Alors que l’équipe de France s’apprête à démarrer sa préparation au Mondial IHF féminin 2025, le directeur technique national revient sur les compétitions de l’été, chez les jeunes comme en BeachHandball, et décrypte les enjeux de la saison qui s’annonce.

Si tu devais, en quelques mots seulement, résumer ton sentiment quant aux résultats des équipes de France, en salle comme sur le sable, au cours de l’été écoulé ?

Il est différent qu’il s’agisse de la salle et du sable. Pour la salle, je ne voudrais pas utiliser de mot trop péjoratif, alors je dirais sans doute que ces résultats sont laborieux. Laborieux, ça peut avoir un double sens : les différents collectifs ont fourni des efforts, mais ils n’ont pas été couronnés de succès, et ça reste donc moyen, un peu décevant, mais il y a tout de même cette notion de travail. Pour le Beach, et si je garde ce même parallèle avec les commentaires des instits vieille France, j’utiliserais : en progrès, même si l’on attendait mieux des équipes féminines.

T’attendais-tu également à mieux pour l’indoor ?

Oui, on attend toujours beaucoup de nos équipes de France. De manière très traditionnelle, on dit d’une compétition qu’elle est réussie lorsque l’équipe figure dans le dernier carré, et que le quart de finale est une sorte de minimum syndical. Tout le reste est considéré comme décevant. Mais dans le cas présent, c’est plus nuancé que ça.

Mais il n’y a eu qu’un seul quart de finale…

Celui des filles d’Éric Baradat qui n’ont perdu qu’un seul match. Paradoxalement, les regrets sont probablement plus marqués pour les deux équipes filles que l’on imaginait monter sur la boite. Le jeu des U18 s’est déréglé, ça peut s’expliquer par la jeunesse. Et les U20 n’ont loupé qu’une seule mi-temps et sont tombées sur une gardienne stratosphérique.

On a quand même le sentiment que les garçons sont passés à côté de leur compétition…

Ce n’est pas mon premier sentiment, non. Les 9 et 10e place sont décevantes, c’est un fait. Mais au regard de leur production, ces équipes ont parfois livré un contenu de qualité, notamment les U19 qui terminent sur un sans-faute, ce qui modère le résultat. Les U21, qui ne s’étaient pas qualifiés pour le Mondial deux ans plus tôt, ont progressé. En fait, il y a des nations qui ne se loupent jamais, les Allemands et les Danois par exemple, et d’autres qui passent parfois au travers, la Norvège ou la Croatie cet été.

Et la France donc…

Nous allons procéder la semaine prochaine à un débriefing avec les collègues en charge du dossier ainsi que les cadres des équipes pour attirer l’attention sur un certain nombre de fragilités et, en même temps, souligner les éléments de satisfaction. J’ai aussi vu des gardiens parfois brillants, quelques joueuses qui ont su tirer leur épingle du jeu. Mais il y a un point qui doit nous alerter : on n’a pas été performant dans la gestion des moments cruciaux ou même des matches-clés d’une manière plus générale. Est-ce structurel, conjoncturel ? Nous allons étudier tout cela tranquillement.

Tu penses au match des U21 contre les Îles Féroé ?

Entre autres. On domine le match puis on le laisse filer. Du coup, on bascule du mauvais côté du tableau, mais on finit en pente douce en n’échouant que d’un but contre l’Espagne.

Comment expliquer ces manques, ces sautes d’humeur ?

Les athlètes se retrouvent dans ces tournois dans des situations qu’ils ne connaissent que rarement en club. Ce n’est pas le cas d’un Reyhan Zuzo ou d’un Mouhamadou Sidibé, mais ça l’est pour nombre d’entre-eux qui n’ont pas la même influence sur le résultat en sélection qu’en club. Le poids du ballon n’est pas le même.

Certains ont-ils mal mesuré cette différence ?

C’est possible, oui, que certains se soient vu plus beaux qu’ils n’étaient. Ils ont pensé qu’ils pouvaient prendre un match à leur compte, le faire basculer. C’est notre petit péché originel de tous temps. La créativité, la prise d’initiatives, souffrent parfois de déchets qui coûtent un résultat. D’une manière générale, on commet trop de fautes techniques.

