Ambassadeur des Journées de l’arbitrage La Poste 2025, Nikola Karabatic sera notamment présent au TEP de la Goutte d’Or, dans le 18e arrondissement de Paris, le 1er octobre entre 10 heures et 18 heures. Accompagnés d’arbitres professionnels et de 150 jeunes, il testera l’arbitrage en mode « gaming », une première.
Comment es-tu devenu l’ambassadeur de ces 24e journées de l’arbitrage ?
J’avais rencontré le président de La Poste à VivaTech, un rendez-vous consacré à l’innovation technologique et aux start-up. Est-ce via ou grâce à cette rencontre ? Je n’en sais rien, mais toujours est-il que quelques mois plus tard, l’agence qui disposait du contrat pour ces journées de l’arbitrage m’a demandé d’être l’ambassadeur de cette 24e édition.
As-tu hésité ?
Pour être tout à fait sincère, je me suis posé la question. Lorsque l’on est joueur, on a parfois des moments de mécontentement, des griefs, et puis il est tellement facile d’opposer l’athlète à l’arbitre. Mais je sais pourtant combien la relation entre les deux est primordiale. Je me souviens avoir été jeune arbitre à Frontignan, et si je peux aider à mettre le rôle en avant…
Ces journées ont justement été imaginées pour faire découvrir l’arbitrage aux jeunes, susciter l’envie de s’essayer à la fonction et montrer qu’il s’agit avant tout d’un métier passion. Ressentais-tu, d’ailleurs, cette passion du corps arbitral lorsque tu étais joueur ?
Bien sûr. Et bien sûr elle était variable selon les arbitres. Chez certains, tu sentais d’emblée, dans la façon de communiquer avec les joueurs, de vivre le match aussi intensément qu’eux, que le plaisir était l’un des moteurs. Je pense à Thierry Dentz, à Clément Bader, avec lesquels on a pu ne pas être d’accord, mais qui avaient toujours un mot, un regard, un simple sourire pour démystifier un moment pourtant crucial.
D’une façon générale, voire même caricaturale, quelle a été ta relation aux arbitres durant ta carrière ?
Il y a sans doute eu des joueurs plus agréables que moi à siffler. Et d’autres moins agréables. J’ai beaucoup râlé, mais je me suis aussi beaucoup nourri de ces moments où tu estimes une décision injuste pour rebondir. Je ne devais pas être le joueur le plus facile à arbitrer parce que je m’engageais beaucoup. Je ne sais pas trop en vérité…
Le handball n’est pas un sport très facile à arbitrer…
C’est le moins que l’on puisse dire. J’en ai beaucoup parlé au cours de ma carrière, et je pense que l’on y gagnerait beaucoup en simplifiant les règles. On est très conservateur au handball. Et lorsque l’on en change une, ça n’est pas toujours heureux, je pense bien sûr au jeu à 7 qui a dénaturé notre sport.
Certains arbitres t’ont-ils marqué plus que d’autres dans leur façon de diriger les acteurs du jeu ?
Pas forcément, mais j’ai le souvenir d’arbitres qui ont eu une influence certaine sur le cours d’un match. Je pense, pour le côté négatif, aux Suédois à Cologne lorsqu’ils ont refusé le but à Mika (Michaël Guigou) en demi-finale du Mondial 2007. Et puis, pour le versant plus positif, les Danois Olesen et Pedersen à Zagreb, deux ans plus tard, qui ne se sont jamais laissé impressionner par l’ambiance hyper hostile.
Te souviens-tu néanmoins d’un moment particulier où tu t’es opposé vertement à eux, ou au contraire où tu as aimé leur manière de lire une action ?
L’action avec Ivano (Balic), le fameux tête contre tête, me vient immédiatement à l’esprit. L’arbitre ne me met pas deux minutes, ni à Ivano d’ailleurs. Ils laissent le jeu se dérouler, ils estiment que c’est la bonne décision, et ce moment est aussi devenu mythique pour cela. Il y a bien sûr, aussi, la décision des Hongrois, les frères Kekes, à Flensburg avec Montpellier. Mika se fait découper par Boldsen, ils ne bronchent même pas, et consentent finalement un coup-franc qu’ils imaginent anodin, mais qui nous permettra de nous qualifier avec ce but improbable de Greg (Grégory Anquetil).
Certaines Fédérations soulignent une crise des vocations arbitrales, alors que l’importance du rôle de l’arbitre comme des valeurs associées à la fonction sont soulignées par tous. Comment expliques-tu ce paradoxe ?
