Cette fois, l’heure de la retraite semble avoir sonné pour Vincent Gérard. Huit jours après le Final Four de la Ligue des Champions disputé avec le FC Barcelone, l’ancien gardien des Bleus revient sur les dernières semaines avec le Barça et se projette vers l’avenir.
Huit jours après ce Final 4, est-ce que tu le considères comme une anecdote au regard de ta riche carrière ou est-ce que tu y penses encore ?
Non, je ne le rumine pas. C’est sûr que c’est frustrant de perdre une finale, surtout quand tu as l’impression que tu as fait ce qu’il fallait, ça laisse un goût d’inachevé. Mais paradoxalement, ça m’a permis de rejouer à très haut niveau et surtout, de terminer ma carrière en sachant que c’était mon dernier match. Quand on est éliminés en quart aux J.O, par exemple, je ne pouvais pas savoir si ce serait la fin. Là, je savais. C’est décevant, oui, mais ça m’a aidé à mieux tourner la page.
En effectuant ton retour en avril, l’objectif était de mettre au service du FC Barcelone et d’Emil Nielsen. Avec le recul, mission accomplie ?
Oui, clairement. Mon rôle était bien défini, je l’ai accepté pleinement. Et je pense avoir été utile, notamment au match retour du quart de finale de la Ligue des champions. Sur certains matchs, j’ai aussi permis à Emil de souffler un peu quand il avait des douleurs physiques, et de mon côté, j’ai réussi à me remettre au niveau. Ce n’est pas anodin : ça demande un engagement mental, physique, et un vrai niveau de jeu. Donc individuellement, je suis satisfait. Après, bien sûr, j’aurais préféré finir avec un titre. Mais bon, tout ne se passe pas toujours comme on le rêve.
Alors cette fois, c’est vraiment la retraite ? Ou tu laisses encore une petite porte entrouverte ?
Non, sincèrement, cette fois, je pense que c’est la bonne. Déjà l’an dernier, je pensais arrêter, mais là, avec ce passage à Barcelone, toutes les planètes se sont alignées pour deux mois. C’était intense, mais aussi un rappel que cette vie, je n’ai plus envie de la mener sur le long terme. Alors évidemment, on ne sait jamais de quoi l’avenir est fait. Mais il n’y a plus de volonté de continuer à jouer.
Tu avais maintenu une activité physique avant de reprendre en avril dernier. Tu comptes continuer à t’entretenir sérieusement, maintenant que tu es à la retraite ?
Intense comme un pro, non. Mais oui, je vais continuer à faire du sport. C’est une nécessité pour moi, un équilibre. Et puis ce retour m’a permis de finir totalement ma rééducation des adducteurs. Ils sont comme neufs ! Je vais continuer à bouger, sur quel format exactement, on verra.
Et sur le plan professionnel, dans le handball, tu te vois rester sur ou autour du terrain ?
Pas comme entraîneur de club, non. Cette vie-là, je n’en veux plus. Plus envie des déplacements, des week-ends pris, de vivre avec une équipe toute l’année. En revanche, ce qui me plaît vraiment, c’est d’entraîner les gardiens, les gardiennes. J’avais déjà commencé avec les filles du pôle à Metz la saison dernière. C’est clairement un rôle dans lequel je me projette. Travailler sur le terrain, oui, mais de manière ciblée, en gardant du temps pour moi.
Tu es aussi très engagé avec la présidence de l’AJPH. Tu comptes poursuivre dans ce rôle, voire l’élargir ?
Oui. Ça fait sept ans que je suis président et maintenant que j’ai du temps, je peux m’impliquer encore plus concrètement, participer aux réunions, travailler sur les dossiers. Je pense avoir une bonne vision d’ensemble : j’ai connu des clubs comme Paris et Montpellier, mais aussi Istres. Je comprends les réalités du terrain, des grands clubs comme des plus modestes. Donc oui, je veux continuer à représenter les joueurs, à faire avancer les choses. C’est un engagement qui me tient à cœur.
Tu avais évoqué l’idée d’ouvrir une librairie. C’est toujours un projet ?
Oui, toujours. Peut-être pas exactement une librairie, peut-être autre chose. Mais l’envie d’un projet personnel, hors du handball, reste un désir. Je suis en phase de réflexion, j’ouvre des pistes, j’essaie de trouver la bonne. Rien d’opérationnel pour l’instant, mais c’est dans un coin de ma tête.
Tu vas t’installer définitivement à Metz ? Ce sera ta base à l’avenir ?
Oui, complètement. Je retourne à Metz, c’est chez moi, c’est ma ville, mon département. Et en plus, c’est bien placé : je suis à proximité de Paris, où je dois souvent me rendre. Donc oui, c’est là que je me pose. Et maintenant, on va reconstruire un peu, repartir sur de nouvelles bases.
La disparition de Denis Lathoud a ému la communauté handball et même au-delà. Quel regard portes-tu sur lui et ce qu’il a représenté ?
C’est vrai que les “Barjots”, c’est notre ADN. Ce sont eux qui ont défini – et j’espère pour longtemps encore – l’état d’esprit de l’équipe de France. Donc forcément, il y a une immense tristesse. Denis Lathoud faisait partie de ceux qui ont ouvert la voie, pas seulement pour le hand, mais pour tout le sport français. On ne peut qu’être touché. J’ai eu la chance de côtoyer certains de ces gars-là, de cette équipe mythique. C’est un vrai choc pour tout le monde.
Comment désormais regardes-tu les matchs de l’équipe de France ?
Je regarde en tant que supporter, oui, et je reste passionné. Que ce soit chez les garçons ou chez les filles, je suis toujours le premier content quand ils performent. J’essaie d’être objectif, bien sûr. Mais je sais aussi que ce qu’on lit ou entend ne reflète pas toujours ce qu’il se passe en interne. Donc je regarde avec intérêt, mais avec un peu plus de recul maintenant.
Tu parles d’entraîner, notamment des gardiens. Tu te projettes où concrètement ? Clubs ? Sélections ? Formation ?
Je suis convaincu que je peux transmettre, que j’ai des choses à apporter. J’ai envie de rendre ce que j’ai reçu toutes ces années. Juste que j’ai envie d’aider le handball, de lui rendre ce qu’il m’a donné. Et si la Fédération continue à intégrer d’anciens joueurs dans les processus de développement, je pense que cela sera une bonne chose. Parce qu’on a vécu de l’intérieur, pendant des années, et qu’on sait très bien les réalités et les difficultés du haut niveau.
Au moment où nous réalisons cette interview, tu es sur le chemin d’un camp d’entrainement international (International goalkeeper camp) spécifique pour les gardiens…
Oui, je vais intervenir en Croatie, à Omis en Dalmatie sur ce qui est, sans doute, le plus grand stage de gardiens au monde avec une centaine de participants. Thierry Omeyer est intervenu par le passé, aussi Andreas Wolf. Cette année, je serai, entre autres, aux côtés de Martin Sego, Viktor Hallgrimsson Filip Ivic, Matej Mandic, Mayssa Pessoa et Matea Lonac. Le cadre est exceptionnel avec surtout une vraie volonté de transmettre notre passion pour ce poste si particulier.
Tes deux fils t’accompagnent. Vont-ils participer ?
Je ne sais pas encore exactement comment ça va s’organiser, mais oui, ils participeront. Gabriel et Lucien jouent tous les deux au handball : ils alternent encore avec le poste de gardien. C’est encore le moment de tester, de découvrir.