Appelé à seconder Guillaume Gille à la tête de l’équipe de France, Érick Mathé explique son nouveau rôle et sa relation au Handball. Avec ses nouveaux collègues du staff, il prépare déjà le Tournoi de Qualification Olympique, du 17 au 19 avril à l’Accor Arena, à Paris.  Les trois matches de l’équipe de France seront tous disputés à 21h et diffusés en direct sur TMC.

Lorsque tu as réagi à la proposition de Guillaume Gille, tu as déclaré : « le coup de fil de l’équipe de France a suffi à me convaincre ». Ce n’est sûrement pas aussi simple, non ?
Lorsque tu reçois un tel coup de fil, sans trop réfléchir, tu as envie de dire oui. Mais naturellement beaucoup de choses entrent en ligne de compte. Par exemple, la complexité de la charge de travail avec le club, la capacité à switcher rapidement sans que cela n’entache la qualité du travail de part et d’autre.
Le handball français dit que l’équipe de France est en difficultés. Cela aurait été incohérent de dire non. Avec Guillaume, que je ne connaissais pas plus que cela, on a tout de suite senti que cela pouvait marcher entre nous. La proximité géographique avec Guillaume est aussi facilitante. Le fait d’être, quelque part, un produit de la fédération avec 10 années de pole et un passage en équipe de France U21 avec Yohann Delattre, ont aussi compté. Je connais ainsi la plupart des joueurs et cela facilitera aussi les rapports.

Le rôle d’adjoint n’a donc pas été un frein à ton engagement ?
J’ai une expérience de trois saisons en tant qu’entraineur-adjoint dans un club de très haut niveau. Ce n’est pas une fonction qui me dérange du tout et cela ne génère pas de frustration. Plutôt qu’adjoint, je préfère le terme anglophone, « assistant coach », qui me parait plus réaliste. Pendant ce séminaire, est apparue toute la capacité à Guillaume, à tenir ce poste-là, d’être un meneur d’hommes et de projets. Il sait aussi qu’il n’a pas encore entrainé et managé. C’est aussi en cela que mon rôle sera un peu différent de celui au côté de Patrice Canayer.

Médiatiquement, c’est une nouvelle exposition et des raccourcis possibles entre les résultats de ton club et ton rôle en l’équipe de France…
Je me moque un peu de tout cela. Dans la foulée de ma nomination, avec Chambéry nous avons perdu un match à Nîmes. Le lendemain, sur les réseaux sociaux, on voyait un homme qui tenait une fille par la main (Chambéry) et qui se retournait sur une autre fille (l’équipe de France). Cela me fait sourire car quelle que soit l’orientation prise par la FFHandball, elle aurait été critiquable et critiquée. Je pense qu’il fallait mettre les mains dans le cambouis et je n’ai pas peur de cela. J’aime les défis qui sont liés à de grandes aventures, telles que l’équipe de France et la perspective des JO. Cela me donne de l’entrain et de la détermination.

Tu as suivi l’Euro depuis ton canapé sans savoir que tu serais ensuite sollicité. Quelles étaient alors tes impressions sur les prestations de l’équipe de France ?
Clairement, ce n’était pas très agréable à voir mais on ne désapprend pas à jouer d’un coup et on sentait que quelque chose n’allait pas. Quand tu n’es pas dans un groupe, tu ne sais pas ce qu’il s’y passe. Certes, il s’agit d’une très mauvaise performance mais qu’il faut relativiser car très peu de compétitions ont été réussies en amont des J.O. Avec des adversaires de qualité et dans le cadre d’une nouvelle formule, il n’y avait pas de droit à l’erreur, comme en témoigne aussi l’élimination du Danemark. S’il y avait une évidence, il serait bien plus simple de l’identifier. L’échec est multifactoriel.

Le format des compétitions des clubs n’est pas comparable à celui des équipes nationales…
En club, on peut réajuster au fur et à mesure des semaines et de la préparation. J’ai l’habitude de dire que « nous avons le temps mais que le temps passe vite. » En revanche, en équipe de France, « on n’a pas le temps et le temps passe vite. » Cela m’intéresse de vivre ce genre de condensé qui demande beaucoup de réactivité et qui multiplie forcément les émotions. Il faut être encore plus réactif, ne pas tergiverser et optimiser rapidement.

