La perception de leur rôle
Quand un entraîneur dispose d’une excellente joueuse d’attaque, mais piètre défenseuse, il la place souvent? à l’aile. Le phénomène est répandu et explique sans doute en partie pourquoi le rôle des ailières dans la défense est peu considéré. « Il est aussi important que les autres », « et ce n’est pas un poste-déchet ! », s’insurgent en c?ur Siraba Dembélé et Blandine Dancette face à ce constat. « D’abord, les ailières internationales sont de plus en plus fortes, et on a un devoir de ne pas les laisser tirer. Quand je rentre sur le terrain, je me dis que je ne dois pas prendre un seul décalage, et encore moins que mon ailière me passe en un contre un? C’est le minimum ! », explique Siraba. « Si une fille est nulle en défense à l’aile, l’équipe adverse va jouer sur elle ; une Siraba, par exemple, va lui mettre la misère », renchérit Blandine, qui ajoute : « A l’aile, on est les mieux placées pour voir l’ensemble du jeu de l’équipe adverse. On peut donc parler aux autres filles de ce qu’on voit, et jouer plus à l’instinct. Cela nous permet de faire des interceptions, ou de retarder l’attaque adverse, par exemple en faisant semblant de monter sur l’arrière pour obliger celle qui va lui faire la passe à marquer un temps d’arrêt. Ce petit temps d’arrêt permet à la défense de flotter côté balle et de récupérer ainsi la seconde de retard qu’elle avait prise sur l’attaque. »
Tout est dans le placement
Les deux ailières françaises sont d’accord : leur rôle défensif réside surtout dans le placement. « Une bonne défense est une défense articulée, d’un côté à l’autre du terrain, argumente Siraba Dembélé. Que ce soit en ralentissant l’arrière pour que celle qui défend à côté de nous (la n°2) ait le temps de revenir en face d’elle, ou en fermant l’espace externe, nous sommes là pour rendre la tâche plus facile aux n°2 et aux n°3, qui font le plus gros du travail. »
La gauchère enchaîne : « La difficulté est de venir aider le n°2, mais pas trop car il n’y a personne pour venir nous aider de l’autre côté? Dans une défense de zone (par opposition à la défense homme à homme) qu’on pratique en équipe de France, le rôle de la n°1 est donc primordial. C’est difficile de savoir quand il faut fermer l’intervalle entre toi et la n°2, de savoir si la n°2 va être en retard ou pas. Si on ferme, on peut obtenir le passage en force, ou alors se prendre un décalage? Je veille, dans mon placement, à garder une position à environ 6 m 50 du but, car si je reste devant la ligne des 6 m, ce sera très dur de ne pas avoir les talons en zone quand je viendrai fermer sur l’arrière. »
La fermeture sur l’ailière adverse
C’est une situation très classique au handball, et qui provoque souvent des discussions sur l’arbitrage. L’ailière en situation d’attaque reçoit le ballon en décalage, s’élance, saute et bute, au moment de tirer, sur sa vis-à-vis venue fermer l’espace. Penalty ou passage en force ? « C’est vraiment à l’appréciation de l’arbitre, juge Siraba. En France, à partir du moment où on touche la joueuse, il y a penalty. A l’étranger, c’est un calvaire en attaque car les filles te touchent et les arbitres sifflent rarement? Selon moi, il doivent siffler quand la défenseuse fait un geste du bras. » « Il faut fermer et ne plus être en mouvement quand l’attaquante arrive, pour que ce soit elle qui nous rentre dedans. C’est parfois très dur à juger, chaque arbitre est plus ou moins sensible aux fautes sur les ailières », estime Blandine. Face à cette situation, les deux Françaises ont leur façon de faire. Dembélé : « J’essaie de ne surtout pas toucher la joueuse, de m’arrêter juste avant et de garder le bras le long du corps. Mais j’avoue que je commence parfois à toucher la joueuse discrètement à la hanche, en fonction des arbitres. » Dancette : « Je défends comme j’ai l’habitude de le faire, mais je m’adapte aux arbitres au fil du match, par exemple s’ils me sifflent penalty sur la première action. Mais plusieurs critères rentrent en ligne en compte : parfois, je préfère m’effacer au dernier moment pour que notre gardienne fasse l’arrêt, car, selon les situations, il est plus difficile de marquer de l’aile que sur penalty. »
L’anticipation des contre-attaques
Le rôle des ailières en défense consiste également à anticiper la fin de l’attaque adverse pour devancer leurs concurrentes sur la course de contre-attaque. « La règle en équipe de France, explique la Nîmoise, c’est de partir quand le ballon quitte le bras de la tireuse, à condition bien sûr qu’elle soit à l’opposé et non dans notre secteur. On joue ainsi clairement les montées de balle, c’est notre force. Et si le ballon revient à l’aile après un arrêt de la gardienne, c’est aux n°2 de le récupérer. Après, ça dépend un peu des joueuses. Je pense que j’anticipe un peu moins que certaines en équipe de France. » Et en effet, Siraba Dembélé n’a pas tout à fait le même comportement : « Moi, je pars dès que je sens qu’on va récupérer la balle. Il y a une part d’instinct, il faut voir le jeu et sentir s’il va y avoir perte de balle ou pas, s’il va y avoir tir ou pas, et ça dépend évidemment de l’identité de la joueuse qui a le ballon. C’est exactement le même critère pour le repli défensif, sauf que je connais encore mieux mes coéquipières, donc je sais quand elles vont tirer, et là je galope sans même regarder le résultat du tir. C’est un risque à prendre d’anticiper les contre-attaques, mais à mon avis il est payant, car pour un ou deux ballons qui reviendront à l’aile après arrêt de la gardienne, je vais avoir quatre ou cinq contre-attaques. Avec mon club de Randers, je n’ai malheureusement pas le droit de partir, je dois rester au cas où le ballon revienne sur mon aile? »