Les qualificatifs font défaut pour décrire avec justesse l’héritage qu’Ulrik Wilbek aura légué au Handball danois. Père fondateur d’un modèle unique qui aura permis aux deux sélections nationales d’étinceler dans les plus hautes sphères, l’homme prendra sa retraite dimanche à l’issue de la finale de l’Euro entre son pays et la France sous les yeux d’un peuple qui lui voue un respect éternel.


On pourrait se méprendre. A l’évocation du surnom que lui a attribué le peuple danois. Dans le royaume, Wilbek est plus communément appelé le « White Rabbit ». Rapport au roman de Lewis Caroll « Alice au pays des merveilles » et son personnage hyperactif du lièvre de mars. Ce sobriquet, le sélectionneur danois le doit à la personnalité qu’il renvoie quand il est sur le banc. « Pendant les matchs, il reste debout, il est très émotif, très démonstratif. Il bouge tout le temps« , explique Jan Paulsen, ex-international danois dans les années 1990. On pourrait se méprendre. Oui. Mais le qualificatif n’a rien de moqueur. Tant le rayonnement de Wilbek est puissant au Danemark. Tout le pays lui voue un culte presque christique. Et pour cause. Né à Tunis en 1958 d’un père champion de basket-ball et d’une mère qui avait, dans les années 60, entraîné l’équipe nationale danoise de handball, ce n’est qu’à l’âge de trois ans que le technicien rejoint la terre de ses ancêtres. Enfant, il touche à plusieurs disciplines. Le handball comme maman, le football mais c’est au triple-saut qu’il s’illustre en remportant le bronze à trois reprises au sein du championnat national. Fallait-il alors déjà soupçonner le destin que se dessinerait l’un des hommes les plus influents du Royaume scandinave ?
Celui qui, à partir de sa prise de fonction au sein de la Fédération Danoise en 1992, a mené sa nation et le sport de prédilection de sa mère dans des sphères encore inexplorées. « Quand il se voit confier la mission, tout est à faire !, explique Philippe Bana, le directeur technique de la FFHB. Il est parti de rien. Pour moi, c’est l’entraîneur ultime. C’est presque un mythe d’être parvenu à amener les deux sélections nationales au zénith. Lui y est arrivé. Tout ce qu’il a touché s’est transformé en or.« 

Le prologue de la légende s’est écrit à Viborg. C’est au sein du club où Valérie Nicolas a rayonné, et où évolue toujours Cléopâtre Darleux que Wilbek a fait ses armes. « ll vient d?un petit club de Copenhague. Et puis d?un coup, il est arrivé à Viborg« , reprend Paulsen. Il est arrivé et tout a changé. Le club du Jutland vient alors d’accéder à la première division. Wilbek a trente ans et, dès le terme de la première saison, son équipe termine à la deuxième place au classement. Coup d’éclat qui lui vaut d’être appelé par la Fédération. « C’est une vraie star à Viborg et au Danemark !, raconte la gardienne des Bleues. Et pas uniquement concernant le handball. Susann, sa femme qui a été championne olympique en 1996, m’entraîne ici. Donc il n’est pas rare qu’Ulrik soit présent. D?autant que ses deux fils jouent à Viborg« . Viborg. Le Danemark. Puis le Monde. A la tête de la sélection féminine de 1991 à 1998, Wilbek permet aux Danoises de récolter six médailles dont quatre en or. Il réalise surtout le triplé en devenant champion d’Europe (1996), champion olympique (1996) et champion du Monde (1997). Restant encore aujourd’hui le seul sélectionneur à avoir tenu le pari dans le handball féminin là où ils sont deux, chez les hommes avec le Russe Vladimir Maksimov et Claude Onesta. Quand il fait ses adieux à l’équipe nationale en 1998, il lègue un palmarès gargantuesque.

Onesta : « Lui gâcher un peu son pot de départ »
L’homme retourne alors aux affaires à Viborg avec qui il remporte la Ligue des Champions (2001) et participe à la domination du club danois sur le territoire continental. En parallèle, c’est aussi en politique qu’il brille. Elu à la municipalité, il occupe le poste de président de la commission sociale. Il en profite pour écrire un de ses quelques livres parmi lesquels « La diversité fait la force ». Comme dans le milieu sportif, la réussite est au rendez-vous. Alors qu’il prend en charge l’équipe masculine du Viborg HK, il est nommé candidat à la Mairie. Ulrik Wilbek approche la cinquantaine quand, une nouvelle fois, on se tourne vers lui pour prendre en charge l’équipe masculine du Danemark. « Son arrivée a apporté de la confiance. Même s’il a bénéficié de l’éclosion d’une génération exceptionnelle, il a réussi à rassembler tout le monde. A fédérer les égos autour d’une même cause« , loue encore Jan Paulsen. Comme avec les filles, le succès est au rendez-vous dès 2006 avec le bronze de l’Euro. Mais les véritables fruits sont récoltés un jour de janvier 2008, en Norvège. Trente-cinq ans après l’unique titre majeur des Danois au niveau international, Wilbek décroche l’Or à l’issue du tournoi continental avant de réussir la passe de deux en récidivant en 2012. « Il fait indéniablement partie des entraîneurs qui ont marqué l’histoire de leur passage« , confie Claude Onesta. Dimanche, les deux hommes se retrouveront face à face à l’occasion d’une finale aux airs de jubilé pour le sorcier danois. Ulrik Wibek mettra un terme à sa carrière d’entraîneur au crépuscule de l’Euro pour embrasser la fonction de Directeur technique national. Le choc de titans qui se profile aura donc des airs de jubilé que toute une nation rêve de voir s’achever sur un troisième sacre européen. Mais Claude Onesta, un peu taquin, de conclure : « Malgré tout le respect que lui dois, je vais tout faire pour lui gâcher un peu son pot de départ ! »