Parmi les révélations du Mondial espagnol de la fin de l’année passée, l’ailière droite du Brest Bretagne Handball, Alicia Toublanc, a vécu une année 2021 en très haute altitude. Alors qu’en club, elle retrouve le chemin des parquets, elle se livre lors de cet entretien du lundi.
Alicia, après une place de vice-championne du Monde acquise en Espagne en décembre, tu as repris la compétition en club la semaine passée en championnat avec un succès face à Chambray – le match de Ligue des Champions contre Bucarest ayant été reporté. Dans quel état d’esprit es-tu ?
J’ai beaucoup d’ambition pour cette année 2022. Et je suis vraiment contente de reprendre avec mon club de Brest. On a réalisé un début de saison qui n’est pas tout à fait à la hauteur de ce que l’on attendait donc on a donc à cœur de se remobiliser pour aller chercher le plus de victoires possibles. Et atteindre les objectifs que l’on s’était fixé.
C’est la première fois que tu fais « la bascule » entre l’équipe de France et ton club. Comment cela s’est-il passé ?
Brest est un des clubs qui nous a offert le plus de repos, mais il a fallu tout de même enchaîner assez vite. Il faut réussir à se remobiliser rapidement et récupérer pour repartir, ça n’est pas facile. Il faut notamment retrouver de la fraîcheur d’esprit et laisser un peu à part cette belle aventure avec les Bleues. Les autres filles qui sont avec moi, à Brest, ont l’expérience de ce genre de moments. Moi, j’apprends…
On imagine que tu as été sur un petit nuage après ce Mondial. Est-ce que cela a été facile d’en descendre ?
Non, pas vraiment. Pendant quelques temps, ça a été un peu difficile de penser à autre chose que cette compétition. J’étais un peu ailleurs (rires). Mais avec les fêtes, j’ai pu couper un peu, récupérer, redescendre et me remettre à penser à autre chose.
Porter ce maillot des Bleues dans une grande compétition, était-ce un objectif pour toi ? T’attendais-tu à tout ce que tu as vécu ?
Oui, c’est forcément quelque chose dont je rêvais. Et quand on voit toutes les émotions vécues à travers les matchs, le fait que l’on n’a pas eu une seule rencontre facile et que ça a été une compétition hyper dense, je n’ai pas été déçue (sourire). Cela a répondu, en partie, à ce que je pouvais imaginer. Mais je ne savais pas que ça allait être aussi intense, aussi dur physiquement notamment. Ça m’a demandé énormément d’engagement et ça a été très fort émotionnellement. C’est dur de trouver les mots pour décrire ce que ça fait. Ce qui est certain, c’est que ça n’est que du bonheur d’évoluer avec cette équipe dans ce type de compétition
En 2021, tu as connu des sommets rares dans une carrière, avec deux titres (championnat et coupe de France), une finale de Ligue des Champions, perdue face à Kristiansand, et ce Mondial achevé sur de l’argent. Comment l’analyses-tu ?
Ça a été une année incroyable. Et cela donne envie de vivre encore ce type d’émotions. C’est tellement fort et puissant. La finale de championnat, ça a été un très grand moment avec le retour des supporters, on a pu partager tous ensemble et c’était vraiment génial. La Ligue des Champions, ça n’a pas été pareil, il n’y avait pas le public, pas de soutien, c’était différent. Pour le Mondial, il y avait beaucoup de personnes de mon entourage, c’était très fort aussi.
Est-ce que cette première compétition en équipe de France a changé quelque chose en toi ?
Dans l’immédiat, pas spécialement je pense. Je ne me suis pas sentie différente avec les filles sur le terrain en revenant. Après, je sais qu’au fond, ça va m’apporter de l’expérience et que je vais pouvoir m’en servir à l’avenir. En Espagne, je me suis bien sentie, en confiance, grâce au groupe. Un sentiment que j’ai aussi avec mon club. Peut-être que ça m’a permis de jouer libérée, comme je sais le faire habituellement. Peut-être que je vais avoir une sérénité supplémentaire à l’avenir, plus de confiance en moi encore.
Le label « équipe de France » va induire plus d’exigence encore ?
Même si on vit des moments de ce type avec les Bleues, il faut se réinvestir toujours de la même manière en club, en championnat, en coupes, comme en Ligue des Champions. Il faut mettre la même exigence et le même état d’esprit pour chacun des matchs afin d’en gagner le maximum et remporter des titres.
