Rayonnante avec Metz et en équipe de France, l’ailière gauche a apprécié le comportement des Bleues, ce week-end à Bergen (Norvège). Avec trois victoires sur les trois nations scandinaves, dont une de prestige contre la Norvège (23-22), la France a remporté le tournoi de Golden League. A une semaine du départ pour la Serbie, Paule Baudouin se livre sur les chances françaises à l’Euro, sur sa personnalité et sur la difficulté qu’elle a eue à surmonter l?élimination des Jeux Olympiques de Londres.

– « Paule, quel bilan tirez-vous de ces trois matches gagnés en Golden League ?
Le bilan est mitigé. On a fait de très bonnes choses, mais on a été un peu perdues sur notre défense 0-6 qui était notre point fort. Et puis on n’a pas réussi à monter les balles autant que d’habitude. Le point positif est qu’on retrouve nos automatismes sur les systèmes de défense étagée. Battre la Norvège signifie quelque chose, surtout au vu du match, on a montré un autre visage en seconde mi-temps. Je n’ai pas douté à la pause, je pensais bien qu’on allait faire mieux, car en première mi-temps elles arrivaient à rentrer dans nos neuf mètres sans prendre de coups, alors que de l’autre côté du terrain on prenait des manchettes. On a gagné trois fois et on termine premières, c’est bien, mais on ne s’enflamme pas, le plus important reste à venir.

Etes-vous tout de même rassurée ? L’équipe de France était passée à côté de son tournoi, en octobre au Danemark?
Non, je ne le suis pas, car il reste beaucoup de choses à travailler, notamment la passe, la communication en défense et le tir. C’est vrai qu’on a montré autre chose qu’au Danemark. Là-bas, on avait subi une sorte de dépression post-olympique. On n’avait pas digéré les JO. Je ne sais toujours pas si on les a digérés, car on ne parvient pas encore à faire des matches complets. Il nous faudrait davantage de régularité pour pouvoir dire qu’on est vraiment passées à autre chose.

A quoi pouvez-vous prétendre à l’Euro ?
A quelque chose de bien ! On a l’occasion de montrer que le quart de finale des Jeux n’était qu’une erreur de parcours. On peut avoir notre place sur le podium de cet Euro, à condition de passer le premier tour avec beaucoup de points, car ensuite on croisera avec la Norvège et la Serbie chez elle. Notre premier tour n’est pas non plus évident, avec la République de Macédoine devant son public, le Danemark qui n’est pas à sous-estimer, et la Suède qui possède deux joueuses majeures avec Torstenson et Gulldén.

« J’ai revu le France-Monténégro à six reprises »

L’élimination contre la Russie en quarts de finale des Jeux de Pékin vous avait beaucoup touchée, au point qu’en juillet dernier vous considériez ce souvenir douloureux comme l’image des Jeux Olympiques qui vous avait le plus marquée. Comment avez-vous encaissé celle de Londres contre le Monténégro ?
Je pense avoir tourné la page. Je n’y repense plus, à part quand les médias m’interrogent à ce sujet, ou quand je parle avec Claudine (Mendy, qui évolue au Monténégro depuis cet été). Cette défaite est totalement différente de celle de Pékin, car en 2008 il y avait un sentiment d’injustice par rapport aux arbitres, alors que cette année c’est de notre seule faute. Mais la digestion a été tout aussi compliquée. J’ai revu le France-Monténégro à six reprises sur mon ordinateur. La première fois, j’en ai pleuré. La cinquième fois, c’était avec toute l’équipe, à la Golden League au Danemark. Olivier voulait qu’on le revoit, il fallait crever l’abcès. Je l’ai revu une dernière fois en rentrant de la Golden League. Je n’étais pas obligée, mais, même si ça peut paraître paradoxal, je l’ai fait pour pouvoir passer à autre chose. Les premières fois, j’ai regardé en me concentrant sur ma propre performance, pour voir mes défauts, les détails que j’aurais pu améliorer. La dernière fois, je l’ai vu davantage comme spectatrice, en observant la performance collective.

Comment fait-on pour reprendre le dessus après un tel coup dur ?
Déjà, le changement de club m’a beaucoup aidée. En rentrant des JO, j’ai eu trois-quatre jours de repos avec ma mère, le téléphone éteint, pour ne pas avoir à entendre les messages qui me signifiaient à quel point les gens étaient désolés pour nous. Ensuite, j’ai tout de suite eu besoin de me réorganiser, avec mon déménagement et mon installation à Metz. Je suis arrivée dans un nouvel environnement, avec de nouvelles coéquipières, un nouvel entraîneur, autant de nouvelles personnes avec qui il faut faire connaissance. Cela m’a aidé à rebondir. C’était bien d’avoir toujours quelque chose à faire. Plus j’étais occupée, et mieux c’était.

Vous voilà donc à Metz, votre quatrième club en France après Le Havre, Issy et Mios (en plus de Esbjerg, au Danemark). Qu’avez-vous trouvé de différent sur les bords de la Moselle ?
J’ai découvert une ville en construction ! (elle rit) Je ne connaissais rien de Metz, à part le gymnase, et avec les travaux je me suis pas mal perdue au début. Encore aujourd’hui, mon meilleur ami reste mon GPS ! Je dirais que tous les clubs dans lesquels je suis passée ont leurs différences. A Metz, c’est le refus de la défaite que je trouve le plus marquant. Je l’ai ressenti quand on a perdu au Havre en championnat. Ca partait un peu dans tous les sens, ceux qui suivent le club n’acceptaient pas que Metz ne soit pas invincible, surtout après la préparation estivale qu’on avait faite. A Mios, l’engouement était également très fort autour du club, mais dans un état d’esprit totalement différent. Metz est un club qui a été champion de France à dix-sept reprises et qui a soif de titres en permanence. Cela me convient bien, c’est justement pour cette ambition que j’ai signé là. Mon objectif est de devenir championne de France pour la première fois de ma carrière.

