Lauréate du Trophée de la reconversion inspirante lors de Think Sport 2025, une manifestation organisée le 14 octobre dernier par News Tank au Musée national de la Marine à Paris, Manon Houette revient sur son après-carrière, elle qui a tiré sa révérence à l’été 2024.
Quelle est l’histoire de ce trophée ?
L’AJPH a proposé ma candidature par rapport à cette thématique de la reconversion d’une sportive. C’était un temps un peu plus politique, institutionnel, un temps auquel je ne suis pas vraiment habituée, mais c’était hyper enrichissant. Les échanges ont tourné autour de la situation du sport en France. Il y a eu plusieurs tables rondes pour réfléchir à la manière de faire grandir le sport malgré les aides publiques qui diminuent, comment convaincre les entreprises privées de s’engager.
À l’occasion de sa remise par Franck Leclerc, directeur de la Fédération Nationale des Associations et Syndicats de Sportifs (FNASS), tu as souligné l’importance de l’accompagnement de la FFHandball dans cette reconversion. Peux-tu nous en dire un petit peu plus ?
J’ai bénéficié très tôt d’appuis à la FFHandball, via l’AJPH et la cellule reconversion/formation/réinsertion animée par Laurent Frécon. Le soutien de la FNASS pour la partie préparation mentale a également été précieux. Grâce à eux, j’avais préparé, anticipé la suite.
La partie préparation mentale semble prépondérante dans ta reconversion.
Je suis de la première génération à avoir bénéficié de cet outil, et m’engager auprès des athlètes s’est fait de manière assez naturelle et évidente pour moi. Je donne des conférences sur la santé mentale, je suis préparatrice mentale aussi. Je trouve assez surprenant que les sportifs n’empruntent pas plus naturellement cette voie, même si ça semble se démocratiser aujourd’hui.
Quels sont tes autres engagements aujourd’hui ?
J’ai mis la partie Podcast un peu en pause. Elle demande un investissement conséquent, pas mal de moyens également, mais elle ne rapporte malheureusement pas d’argent. C’est dommage, parce que j’adore faire ça, et je trouve que c’est une très belle vitrine. Au-delà de la préparation mentale, je travaille à un projet sur l’accompagnement des athlètes à la performance et à la reconversion. C’est d’ailleurs ce que l’on a aussi mis en avant sur l’événement : l’accompagnement. Il est possible de démarrer une reconversion en carrière, et je pense même que plus on l’anticipe et mieux elle se passe. Il faut 5/6 ans à un athlète pour s’épanouir dans une nouvelle voie et on peut économiser ce temps-là. J’ai eu la chance d’évoluer avec Véronique Barré et le Collectif sport, dédié à cette problématique et qui développe des programmes innovants, inspirés de son expérience de l’entreprise, du sport et de développement des ressources humaines.
Qu’est-ce que l’académie des sportives dont tu es devenue la marraine ?
C’est un peu dans la même mouvance, la même dynamique. Elle a été créée il y a 7 ans par Allan Fenoglio qui oeuvre pour changer les choses dans le sport féminin. Il y a toujours des sportives qui galèrent financièrement, qui n’ont pas accès à toutes les conditions nécessaires à la performance. On se retrouve pendant 4 jours et on propose des ateliers. J’en anime un sur la préparation mentale avec Grégory Mallet. Cléo Henin, qui anime un podcast intitulé « Championnes du monde » est sur la prise de parole avec les médias. Nous alternons entre Font-Romeu et Hossegor. Les sportifs sont sélectionnés, et on met à leur disposition diverses compétences.
Dans « le revers de ma médaille », l’un de tes podcasts, tu disais : « j’étais soulagée d’annoncer la fin de ma carrière ». Que voulais-tu dire par là ?
