Ancienne internationale (66 sélections et 52 buts inscrits) et présidente du Club France, Catherine Nicaise déborde de projets pour l’association qu’elle dirige avec enthousiasme et détermination depuis 2017. En 2022, les actions concrètes ne vont pas manquer. Entretien.
Catherine, le club France a été créé en 2013 et vous en êtes la présidente depuis 2017. Pouvez-vous en rappeler les contours pour ceux qui ne le connaîtraient pas ?
Le Club France a pour mission de représenter les joueuses et joueurs internationaux de handball français A, à 11 ou à 7, mais aussi depuis notre dernière Assemblée Générale, ceux du beach handball. L’objectif est de maintenir et/ou renouer les liens d’amitié entre tous les internationaux, soit hors du terrain ou pendant les compétitions. Et de constituer un réseau qui permet d’échanger sur les plans personnels ou sportifs. On organise, quand cela est possible (rires), des moments conviviaux à l’occasion de rencontres nationales ou internationales.
Votre dernière Assemblée Générale a eu lieu en novembre dernier, à la Maison du Handball. Quel en est le bilan ?
Nous nous sommes retrouvés à une trentaine de membres présents physiquement – ce qui est plutôt honorable puisque c’est dans notre moyenne, que nous avons beaucoup de membres en régions et que lors de notre création nous étions cinquante -. Une fois encore, par le fait du hasard, nous avions groupé des personnes de différentes générations et horizons, et nous avons passé un très bon moment ensemble. Nous avons pu faire le point sur nos projets en cours, et ils sont nombreux. Et si nous étions 30 présents physiquement, il faut avoir en tête que nous avons en moyenne 100 membres cotisant chaque année, parmi 150 membres ayant déjà cotisé, le tout sur un total de 750 internationaux… encore vivants (sourires). Rapporté au nombre de contacts qualifiés que nous avons, environ 300, c’est plutôt encourageant. Nous travaillons d’ailleurs sérieusement sur ces points afin d’augmenter notre nombre d’adhérents. À la fois chez les anciens, comme chez les plus jeunes, avec l’ambition que ce club France soit utile au plus grand nombre.
Olivier Krumbholz a d’ailleurs participé à l’ouverture de cette Assemblée générale…
Oui, il a dit un mot car il était en stage de préparation pour le Mondial espagnol en même temps que nous étions à la Maison du Handball. Et nous avons pu échanger un peu sur quelques sujets, notamment sur le fait que nous devons apporter encore plus à nos joueuses et joueurs, notamment sur le hors sportif pur, sur l’histoire de notre sport, sur la culture, la reconversion. Car si aujourd’hui, ils sont tous professionnels, ils doivent aussi voir autre chose pour se construire. J’ai été joueuse mais en même temps, à mon époque, j’étais mère, femme et j’avais un travail. Cela faisait des bonnes journées mais il y avait une alternative aux potentiels échecs dans telle ou telle facette de la vie. On doit pouvoir faire passer ce message. J’ai parlé aussi avec Cléopatre Darleux, qui a posé sa pastille sur le Mur des Internationaux. C’est une vraie femme sportive professionnelle qui a eu un enfant et qui avance sur plusieurs fronts avec caractère, c’est un peu nouveau pour l’époque, et je crois qu’il y en a de plus en plus. La convention qui a été mise en place là-dessus est vraiment intéressante, comme le travail fait sur la reconversion par la fédération et l’AJPH. C’est très bien et en même temps, on se dit qu’on est tout de même en 2022 (sourires). Ce qui est sûr, c’est qu’on ne doit pas faire que des handballeurs et des handballeuses.
La dernière fois que vous aviez évoqué, en octobre 2019, les projets de l’association, beaucoup de chantiers étaient lancés. On imagine que cela a été un peu difficile de les concrétiser en raison du contexte sanitaire…
Oui, nous avons eu une activité extrêmement limitée. On n’a pas demandé de versement de cotisations à nos adhérents et on a abandonné notre subvention au niveau de la FFHandball en 2020. Nous préférions que cela aille à des clubs amateurs qui étaient dans le besoin plutôt qu’à une association comme nous. Il n’y avait pas nécessité de thésauriser pour rien. Néanmoins nous avons avancé sur l’évolution du bureau. Brigitte Villepreux en fait notamment partie. Elle est secrétaire générale et elle a impulsé une nouvelle énergie concernant notre communication via le site Internet. On a comme ambition d’y raconter de l’histoire, de faire interagir nos experts et spécialistes, et de faire le lien encore et toujours entre les générations.
En terme d’histoire, vous vous battez pour que chaque international soit reconnu à sa juste valeur, tout comme ceux qui ont accompagné le développement du handball. Et que la transmission aille au-delà de simples mots. Pourquoi ?