Sincèrement, je ne sais pas comment l’expliquer. La semaine passée, j’étais à l’entraînement de mon fils Alek, avec le U11 de Rueil-Malmaison. Les filles s’entrainaient après, et le responsable de l’arbitrage était là pour les sensibiliser à la fonction. Une des filles a posé la question suivante : combien ça gagne un arbitre ? On ne peut pas exercer cette profession seulement pour l’argent, même si elle peut être correctement rémunérée pour ceux qui s’y consacrent sans retenue, mais aussi pour vivre des émotions incroyables. Les jeunes générations estiment sans doute que ce n’est pas un métier valorisant, alors qu’il permet au contraire d’exprimer des savoir-faire très gratifiants. J’ai pourtant l’impression que les clubs jouent le jeu. Peut-être que si des anciens joueurs de haut niveau voulaient s’engager, accompagnés par la Fédération en ce sens, ça changerait le regard des jeunes.
L’enjeu de ces journées est de développer, sur un mode ludique, une pédagogie arbitrale, rappeler le rôle essentiel joué par les arbitres dans le sport de compétition et favoriser le recrutement en favorisant les conditions d’un engagement pérenne. Ta présence ce 1er octobre peut-elle susciter des vocations ?
C’est bien sûr une des raisons pour lesquelles j’ai accepté. Donner aux enfants l’envie de s’intéresser à la fonction me semble essentiel. J’espère que je pourrais en inspirer certains.
Au TEP de la Goutte d’Or le 1er octobre, des activités en mode « gaming » seront notamment proposées aux 150 gamins. Est-ce une voie à explorer ?
Ça peut être un bon plan, oui. Tu apprends mieux quand la séance est ludique. C’est aussi valable pour un joueur. J’ai eu des entraîneurs dont les séances ne suscitaient pas l’envie de se donner à fond, et d’autres qui mettaient le jeu, le plaisir, en avant, et l’attitude, l’engagement des joueurs s’en ressentaient naturellement.
Une étude menée par l’Université du Colorado en 2024 a montré que les élèves qui participent à des activités « gamifiées » retiennent 80 % des informations, contre seulement 20 % pour ceux qui utilisent des méthodes traditionnelles…
Ça ne m’étonne pas. Après, retenir les informations ne veut pas nécessairement dire susciter une vocation.
Lorsque tu ne joues pas ce rôle d’ambassadeur, comment occupes-tu tes journées depuis que tu as cessé de jouer ?
Elles sont hyper variées. J’ai appris à rechercher une forme d’équilibre, à comprendre que je n’étais pas seulement un sportif de haut niveau. Je ne voulais pas être coach, je voulais apprendre à prendre du temps, pour moi, pour ma famille. Apprendre à marcher en forêt, à faire du sport pour mon bien-être et pas pour la compétition. Je joue au padel, je participe à des conférences, j’assiste à certains des entraînements d’Alek, je passe du temps avec mon épouse et ma fille. Avec Luka, nous nous sommes engagés dans Sphère, un club business premium autour du padel en France. Nous allons essayer d’apporter notre énergie pour faire grandir cette aventure. En fait, aucune journée ne se ressemble, et c’est aussi très appréciable.
Le handball te manque-t-il ?
Je le vis d’une manière différente, en suivant Luka, en allant à tous les matches, en assistant aux entraînements d’Alek. Mais non, il ne me manque pas.
Unis pour Gagner », le Tome 2 de la BD que tu as imaginé avec ton frère Luka sortira le 22 octobre. Une biographie doit également bientôt voir le jour. Pourquoi ce besoin de coucher sur papier l’essentiel de tes aventures ?
Avec Luka, nous sommes en train de peaufiner les derniers détails. La BD est effectivement prévue pour le 22, et le livre pour un peu plus tard, le 29 sans doute. Pourquoi ? Ça n’était pas forcément un besoin à la base. Mais je me suis rendu compte que pendant ma carrière, j’avais touché des gens, inspiré des jeunes. Quand tu joues, tu te blindes par rapport à ça. C’est différent aujourd’hui. En travaillant sur moi-même, j’ai compris que j’avais appris beaucoup de choses. Je me suis demandé : qu’est-ce que je vais en faire ? Papa avait cette volonté permanente de transmission. Et il avait raison. Au travers des conférences, de ces livres, j’essaie de transmettre moi aussi. Sincèrement, on s’est éclaté à réaliser tout ça avec Luka. On n’est pas complètement sorti de notre zone de confort, mais un peu tout de même. Le succès est au rendez-vous, c’est super.