Les portes se sont ouvertes devant moi. Aujourd’hui, je peux vivre ou je veux, monter des projets, passer du temps avec mes proches. J’ai adoré ma carrière de sportive. Vraiment. Comme je le disais, j’avais préparé la suite et je peux aujourd’hui la savourer, accepter les événements que l’on me propose, m’épanouir à découvrir de nouvelles choses.
Le handball ne te manque pas ?
Ce qui me manque, c’est le sentiment d’appartenance à un groupe. Depuis 10 ans, j’évoluais dans une équipe, je portais un maillot, j’avais une mission, et ça, ça me manque cruellement. La partie jeu, pur, sans parler ni handball, ni compétition, me manque également. L’adrénaline, le sens du défi.
Es-tu toujours en relation avec des joueuses, assistes-tu à des matches ? Vas-tu suivre le Championnat du monde ?
Je suis mes copines. Camille Depuiset à Brest, Agathe Quiniou en Roumanie. Marie-Hélène Sajka à Nice. Je suis également très heureuse de retrouver Sébastien Gardillou à la tête de l’équipe de France. Il a lancé de jeunes joueuses que j’adore, et j’aime les sourires, l’application, la concentration dont elles font preuve. Je suis trop contente aussi pour Grâce (Zaadi Deuna). C’est une lourde responsabilité d’aider au transfert de génération.
Avec Nina Dury ou Suzanne Wajoka, la dynastie des grandes ailières gauches est-elle préservée ?
Bien sûr. Avec le recul et mes nouvelles activités, je regarde plus les attitudes que la fiche statistique. Et les attitudes sont géniales. On ressent cette notion de plaisir essentielle à mes yeux et je sais que Seb y est pour beaucoup.
Longtemps, tu t’es interrogé sur ce qui te manquait pendant tes quinze années de carrière. As-tu trouvé la réponse ?
Peut-être un sentiment de paix que j’avais du mal à trouver. J’aurais pu le trouver même en évoluant dans cet environnement du toujours plus, mais c’est plus facile aujourd’hui. Je me laisse un peu plus tranquille en fait. Ça vient doucement avec le temps. Je suis également beaucoup plus indulgente avec moi-même. Le fait de choisir l’environnement dans lequel tu vis, choisir ses horaires, c’est nouveau et appréciable. Personne ne me dit quand m’entraîner, quand manger, ce qui était contre-intuitif pour moi. En fait, c’est ce sentiment de liberté qui me manquait.
As-tu repris un peu de sport après avoir laissé ton corps tranquille pendant plusieurs mois ?
Progressivement. Un peu de kiné, du renforcement musculaire. Samedi, j’ai couru mon premier 10 km en moins d’une heure. Je n’ai surtout pas envie de me faire mal. Je reprends du plaisir à courir, à aller à la muscu, à apprendre à écouter mon corps. C’est important pour moi. Je m’entraîne quasiment tous les jours, j’en ai de nouveau besoin.
On a le sentiment que tu profites de chaque instant, plus encore que lorsque tu étais joueuse…
J’avais listé ce qui m’avait manqué et que je voulais privilégier. La nature, le soleil, être relax. Oui, je profite…
A aucun moment tu ne regrettes ce choix d’avoir mis un terme à ta carrière à seulement 32 ans ?
Non. Mais il y a des moments, parfois, où je m’interroge sur l’idée de me lancer dans un défi, pourquoi pas jouer en N1 par exemple. Mais il y a l’enjeu physique… Je ne sais pas si je serais capable avec mes genoux. Et puis j’aime tellement ma vie. Dire non, de nouveau, à un projet qui me tient à cœur, un événement personnel ou professionnel, non, le rapport bénéfice/sacrifice ne me convient pas. J’ai plein de petites idées, de projets associatifs, de transmission, pour retrouver ce côté mission.
Es-tu heureuse aujourd’hui ?
Oui, mais le plus important est de pouvoir le dire en l’étant vraiment, de voir comment je travaille à l’être, jour après jour. Je suis au bon endroit, entouré des bonnes personnes, c’est mon idée du bonheur.