Devenu depuis peu le deuxième sport collectif français en nombre de licenciés (devant le basket mais derrière le foot*), le handball a le vent en poupe et surfe sur la vague de succès des équipes de France. Parallèlement, la fédération s’est donnée pour objectif de permettre l’accès à la discipline au plus grand nombre, y compris les jeunes enfants ou les personnes en situation de handicap. Conseiller depuis 2007 du président Joël Delplanque, en charge depuis quelques mois du secteur du développement du handball, Alexis Manouvrier explique la stratégie de la fédération pour satisfaire la demande croissante de handball en France, tout en respectant ses fonctions originelles, éducatives et sociales. Avec, déjà, le grand rendez-vous de 2017 dans le viseur.

– « Vendredi, le match de LNH entre le PSG Handball et Aix à Coubertin a été précédé par une rencontre de Hand’Ensemble (handball en fauteuil roulant). Que s’est-il passé exactement ?
On a reçu un très bon accueil du PSG Handball grâce à l’implication personnelle de Bruno Martini et le soutien toujours précieux des deux ligues franciliennes, la LIFE (Ile-de-France Est) et la PIFO (Paris-Ile-de-France Ouest). Deux équipes de Hand’Ensemble, Claye Souilly et Montigny le Bretonneux, se sont affrontées en lever de rideau ; ensuite il y a eu des remises de maillots dédicacés par les joueurs du PSG, des photos avec les joueurs… C’est une opération de communication et de valorisation de l’activité Hand’Ensemble qui en appelle d’autres du même type. Elle a permis de faire connaître la pratique du handball pour les personnes en situation de handicap, c’est très encourageant pour la suite et démontre que le secteur professionnel s’intéresse aux problématiques de cohésion sociale.


Où en est le développement du Hand’Ensemble ?
La pratique, bien que récente, est très implantée dans certains territoires, notamment les Pays de la Loire, la Picardie ou la Franche-Comté. Elle tend à croître, car la philosophie derrière ce projet, qui est de faire participer ensemble dans la même activité des personnes valides et des personnes en situation de handicap, est intéressante et stimulante. Nous travaillons aussi sur ce projet avec la Fédération française de handisport et la Fédération française du sport adapté. Nous organisons chaque année les Nationales du Hand’Ensemble, dont la dernière édition s’est déroulée en novembre à Lons-le-Saulnier. De plus en plus de clubs s’impliquent dans cette pratique, il y a une vraie demande de formation chez nos éducateurs.

« On veut offrir un accès au handball au plus grand nombre et sur tous les territoires »


Avez-vous un objectif précis de ce que pourrait devenir le Hand’Ensemble ?
Le but est que cette activité soit au cœur du Mondial 2017 qui sera organisé en France. Ce serait bien à cette occasion, de pouvoir organiser des rencontres internationales de hand en fauteuil, avec d’autres pays qui partagent le même projet. Pour en arriver là, nous allons actionner quatre leviers de développement de la discipline. D’abord, l’achat de matériel, car il faut des fauteuils et des équipements spécifiques qui nécessitent un investissement coûteux. Ensuite, la formation d’éducateurs et de dirigeants, sur laquelle nous travaillons avec la DTN, afin d’établir une certification et des modules de formation spécifiques pour cette pratique. L’évènementiel est également important, avec des rencontres dans les régions dès cette année avec comme point d’orgue un grand rendez-vous national sur Paris en avril 2014. Des opérations de découverte comme celle de vendredi à Coubertin s’inscrivent dans ce cadre. Enfin, nous voulons valoriser la pratique grâce à des actions de communication originales comme la réalisation de clips vidéo par exemple.

Cette discipline est-elle un symbole des valeurs du handball selon vous ?
Plus qu’une question de valeurs, elle répond avant tout à deux exigences essentielles du développement du handball : la diversification des pratiques pour tous les publics, et la promotion de la convivialité, qui est primordiale lors de ces rencontres de Hand’Ensemble. Nous retrouvons ces « valeurs » dans d’autres pratiques de handball, celle du Mini-Handball par exemple, destiné aux moins de 12 ans. Nous nous devons d’offrir un accès au handball au plus grand nombre, et sur tous les territoires, y compris les départements ultra-marins. Je dirais que le Hand’Ensemble est à ce titre, emblématique de l’esprit qui guide le développement de notre sport au sein de la fédération.

Vous parlez du Mini-Handball, justement… L’opération Grands Stades 2013 se tiendra en mai, juin et juillet. Quel en est le principe ?
C’est une opération mise en œuvre par les ligues, les comités et les clubs et qui a lieu chaque année depuis 1999. L’idée est d’investir, sur une ou deux journées, un grand stade habituellement dévolu au football ou au rugby, pour y faire découvrir le handball à des enfants non-licenciés. L’objectif est que les jeunes se rencontrent et viennent au handball par ce biais. Cinq sites ont été retenus cette année : Clermont-Ferrand, Redon, Les Abymes en Guadeloupe, Parilly et Paris au stade Charléty. Nous entendons poursuivre ces rendez-vous jusqu’en 2017, peut-être même investir d’autres lieux : imaginez par exemple ce que cela pourrait donner sur une vaste place dans une grande ville, comme la place des Quinconces à Bordeaux… Nous travaillons aussi main dans la main avec les fédérations de sport scolaire comme l’USEP et l’UGSEL pour toucher les jeunes qui ne sont pas licenciés dans nos clubs.