Que l’on ait une sélection ou 417 comme Jackson Richardson, on fait partie d’une histoire unique. Et chacun a, à sa manière, contribué aux résultats extraordinaires d’aujourd’hui. On ne veut oublier personne. Et cette symbolique est vraiment très importante car ce sont des tranches de vie qui font remonter des souvenirs à chacun. Bleu(e)s un jour, Bleu(e)s toujours. Les médaillés comme les non-médaillés doivent avoir de la reconnaissance. Le handball ne date pas des années 90, il faut que nous ayons de la mémoire pour l’ensemble des acteurs du handball. Cela inclut par ailleurs les pionniers du handball en France. Il faut les honorer, ces responsables des premiers pôles et des premiers sports études, entraîneurs et présidents de clubs. Ceux qui ont semé les graines ont aussi leur place. Les légendes d’aujourd’hui, si elles ont obtenu leurs résultats grâce à leur travail et sont indéniablement des exemples pour tous, sont « plus faciles » à honorer que ceux d’hier qui ont néanmoins bataillé pour faire grandir notre sport. Il faut que l’on soit plus ouverts et hétéroclites sur ce point. C’est un dossier que l’on souhaite travailler avec la fédération.
Cela passe par des actions concrètes d’ailleurs…
Oui, nous avons remis des sculptures à nos premiers académiciens, Jean-Pierre Lacoux et Claude Rinck, avant la pandémie. Nous avions, par ailleurs, invités lors de l’Euro 2018, des filles du collectif qui, en 1988, avait permis de passer du groupe Mondial C au B puis au A. Ensuite ces filles avaient adhéré à l’association. Il faut que l’on reproduise ça sur des dates anniversaires chez les garçons comme chez les filles. Avec la volonté d’aller chercher un public le plus large possible. Car nous avons besoin de ces forces vives. Les quinqua et plus jeunes encore sont les bienvenus pour apporter leurs ressources et savoir-faire. On ne veut pas être une association de vieux combattants ! Et cela pour continuer à créer du lien car il y a eu quelques époques où le fil a été rompu. Au rugby, ils savent très bien faire cela, il faut s’en inspirer pour aider aux reconversions, à avancer dans la vie, apporter de la solidarité et puis pour passer de bons moments, tout simplement. D’ailleurs Pierre Villepreux, le mari de Brigitte, nous avait dit un mot à ce propos. Et nous avons, dans nos rangs, parfois, des ressources insoupçonnées car mal identifiées ou distantes.
Il y a aussi des bases de données qui doivent permettre de valoriser les parcours. Non ?
Oui. C’est un projet important. Jean-Pierre Lacoux avait justement tenu depuis 1946 une base de données des Bleus en entrant chaque feuille de match, ce qui permet d’avoir les parcours, stats, etc. L’une de nos envies et de réussir à fusionner ces éléments avec ceux tenus par la fédération ces dernières années afin que lorsque l’on se présente devant le Mur des Bleus qui a été mis en place à la Maison du Handball, on puisse taper sur une tablette à disposition le nom d’un international et que l’on puisse retrouver sa photo et tout son parcours. C’est gratifiant pour le public, le joueur et les entraîneurs.
En tant que présidente et ancienne joueuse, vous devez vous réjouir des résultats obtenus par les deux collectifs. Quel regard portez-vous sur les récentes médailles des Bleu(e)s ?
Il y a une vraie fierté et du bonheur à les suivre. Des fois, je me dis qu’ils ne se rendent pas compte du bonheur qu’ils apportent. Quand je repense aux parcours de nos générations, qui revenaient des pays de l’Est avec des énormes valises (rires)… Il y a un petit plaisir, pas vraiment de la vengeance, à voir cela (rires). On voit qu’avec des moyens et du travail, les résultats arrivent aussi.
Récemment quelques nouveaux retraités ont raccroché le maillot bleu tels Michaël Guigou ou encore Siraba Dembélé-Pavlovic. Vos rangs auraient fière allure avec eux…
On espère les avoir à nos côtés un jour, comme beaucoup d’autres. Les frères Gille, Jérôme Fernandez, par exemple, sont attentifs à ce que nous mettons en place ; car ils sont tombés dedans quand ils étaient petits. Après, je pense qu’il faut que l’on puisse proposer des choses à ces profils-là aussi. Mais les besoins ne sont pas les mêmes selon les carrières, les perspectives, les sensibilités. Et puis eux, ou d’autres, peuvent venir vers nous avec leurs idées. Tout le monde a un rôle à jouer. Ceux qui sont actifs aujourd’hui doivent faire vivre cette histoire, aujourd’hui et demain, partager ce qu’ils ont vécu, transmettre.
On vous sent vraiment passionnée et débordante d’envie pour l’association. Vous êtes encore aussi insaisissable que sur un terrain…
Il y a tellement à faire. Mais nous avançons pas à pas. On peut se rassurer sur ce que nous avons déjà réalisé. On a renoué avec environ 200 personnes. On fait des joyeux, du concret et ça apporte du bonheur. On est présent aussi quand ça ne va pas. C’est important.
D’ailleurs on sait l’association active quand il y a une mémoire à honorer. C’est primordial ?
Oui. Dès que j’apprends un décès, comme celui de Jean-Pierre Carité il y a quelques jours, j’informe les autres internationaux et je demande à ceux qui l’ont connu de m’écrire un petit témoignage qui est ensuite transmis, avec le nom du témoin, sur un courrier avec en-tête du club France, à la famille.
En 2023, l’association fêtera ses 10 ans. Une fête de prévue ?
Oui il faudrait. On va préparer quelques cotillons mais il nous faudrait un peu de monde pour organiser ça (rires) !
Propos recueillis par Antoine Bréard