À chacun de tes matchs en Bleue, on a eu la sensation que tu n’étais pas partie pour évoluer avec le frein à main. Était-ce le cas ?
Je me suis parfois surprise sur certains tirs. Sur une lucarne, je me rappelle m’être dit : « Ah oui, tiens, tu sais faire ça ? » (rires). Mais non, globalement, je n’ai pas eu de retenue. Quand j’ai vu une solution, j’ai fait ce qui m’a semblé le plus pertinent. Ça a marché certaines fois, d’autres non. Car il y a quand même eu des échecs. Je ne me suis pas dit qu’il fallait que je fasse des choses simples plus que de raison, j’ai joué normalement.
Il y avait de l’incertitude sur ce poste d’ailière droite puisque vous étiez deux nouvelles, avec Lucie Granier. Et il n’y a pas eu de creux pendant la compétition, ce qui est assez rare pour être souligné. Quelle a été la clef ?
On a beaucoup discuté ensemble, on a mis en commun ce que l’on a pu voir, ressentir au fil des matchs pour que l’on se sente au mieux. On a été vraiment complémentaires je trouve. Et je pense que ça tient aussi au fait que l’on était deux nouvelles. On a pu s’appuyer l’une sur l’autre pour apprendre. Quand une était un peu moins bien, on s’est soutenu pour que ça se passe au mieux pour nous et pour l’équipe, afin que l’on ne fasse pas diminuer le niveau du groupe. Avec deux nouvelles, ça aurait pu être plus compliqué.
Il y avait plus de pression ?
Il n’y avait pas d’inquiétude, mais cela donne beaucoup de responsabilités d’emblée. On se dit qu’il faut vraiment être présente. Si tu fais une première compétition en tant que numéro 2, avec peu de temps de jeu, ça n’est pas du tout la même chose. On attendait énormément de moi et de Lucie. On a été au même rang que les autres. Et finalement, le fait que tout le monde soit concerné, c’est ce qui fait le succès de l’équipe de France depuis quelques années. C’est un vrai travail collectif, chacune apporte. Quand ça tourne, ça reste une très bonne joueuse sur le terrain.
L’ambiance de ce groupe a rayonné à travers les écrans. De ton côté comment t’es-tu sentie dedans ?
Ça s’est très bien passé avec les filles. Ça a été très simple. Il y avait celles que je connaissais déjà de Brest notamment. Ensuite les plus anciennes ont été adorables. Et puis j’ai découvert de nouvelles personnes, c’est vraiment bien.
Il y a aussi Olivier Krumbholz, le coach, que tu ne connaissais pas…
C’est une icône du handball français ! C’est vraiment enrichissant d’évoluer sous sa direction. J’ai appris des trucs dans pas mal de domaines, notamment techniquement. Et puis physiquement aussi, c’était intéressant. Enchaîner, être capable de se remobiliser tout de suite, avoir cette faculté à mettre de côté ce qui vient de se passer, c’est formateur.
Vous avez malheureusement été battues en finale par la Norvège. Est-ce une médaille d’or perdue ou une d’argent gagnée ?
Je préfère retenir que l’on a remporté une médaille d’argent (sourire). Même si j’ai toujours du mal à comprendre ce qu’il s’est passé en finale. Pour moi, c’est un premier grand rendez-vous international et je savoure vraiment ce premier podium avec les Bleues. Ça représente beaucoup de bons moments, c’est quand même très beau. J’en garde énormément de positif même si on sait que l’on devra débriefer ce qui nous a empêché de l’emporter.
On imagine qu’au rayon des souvenirs, la victoire en demi-finale face au Danemark restera dans ton Panthéon personnel. On se trompe ?
Ça a été un match très compliqué car on est mené pendant une grande partie et on arrive tout de même à s’en sortir. On est revenu de très loin et des victoires comme celle-ci, on s’en souvient pendant longtemps. D’un point de vue personnel, j’ai la chance de pouvoir aider l’équipe avec deux buts dans les dernières minutes, c’est vraiment quelque chose qui restera.
Reporter la tunique bleue fera clairement partie de tes objectifs en 2022 ?
Quand on y goûte, on a forcément envie de retourner en équipe de France. Si l’occasion se représente, je serais présente à 200 %.
Propos recueillis par Antoine Bréard