Le Directeur National de la FFHandball revient sur les Jeux Olympiques et les aménagements des staffs masculins et féminins annoncés tout récemment.

Comment analyser la médaille d’argent décrochée par les filles aux J.O. et quelle part accordée au changement opéré en janvier dernier ?
Au regard des potentiels, cette médaille est exceptionnelle car cette équipe était plutôt calée dans les places 5 à 8. Mais l’énergie déployée par tout le groupe pour préparer ces J.O. montrait qu’il allait se passer quelque chose. Franchement, dès le mois de mars, on pouvait percevoir une énergie et une implication passionnée. Je ne crois pas que cette énergie remonte au changement de staff. On ne va pas se la raconter : s’il suffisait de changer de staff pour faire un grand résultat… Il s’agit plutôt d’une accumulation de souffrances historiques. Jusqu’à Londres où je me souviens de leur visage au moment de quitter le village olympique. C’était dramatique. Les six derniers mois avant Rio ont cristallisé l’énergie. Ils sont l’aboutissement d’une histoire d’échecs, la transformation de la souffrance en réussite. Les filles y ont toujours crû et elles se sont transcendées. L’absence de doutes leur a permis de gommer la peur. Elles étaient focalisées sur l’idée que c’était le moment. C’est tout à leur honneur.

Quel est l’avenir pour cette équipe, notamment lors de l’Euro suédois en décembre ?
Avec le dernier Mondial au Danemark et les J.O., on observe un nivellement par le haut, n’en déplaise aux détracteurs du Handball féminin. Une huitaine d’équipes sont proches et la période d’une domination outrancière, par le Danemark ou la Norvège, semble révolue. Traditionnellement, cet Euro est une compétition de reconstruction car il intervient trop rapidement après les J.O. C’est le temps de la transformation des équipes et des rajeunissement de groupes. Peut-être qu’après Londres en 2012, nous n’étions pas suffisamment conscients de ces aspects.
La poule préliminaire pour notre équipe sera infernale (Pays-Bas, Allemagne et Pologne) et les filles sont fatiguées. Mais je suis persuadé que la difficulté d’enchaîner sera en partie gommée par le plaisir de se retrouver et d’être ensemble tandis qu’elles sont disséminées à l’étranger.

La FFHandball a annoncé le maintien d’Olivier Krumbholz jusqu’à l’Euro 2018. Quels sont les ajustements opérés dans le staff, notamment en raison du départ d’Éric Baradat ?
L’encadrement a réalisé un travail exceptionnel et l’idée est pour nous de l’installer jusqu’à l’Euro 2018, notre point d’étape. L’engagement d’Éric Baradat était clair et bien défini dès le mois de février. Olivier aurait souhaité qu’il continue, mais Éric était bien décidé à se concentrer exclusivement sur son métier vital de faire tourner l’usine à champions des féminines, de trouver des équipes qui vont succéder aux équipes actuelles. Olivier a souhaité qu’un homme de confiance l’accompagne comme adjoint : Sébastien Gardillou. Son engagement permanent avait été anticipé : il est entraîneur national à la FFHandball depuis le 1e septembre. Il est aussi adjoint sur le PPF féminin. Il a fallu aussi aménager les missions de Christophe Caillabet qui a déjà travaillé avec Olivier. Il sera chargé du travail effectué auparavant par Sébastien : analyse et décodage vidéo de l’équipe de France et des adversaires afin de fabriquer des hypothèses.

Et pour les autres membres du staff ?
Nous avons trouvé un accord avec le Creps de Dijon afin que Pierre Terzi poursuive sa mission de préparateur physique, en charge de la planification. Il fera aussi office de manager général : il apporte sa rigueur et un cadre structurant. Nous avons affiné une collaboration pérenne avec Richard Ouvrard qui va poursuivre son accompagnement psychologique des filles qui sont toujours demandeuses. Je pense aussi au staff logistique, Corinne Gallo et Philippe Rajot qui s’est mis à disposition de l’équipe de France.

La médaille d’argent olympique remportée par l’équipe masculine est aussi un formidable résultat. Pourtant il semble que la déception ait pris le dessus…
C’est la perception dans le milieu du Handball mais les deux médailles d’argent de nos équipes montrent notre solidité. Cela donne à notre discipline, à notre sport, une assise et une largeur exemplaire en sports collectifs. Nous faisons preuve de fiabilité, tel un diesel du temps. En même temps, ce résultat est un élément de motivation pour les garçons car tout le monde a compris qu’il y avait un peu de souffrance et une petite tâche à laver. La lessive se prépare pour janvier 2017.