« J’ai besoin de m’amuser sur un terrain, j’arrive à m’évader »


Sept de vos coéquipières jouent cette saison à l’étranger. Vous qui avez déjà évolué deux ans au Danemark entre 2008 et 2010, ça ne vous tente plus ?
Si, la porte est toujours ouverte. J’y réfléchirai si un grand club m’appelle pour jouer en Ligue des Champions.

Quels souvenirs gardez-vous de votre expérience à Esbjerg ?
Ils sont mitigés. Je suis contente d’avoir joué dans ce qui était encore à l’époque le meilleur championnat du monde. Affronter le grand Viborg de Popovic, de Jurack et des s?urs Lunde m’a beaucoup marquée. Mais je suis restée sur ma faim en ce qui concerne la spécificité du travail d’ailière. Là-bas, on ne nous demandait que d’anticiper les contre-attaques et de courir. Mais comme je défendais au poste 2, je n’étais même pas concernée, et j’avais peu de ballons en attaque. En ce qui concerne la vie au Danemark, je dois dire que la rue piétonne d’Esbjerg ne m’a pas impressionnée autant que les Champs-Elysées ! Mais j’ai fait de très belles rencontres là-bas, je suis encore en contact avec quelques anciennes coéquipières comme Mouna Chebbah ou Marta Mangue.

Metz vient de se qualifier miraculeusement pour les huitièmes de finale de la Coupe de l’EHF, en remontant neuf buts aux Hongroises de Erd dans les treize dernières minutes. Vous y avez grandement contribué en inscrivant neuf buts, dont le dernier qualificatif?
Je ne suis même pas capable de raconter ce qui s’est passé dans le dernier quart d’heure ! Je me souviens juste avoir levé la tête vers le tableau d’affichage quand on était à -3. Et quand j’ai regardé à nouveau, on était à +4? Sur notre dernière attaque placée, Sandor (Rac, l’entraîneur) me place au poste d’arrière gauche. J’ai vu qu’il y avait de l’espace, j’ai pris mes responsabilités.

Avec Metz ou en sélection, vous n’hésitez jamais à prendre votre chance. Hier encore, contre la Norvège, vous avez réussi un chabala et un lob sur deux pénalties face à Lunde-Haraldsen. D’où vous vient cette faculté ?
De mon caractère. J’ai toujours été comme ça. Mais je me suis calmée, parce qu’avant je tentais aussi des tirs en appui à l’aile ! Par contre je réponds « joker » si vous m’interrogez sur mon taux de réussite sur ces tirs? (elle rit) J’ai besoin de m’amuser sur un terrain, et je prends du plaisir à tenter des choses. Le handball est mon travail, mais il faut aussi que je puisse m’éclater en jouant. J’arrive à m’évader sur un terrain. C’est souvent à quitte ou double. Si ça passe, tu es la reine. Sinon tant pis, au moins tu auras essayé.

« Les gars de ma cité m’ont appris à toujours me battre »

Il ne vous est jamais arrivé de gamberger, ou de vous freiner ?
Des freins, je m’en impose forcément, sinon je tenterais n’importe quoi ! Je n’ai plus quinze ans. Il faut savoir modérer le risque. Quand j’étais jeune, je ne modérais rien du tout. Ce sont mes entraîneurs qui m’ont appris à ne tenter des choses qu’à des moments précis. Et j’ai appris de mes erreurs. Je continue d’ailleurs à apprendre de mes erreurs. J’ai trouvé un certain équilibre aujourd’hui, mais je pense que je garderai toujours un grain de folie, sans même le cultiver. C’est inscrit dans ma personnalité, quand je suis contente tout le monde le voit? Pareil quand je suis mécontente. Ma mère me dit souvent que j’ai un visage trop expressif, je n’ai jamais réussi à cacher mes émotions.

Comment qualifieriez-vous ce comportement ? Est-ce de l’audace ?
C’est naturel. Je suis une fonceuse, une tête brûlée. Je le suis depuis mon enfance dans ma cité, la Cité blanche de Boissy Saint-Léger, en région parisienne. J’ai grandi avec des gars autour de moi, en plus de ma s?ur et d’une autre copine. Chaque fois que je retourne à Boissy, je passe une petite soirée avec eux, et, souvent, ils plaisantent en disant que c’est eux qui m’ont formée ! Je pense que si c’était vrai, je prendrais carton rouge à chaque match (elle rit). Mais ils m’ont appris à toujours me battre, car je n’étais jamais la plus forte. Aujourd’hui, ils sont fiers de moi et je suis contente de les connaître.

Vous êtes en équipe de France depuis 2004, et malgré plusieurs médailles, vous n’avez jamais gagné un titre avec les Bleues. Vous en brûlez d’envie ?
Ah ouais? (elle a les yeux qui brillent) C’est un rêve de gagner quelque chose avec l’équipe de France. Ce serait le summum. Il est évident que je joue pour décrocher l’or, j’ai soif de titres. Mais je préfère ne pas dire qu’on va à l’Euro pour gagner la compétition, car ça nous réussit mieux de prendre les matches un par un. Je pense que c’est la bonne méthode pour y arriver. »