As-tu noté néanmoins quelques profils intéressants ?

Bien sûr, deux à trois athlètes de chaque collectif peuvent aspirer à une trajectoire vers France A en fonction de circonstances. Mais nous n’avons pas, contrairement aux nations qui sont allées plus loin dans la compétition, de joueur du niveau d’Óli Mittún, l’arrière des Îles Féroé, ces joueurs qui, à eux seuls, peuvent retourner une situation. Mais il y a quelques profils intéressants.

L’absence de Top joueurs est-elle vraiment un handicap ?

J’ai connu les équipes de France jeunes qui terminaient rarement mieux que 10e et qui remportaient tout, derrière, chez les A. On ne va pas remettre en cause tout le dispositif de la formation française d’autant que, je le répète, les équipes de France regardent les meilleurs dans les yeux.

Chez les filles, on imagine la frustration des U20 d’Eric Baradat qui terminent l’Euro à la cinquième place en n’ayant perdu qu’un seul match…

Il y a deux ou trois ans, Eric était sorti très frustré de la compétition avec ce sentiment de ne pas avoir su tirer le meilleur de son équipe. Les circonstances sont très différentes cette fois et, effectivement, très frustrantes. Mais lui aussi dispose de profils intéressants, sur la base arrière notamment.

Il semble que pour l’ensemble de ces collectifs, l’inconstance soit un problème récurrent…

C’est ce que j’ai aussi identifié et dont nous allons débattre lors du débriefing.

On change de surface maintenant. Comment interprètes-tu les résultats du BeachHandball. Les garçons de Paul Mourioux se sont notamment qualifiés pour le premier Mondial de leur histoire…

Nous sommes sur le bon chemin. Et c’est important au regard de l’investissement de quelques pionniers et des moyens mis en oeuvre par la FFHandball. Le constat, et il est partagé par les instances, est que la France progresse. Même si avec les règles du droit du travail, il est parfois difficile de présenter les meilleures équipes sur les compétitions, et c’est un dialogue complexe que l’on doit poursuivre avec le secteur professionnel.

Qu’est-ce qui te réjouis le plus ? La médaille des U17 filles, ou la qualification de France A pour le prochain Mondial garçons ?

Les deux, évidemment. Il y a une petite déception pour les deux équipes filles que l’on imaginait peut-être aller plus loin. L’équipe de France A a réussi un parcours très intéressant avant de caler dans les matches-couperets. Et on pensait que les U17 pourraient se rapprocher un petit peu plus du podium mondial…

Le Beach français fait-il toujours parti des Bizuts ?

Toujours, oui. Tout le monde a bien compris que jouer au Beach, ça n’était pas jouer à la baballe dans un bac à sable. Je pense que nous avons fait les bons choix au niveau fédéral, que seule la vertu de la durée confortera notre investissement. Notamment pour les plus jeunes passés par la voie du PPF que nous avons mis en place. Maintenant, il est important que nos équipes jeunes aient des résultats pour pouvoir vivre des expériences qui vont les aider à grandir plus vite.

D’autres compétitions vont avoir lieu en fin d’année, notamment l’Euro pour l’équipe de France HandFauteuil, et les Deaflympics pour l’équipe de France HandSourd. Comment apprécies-tu les progrès de ces deux collectifs ?

Lorsque nous avons entrepris la démarche de récupérer la délégation ParaHand il y a trois ans, nous avons décidé d’investir des moyens conséquents en alignant des staffs compétents, en accompagnant des programmes de travail et de développement qui placent la FFHandball parmi les Fédération engagées. L’équipe de HandSourd va vivre un deuxième événement d’envergure, et celle de HandFauteuil est un outsider très sérieux.

L’équipe de France féminine, elle, sera très vite sur le pont puisqu’un premier stage, ponctué de deux rencontres amicales en Roumanie, est programmé pour le 14 septembre. Quelle peut-être son ambition alors que plusieurs joueuses cadres sont en pause maternité ?

