre le centre de formation de Metz, des filles qui s’entraînent deux fois par jour, des futures professionnelles…Et nous à la Réunion, on ne s’entraîne que trois fois dans la semaine, plus le match dans le week-end donc c’est sûr que c’est un exploit. On a mis le supplément d’âme pour aller chercher ça. On arrive à ce match avec quatre matchs dans les jambes. Les filles étaient vraiment fatiguées, des pépins physiques, des douleurs. Et même avec ça, on a réussi à faire l’exploit.
Qu’est-ce qui a fait la force de ton groupe sur cette semaine de rêve ?
La force de ce groupe, ce n’est pas que sur cette finale, mais depuis le début de saison. C’est la cohésion, ce sont des amis, c’est comme des sœurs. Il y a une solidarité incroyable avec ces filles. Quand on est arrivé ici, avec cette cohésion, on ne s’est pas posé de questions. On a joué notre handball. On a fait ce que l’on sait faire, on est resté simples.
Cette saison était ta première expérience en tant qu’entraîneur d’une équipe senior féminine. Tu as mis la barre très haute !
Exactement (rires). Au niveau local, je ne peux pas faire mieux. Comme tu l’as dit, c’est la première fois que je prends une équipe senior. L’objectif maintenant, c’est de faire pareil l’année prochaine et de faire grandir notre club. En gagnant ce championnat de France, on a mis la barre super haute, ça va attirer les gens vers le club de Case Cressonnière.
Tu as joué de nombreuses années en métropole à haut-niveau que ce soit avec Toulouse ou à Billère. Est-ce cette expérience du haut-niveau t’as servi pour remporter cette finale nationale ?
Oui, évidemment. Ça fait pas mal de temps, mais quand j’ai été pro, il y a une vingtaine d’années, j’ai vu comment ça fonctionnait avec la rigueur, la discipline et le travail. J’ai vu tout ça et en revenant à la Réunion et j’ai voulu mettre tout ça en place. J’ai voulu apporter de la rigueur, mais aussi la passion du handball. À la Réunion, on est loin de ça.
Le club de Case Cressonnière est connu notamment pour sa filière garçons qui a déjà disputé plusieurs finales nationales ces dernières saisons, cette fois-ci, c’est au tour des filles. Quel est le secret de la bonne réussite de ce club ?
Écoute, c’est l’honnêteté et le travail. Dans ce club-là, les filles s’entraînent dur. Elles ont de la discipline. Elles ne trichent pas, personne ne triche d’ailleurs, les dirigeants et le staff non plus. Il y a un contrat moral depuis le début de la saison. Toutes les filles l’ont respecté. Mais surtout, on travaille dur à l’entraînement. Je n’ai pas un fonctionnement militaire, mais quand on arrive à l’entraînement, oui, on est là pour passer un bon moment, on rigole, on prend du plaisir, mais tout ça dans le travail.
En quoi c’est important pour toi de valoriser la filière féminine du club ?
À la Réunion, souvent, les gens et les professionnels du hand critiquent le niveau du handball depuis quelques années. Que le handball féminin commence à prendre de la pente, etc. Et ce championnat de France là… On est invaincu dans la saison. On redore un petit peu le handball féminin de la Réunion. Avec ce titre, pour moi, les filles seront un peu plus respectées qu’avant.
Les deux clubs de La Réunion ont été champions ultramarins (Case Cressonnière chez les filles et le HBC Saint-Pierre chez les garçons), le handball réunionnais se porte plutôt bien !
Avec ces deux titres de champion ultramarin, oui, c’est sûr. Pour les garçons, j’ai envie de dire que c’est un peu normal, car le club de la Cressonnière qui est venu l’année d’avant avait déjà gagné le titre ultramarin, mais pour les filles, c’est exceptionnel. Vraiment exceptionnel ! Avec des joueuses peu connues, j’ai envie de dire, même si j’ai récupéré deux anciennes pros avec Mathilde Ziegler (Strasbourg/Achenheim) et Eloïse Dewez (Abbeville, Dijon, Saint-Amand et Lomme/Lille). Sinon, personne n’est pro à la Réunion. C’est vraiment un exploit. Ça va mettre le handball féminin en haut de l’affiche à la Réunion. On ne va plus nous voir pareil. C’est bien parce qu’on va nous prendre au sérieux maintenant.
Comment se passe le développement du handball à la Réunion ?
Honnêtement, je pense qu’on a baissé en termes de licenciés. Je trouve que le handball réunionnais est en train de stagner depuis quelques années. Au niveau des jeunes, ils font le pôle espoir et ensuite, ils viennent en métropole et c’est tout. On ne fait plus vraiment sortir des jeunes de la Réunion.
Quelles sont les difficultés ?
Je pense que l’on manque de moyens par rapport au territoire national. Les moyens ne sont pas du tout pareils. On manque de cadres, d’entraîneurs… Les gens sont moins passionnés qu’en métropole. Il y a très peu de passionnés à la Réunion, mais ceux qui le sont se dépouillent pour faire en sorte que les choses continuent à avancer.
Concernant la formation du club de Case Cressonnière, avez-vous un lien étroit avec la filière fédérale pour envoyer vos meilleurs jeunes en métropole ?
Je ne sais pas trop comment ça se passe. Il y a le pôle espoir comme dans tous les territoires français, après les jeunes de la Réunion viennent en métropole pour tenter l’aventure, mais généralement, quand ces jeunes, filles ou garçons, tentent l’aventure, ils rentrent en centre de formation et ça s’arrête là. Il y en a très peu qui deviennent pros. Très peu. Ça s’arrête là et ensuite, ils trouvent un boulot et reviennent à la Réunion. Ça ne sort pas tant que ça, j’ai envie de dire.
Le Covid en 2020 a été un véritable coup d’arrêt pour tous les clubs métros et ultramarins, comment avez-vous réussi à sortir de cette crise-là ?
Quand il y a eu le Covid il y a quelques années, en fin de compte le handball n’a pas stoppé à la Réunion. On a continué à s’entraîner en respectant le protocole, mais on a continué à travailler. Je parle pour mon club de la Cressonnière, on n’a jamais arrêté de travailler. Moi qui ai connu le haut niveau en métropole, la Cressonnière a un fonctionnement semi-pro. On s’entraîne, on a des stages, on essaye de mettre les moyens, même si on en manque. On a juste de quoi bien s’entraîner.