Si tu devais résumer ta philosophie ou tes croyances dans le handball ?
Je n’ai pas de croyances fortes sur le handball. En réalité, ma croyance quotidienne c’est le travail et la rigueur, le cadre dans le travail. À mon arrivée à Chambéry, je crois que tout le monde l’a constaté. J’impose mon exigence aux autres. En équipe de France, nous avons affaire à des joueurs de très haut niveau qui ont une sensibilité et une façon de voir les choses. L’idée est donc de les mettre dans les meilleures conditions. Dans le handball, j’apprécie la défense et le jeu en courant, la montée de balle rapide ainsi que le combat propre à notre sport. Même s’il y a une obligation de résultat, l’objectif est aussi de donner du plaisir en proposant un jeu attrayant et spectaculaire.

Es-tu influencé par une école particulière, yougoslave, scandinave, par des joueurs, des entraîneurs ?
C’est ma nature : je n’ai jamais été fan de qui que ce soit. Lorsque j’étais adolescent, je n’étais pas fan de musiciens-nes ou de comédiens-nes. Je n’ai jamais demandé un autographe à quiconque.  En réalité, tous les courants me plaisent un peu. La culture française se nourrit de tous les courants pour créer quelque chose qui lui est propre. C’est à l’image aussi de la culture sociale de nos équipes.
Si je devais citer un technicien, ce serait Sylvain Nouet. Lorsqu’il était responsable de la filière masculine, j’étais au pôle de Poitiers et nous étions alors en contacts réguliers. J’ai apprécié sa méthodologie de l’entraînement. C’est quelque chose qui m’inspire dans mon travail au quotidien. Je me reconnais bien aussi dans sa capacité de travail.

Tu as débuté ta carrière de coach à Courbevoie, avec une équipe féminine au niveau départemental. Est-ce une fierté d’avoir gravi tous les échelons ?
C’est en effet une fierté de réussir sans faire partie du sérail des joueurs de haut niveau. Auparavant, lorsque j’étais un jeune entraîneur, c’était les profs de sport qui officiaient. Aujourd’hui, le modèle a changé car la plupart des techniciens, pour ne pas dire tous, sont des anciens joueurs de haut niveau. Je ne m’étais pas fixé de plan carrière. J’ai simplement saisi des opportunités avec l’envie de relever des défis. Je ne me lasse pas des défis que j’aime bien prendre à bras-le corps.

Le Handball occupe la majeure partie de ta vie : est-ce une façon d’assouvir totalement ta passion et d’opérer des sacrifices ?
Au risque de choquer, ma vie s’articule autour du handball mais cela pourrait être autre chose. Le handball n’a jamais été dans mon sang ni une immense passion. Ce sont des circonstances qui ont fait que je suis devenu entraîneur car je n’y étais pas du tout prédestiné. Mais une fois engagé dans cette voie et comme je n’aime pas faire les choses à moitié, je m’implique à 200 %. Je parlerais plutôt de conséquences que de sacrifices. Je suis célibataire, ce n’est pas un appel au peuple (sourire) – et je ne suis pas frustré par de quelconques manques. La vie est ainsi faite. Lorsque je fais quelque chose, j’aime que tout soit carré alors j’y consacre tout le temps et l’énergie nécessaires.

Comment organises-tu ton planning entre ton club de Chambéry et l’équipe de France ?
C’est un point sur lequel nous nous sommes accordés avec Guillaume. Du lundi jusqu’au jour du match, je ne souhaite penser qu’au rendez-vous de Lidl StarLigue. Ensuite, je m’aménage des plages horaires car je suis plus disponible du vendredi au dimanche, aussi parce que nous sommes éliminés de la coupe d’Europe et de la coupe de France.

Quelle est ta méthode pour visionner et analyser les matches ?
Autrefois, j’aimais regarder les matches dans leur globalité pour essayer de repérer d’autres comportements et circonstances. Cela demande énormément de temps car tu as tendance à t’éparpiller dans l’observation. Désormais je regarde seulement les matches séquencés.

Quel volume de match vas-tu analyser pour préparer le TQO ?
J’ai déjà visionné une douzaine de matches de l’équipe de France afin que nous puissions travailler avec Guillaume, à partir de nos observations. Je vais ensuite étudier nos trois adversaires.

HGu