Quelle est la capacité de rebond sur le Mondial 2017 et peut-on comparer la période 2000-2001 ?
On ne sort pas indemne d’une telle trilogie Euro-JO-Mondial en douze mois. Ce Mondial est un truc qui va secouer en positif et en négatif dans tous les sens, ce que j’ose décrire comme un interrogatoire de police non- stop. Autant lors des J.O. de Sydney, nous avions plongé bas, autant le Mondial à la maison nous avait tiré vers les étoiles. En janvier prochain la pression médiatique sera énorme, comme si la conquête du Graal était obligatoire. Il faut se préparer à l‘idée d’un tel événement, se blinder et se concentrer. Ne pas d’évaporer.

Est ce que cette expérience de 2001 a guidé la réorganisation du staff et l’arrivée de Guillaume Gille ?
Il s’agit d’un processus de maturation plus long et démarré depuis plus d’un an, qui prend en compte le souci du retrait de Claude Onesta qui a exprimé un besoin réel et profond de voir tout cela de plus haut et de plus loin. Ce n’est pas un remaniement contraint et c’est au contraire une porte ouverte vers le futur. Le duo Onesta-Dinart a connu quelques difficultés à parfaitement fonctionner à l’Euro et aux J.O. Dans notre esprit, c’est la recherche de l’équilibre qui prédomine dans la prise de responsabilités. À mon avis, nous avons trouvé une bonne solution au travers du duo d’entraîneurs Dinart-Gille avec un coach Claude Onesta et la mise en place d’une meilleure organisation qui peut-être rendra l’équipe plus forte.

Les résultats remarquables des garçons U18 et U20, et U16 en 2015, ne vont-ils par mettre une pression supplémentaire sur les épaules des joueurs et des staffs. À l’instar des Experts n’y a t-il par des risques de banalisation de la performance ?
Ces résultats apportent une grande paix dans nos échanges. Pas plus tard que la semaine passée, tous les acteurs de la filière masculine (Pascal Person, Éric Quintin, Yohann Delattre et Pascal Bourgeais) avec Didier Dinart étaient réunis. Après les félicitations et les remerciements pendant trois minutes, ce sont des garçons qui se remettent immédiatement au travail. Des hommes de grande qualité qui honorent la FFHandball et qui remercient leur fédération de leur permettre de vivre ces moments là. Des hommes de grande conscience mobilisés pour fabriquer l’élite de demain. Un jour peut être on prendra le temps de regarder ces résultats qu’aucun pays n’a réalisé ; ce n’est pas encore l‘heure.

Quel est l’état d’avancement du nouveau PES désormais dénommé Parcours de performance Fédérale ?
Mon rôle et celui de mes collègues est de fabriquer l‘usine à champions en lien avec le sport professionnel et les Territoires alors que des nouveaux exécutifs seront mis en place lors du 1e trimestre 2017. Il s’agit d’implanter des nouvelles structures et des nouveaux cadres, en liaison aussi avec l’Éducation Nationale. Ce travail de l’ombre est réalisé avec Pascal Bourgeais et Éric Baradat. C’est un travail délicat, un véritable big bang qui doit générer un nouveau système pour continuer de nous rendre fier. L’objectif est de conserver de la largeur et de la profondeur qui fondent le respect de tous les pays du monde. Ce sont des équations complexes à résoudre pour réaliser ce puzzle de génie. En parallèle, nous allons chercher à accompagner les acteurs dans l’olympiade et commencer à former nos successeurs.

Outre la réorganisation du staff de l’équipe de France masculine, Florent Manaudou a occupé l’espace médiatique du Handball. Que pensez-vous de son envie de se remettre à jouer au Handball ?
Florent est venu à notre rencontre pendant les J.O. de Rio. Il y a un vrai décalage entre la démarche d’un garçon sympathique qui vient au Hand pour prendre du plaisir et le traitement médiatique parfois stupide pour le Handball. Nous l’avions déjà vu jouer lors des Étoiles du Sport à La Plagne et effectivement il se débrouille très bien car il a pratiqué lorsqu’il était tout jeune. Cependant, le Handball est un sport dur physiquement, un sport complet nécessitant des années de travail. Je crois que les gens ne se rendent pas compte de la difficulté du Handball professionnel et du haut niveau, ainsi que de la quantité d’entrainement pour stabiliser les savoir-faire et les années de travail pour produire un champion. Sur le secteur particulier de la défense, il y a de véritables dangers physiques pour lui, notamment pour le train inférieur qui peut voler en éclat comme du cristal. En résumé, le Handball est un sport extrêmement exigeant. Il faut au minimum 10 ans pour fabriquer un Handballeur de 1e division et 20 ans pour fabriquer un international.