On sait que ça ne sera pas facile avec un contexte international qui s’est densifié puisqu’au-delà des nations traditionnelles (Norvège, Danemark, Suède) les Pays-Bas et l’Allemagne, organisatrices du Mondial, auront évidemment leur mot à dire à domicile. Sébastien Gardillou a raison de rester prudent, mais il ne faut pas qu’il le soit trop. On a du potentiel, et on a souvent démontré que l’on pouvait regarder droit dans les yeux toutes les équipes européennes. Je suis donc raisonnablement optimiste pour la suite.

Un podium mondial en décembre est-il envisageable ?

L’équipe de France se présente à toutes les compétitions avec la volonté de l’emporter, et lorsque ça ne sourit pas, elle s’adapte pour obtenir le meilleur résultat possible. Nous sommes déjà en projection des JO 2028. Dans un petit peu plus d’un an, l’EURO EHF sera d’ailleurs qualificatif pour Los Angeles. Nous devons donc être en capacité de faire progresser cette équipe. Sans négliger aucune échéance, avec les cadres présents, les jeunes qui poussent et les cadres qui nous rejoindront bientôt. L’idée est de conforter cette équipe dans ses savoir-faire, mais bien sûr d’obtenir le meilleur résultat possible en décembre, et je suis confiant à ce sujet-là.

Les garçons, eux, ne sont pas attendus avant le mois de novembre. Quels sont leurs enjeux de cette rentrée ?

L’équipe de Guillaume Gille est dans une excellente dynamique puisqu’elle n’a perdu qu’une seule mi-temps depuis les Jeux de Paris 2024, la première contre la Croatie en demi-finale du dernier Mondial. Il convient d’entretenir cette dynamique et de trouver la bonne coloration pour cette équipe, avec les cadres, mais aussi la synthèse des expérimentations de la fin de l’EHF EURO CUP.

Même si l’échéance demeure lointaine, le Mondial IHF 2029 organisé en France commence-t-il à mobiliser les énergies ?

Très clairement, oui, d’autant qu’il se situera quelques mois seulement après les Jeux de Los Angeles et que l’idée est de suivre une trajectoire qui aboutira à ces deux compétitions. Ce Mondial IHF 2029 doit aussi être un catalyseur de développement du handball sur le territoire.

Es-tu, aujourd’hui, un DTN soucieux ? Préoccupé ? Optimiste ?

Optimiste, c’est sûr. Je suis surtout un DTN passionné. J’ai l’immense privilège d’exercer un métier auquel je ne m’attendais pas forcément, et l’envie de travailler, d’avancer, ne me quitte jamais. Je suis optimiste parce que les choix que nous portons ensemble vont nous conduire à la réussite, celle du handball, celle des clubs donc, ce à quoi je suis très attaché depuis ma prise de fonction. Je suis aussi en vigilance, attentif. J’ai bien conscience des difficultés dans nos associations. Le fait que l’on conserve nos cadres d’état est un facteur-clé de la réussite. Tout ce que nous produisons est solide mais peut vite être remis en question ou détérioré, et je fais extrêmement attention à entretenir tout ça.

A propos de cadre d’état, on imagine que tu as dû être affecté par la disparition cet été de plusieurs grands serviteurs du handball, dont François Rongeot…

Il y a quelques jours, je me suis laissé gagner par une certaine nostalgie. L’école française des entraîneurs est un moment qui m’a marqué, et je me suis rendu compte que beaucoup de ceux qui l’ont portée ne sont plus là. François Rongeot, oui, mais aussi Georges Petit, Jean-Jacques Curelli, Max Giagheddu, Mimi (Michel Barbot) bien sûr. Des hommes qui, au-delà de leurs métiers, portaient des valeurs humanistes très fortes. Ça rappelle la fugacité de la vie, et ça renvoie à l’exigence de la transmission. Et je n’oublie pas non plus Denis (Lathoud), Évelyne (Beccia). C’est un bout de notre histoire qui s’efface de nos regards, mais évidemment pas de nos mémoires.