Si l’équipe de France n’a pas encore pleinement rayonné dans le domaine depuis le début du Mondial, sa défense est normalement une de ses armes les plus imparables. Mais quelles qualités sont nécessaires pour faire d’un joueur, un bon défenseur, à une époque où ce rôle tend, de plus en plus, à être mis en lumière.


La maîtrise de l’art n’est pas donnée aux communs des mortels. Tant il est précis. Exigeant. Et nécessite le mariage de diverses caractéristiques. « Un bon défenseur ?, répète Sylvain Nouet, pour prendre le temps de la réflexion. C’est quelqu’un qui combine à la fois des qualités de vitesse de déplacement, de perception, d’intelligence, de courage, d’abnégation. Qui est aussi joueur, piégeur; capable techniquement d’empêcher un porteur de balle de tirer tout de suite, de déborder ou de transmettre son ballon dans de bonnes conditions« . L’entraîneur national, précieux bras droit de Claude Onesta, est le premier à reconnaître que, depuis le début des échanges internationaux en Espagne, la France n’a pas affiché son plus beau visage dans le secteur. « Aujourd’hui, nous ne sommes pas revenus la meilleure équipe du Monde en défense. Mais historiquement, cette équipe l’a été« . Un statut qu’elle doit à des garçons nourris au grain des contres, de la quête du passage en force, de la bonne neutralisation, de l’étude des courses. De la communication. Cédric Sorhaindo, le pivot des bleus, en est peut-être le plus bel exemple. Lui qui soulève l’admiration dans ses prises de balles offensives, ses tirs venus d’ailleurs, mais qui s’est révélé, aussi, à Londres, être un rempart indispensable de la muraille tricolore.

« J’ai toujours aimé ça. Défendre. Mais, avant, je n’étais pas fin« . L’enfant de la Martinique a croisé le monstre sacré de la spécialité dans le domaine en la personne de Didier Dinart. « Il m’a aidé à me canaliser, à lire le jeu. A aider les autres. A tout moment, en défense, il faut savoir doser entre l’agressivité et l’efficacité. Quand j’étais à Paris, je mettais des contacts, je me faisais sanctionner. Cela finit par handicaper l’équipe. Maintenant, je joue les trajectoires, je dissuade. Je n’aime rien plus qu’obtenir un passage en force« . La défense devient alors une attaque. Chacun cherche à trouver la faille, l’instant de faiblesse où l’adversaire va commettre une erreur exploitable. Ou à provoquer le geste inadéquat. Longtemps, cette arme a été recluse, a tenu les seconds rôles au générique. Parce que pour émouvoir les foules, il fallait faire trembler les filets adverses. « Les exploits individuels existent aussi en défense, assure Michaël Guigou. Souvent, ils sont le résultat d’une répétition de petits exploits individuels qui sont dûs au travail collectif. L’interception en est le principal exemple« . L’ailier des Experts tient peut-être le rôle le plus ingrat dans le jeu défensif. Parce que, quand on parle de ce secteur du jeu, on évoque le bloc central, le travail de garde du pivot, de gestion des courses. Mais les cerbères des angles tiennent eux aussi des positions capitales. « Tu te retrouves souvent face à des situations qui ne sont pas toujours claires. Il faut réagir instantanément. Fermer, Dissuader. Le travail est différent de celui des défenseurs centraux. Nous sommes moins dans la neutralisation. On compense. On doit ralentir des sous-nombres ou casser le rythme« .

Gagner un match, c’est aussi prendre un but de moins que son adversaire

Anticiper, juger, réagir. Une maîtrise qui, longtemps, n’a pas eu la place qu’elle méritait sur les bancs de l’école du haut niveau. Cédric Sorhaindo en a goûté les détails, les plaisirs, au son de la voix rauque de Didier Dinart. « Il m’a pris sous son aile dès mon arrivée en équipe de France, il m’a poli et m’a imprégné de l’art défensif« . Depuis quelques années, Sylvain Nouet, responsable du renouvellement de l’élite l’a mise en haut de la liste des priorités. « Quand j’ai pris mes fonctions il y a neuf ans, la première chose sur laquelle je suis intervenu, c’est l’acte défensif individuel et collectif. Aujourd’hui, il existe une véritable transmission des exigences défensives grâce au travail des responsables. Le constat que j’ai fait en prenant ces fonctions-là, c’est que le jeune joueur passait peu de temps à travailler la défense. Et qu’il était aberrant de former un attaquant sans qu’il ait, en face de lui, de vrais repères défensifs. Pour qu’un attaquant progresse, il est nécessaire qu’il existe une opposition juste. Et réciproquement. »

L’avenir appartient donc aux handballeurs complets. Capable de faire gagner leur équipe en inscrivant le but de plus. Ou de défendre pour en prendre un de moins que l’adversaire. Longtemps, on lâchait des poncifs à l’instar d’un « la première attaque, c’est la défense ». « Gagner un match, ça n’est plus inscrire davantage que son adversaire, c’est aussi prendre un but de moins. Pour moi, la défense rêvée, c’est celle-là. Celle qui permet à l’équipe de s’imposer en étant plus imperméable que celle de l’adversaire. » Les Experts connaissent toutes les ficelles pour que la défense idéale dessinée par Sylvain Nouet, les emmène, une cinquième fois, sur le toit du Monde.