Est-ce que ce type d’opérations fonctionne ? Concrètement, la Fédération a-t-elle gagné des licenciés grâce à elles ?
Oui ! Ces opérations ont permis à la Fédération de se développer auprès du jeune public. Des dizaines de milliers de jeunes sont venus au Mini-Hand grâce à l’opération Grands Stades. C’est l’une des raisons de la hausse du nombre de nos licenciés. Nous voulons consolider nos acquis, mais aussi améliorer notre taux de pénétration au sein des activités physiques et sportives pratiquées en milieu scolaire. Les 8-12 ans constituent un âge charnière sur lequel nous nous mobilisons.

« On est là au cœur du militantisme associatif et du bénévolat »

On a l’impression que vous cherchez à développer le handball sans rompre avec ses racines et ses valeurs qui ont fait son histoire, on pense en particulier au sport scolaire…
Il faut être franc : le handball est aujourd’hui sur un marché du sport concurrentiel, avec une lutte des places à gagner au quotidien au sein des activités scolaires et périscolaires et au-delà au sein même de nos gymnases ! La fédération ne cherche pas à multiplier les activités et les licenciés pour la gloire bien qu’il s’agisse par là de garantir son autonomie financière donc associative. Nous avons un rôle à jouer en termes de cohésion sociale et d’éducation. En cela nous devons proposer une offre d’activités qui soit adaptée aux différents âges de la vie, je dirais de 2 ans à 77 ans, mais une offre qui réponde de la manière la plus pertinente possible à la demande croissante de handball. Faire coïncider l’offre et la demande de hand sur tous les territoires est un vrai défi ! C’est d’autant plus vrai que la demande est aujourd’hui plus volatile, plus difficile à capter. La pratique d’un sport chez les jeunes n’est plus la même qu’il y a dix ou quinze ans, le rapport aux copains et à son club a évolué. C’est là tout l’enjeu de la fidélisation de nos pratiquants. Nous avons la chance d’avoir un tissu d’éducateurs qui connait ces données nouvelles et qui sait s’adapter. Mais la structuration de nos clubs est nécessaire. Une enquête menée avec l’APELS a montré la fragilité de nos clubs. Nous gagnons en nombre de licenciés, mais pas en nombre de clubs. C’est donc l’ambition du président de la fédération Joël Delplanque que de structurer davantage les clubs, afin qu’ils puissent répondre à cette demande croissante de handball et faire en sorte que nos licenciés (et leurs familles) soient satisfaits et restent chez nous.

Est-ce motivant de s’atteler à un tel défi ?
Je suis très heureux de travailler sur ce sujet en plus avec une équipe autour de moi formidable ! Je vis à fond mon militantisme associatif et mon engagement bénévole. Je suis privilégié.

Les succès des équipes de France sont-ils à la base du développement actuel du handball ?
Bien sûr. Les équipes de France, femmes et hommes, sont un vecteur essentiel, car elles nous apportent de la notoriété. Les jeunes ont envie de s’identifier à des champions, et nous avons de « vrais »s champions engagés et disponibles.

« 2017 se construit maintenant »


Le 500 000e licencié de la FFHB est-il pour bientôt ?
Nous avons fêté le 400 000e il n’y a pas si longtemps, en 2010, une jeune fille. On fera encore plus la fête pour le 500 000e. Ce sera peut-être, pourquoi pas, un jeune issu de Hand’Ensemble ? Nous franchirons certainement cette barre avant 2017, mais on n’est vraiment pas dans une course aux chiffres, je le répète. L’important n’est pas le nombre, mais la qualité de l’accueil que nous pouvons collectivement offrir à nos licenciés. Notre objectif est qu’ils se sentent bien et qu’ils restent avec nous.

Outre la diversification des activités, travaillez-vous sur d’autres orientations ?
Nous cherchons à adapter nos modèles de compétition pour qu’ils satisfassent les clubs et les athlètes, dans une approche de développement durable. La commission qui organise les compétitions et la DTN travaillent donc à modifier les schémas de compétitions, sans que cela nuise à la formation des futurs meilleurs joueurs et joueuses. Vous savez, c’est une sacrée ambition de concilier à la fois un handball d’excellence et une pratique pour tous au niveau amateur. En fait, c’est « facile » de produire des médailles si tous les moyens sont exclusivement tournés vers cette performance : il vous suffit de sélectionner trois cents personnes avec des supers qualités physiques, et de les façonner. Mais ce n’est pas l’esprit de la fédération française de handball. Nous ne sommes pas dans un modèle à l’anglaise avec le cyclisme sur piste ou à la chinoise : nous tenons à développer notre activité avec tous les éducateurs et les licenciés. C’est aussi pour cette raison que nous avons besoin que nos partenaires publics et privés nous accompagnent sur ce chemin.

Vous avez fait plusieurs fois référence à 2017 au cours de cet entretien. Pourquoi est-ce une échéance si importante pour le développement du handball ?
Ce Mondial organisé en France est une opportunité unique pour notre développement. Il faut que tout soit en place en 2017, afin que tous ceux qui veulent participer à la fête, avant et après 2017 puissent le faire. Je pense notamment à celles et ceux qui ne connaissent pas ou peu le handball. Nous devons outiller les clubs maintenant pour qu’ils puissent faire face à un pic éventuel de licenciés en 2017. Et nous voulons continuer dans notre approche équilibrée entre les sexes. Pour l’instant, nous avons des bases solides et beaucoup d’atouts, mais il faut soutenir les clubs et être vigilants. Il faut parvenir à adapter le handball à son époque, tout en prenant soin de préserver sa tradition socio-éducative très forte, qui constitue une bonne partie de notre image de marque. De la tradition ou la modernité, nous prenons les deux ! En fait, c’est comme le haut niveau, il faut sans cesse anticiper la prochaine échéance pour pouvoir y répondre de manière optimale. 2017 se construit maintenant. »

* Nombre de licenciés, saison 2011-2012 :
Football : 1 960 999 / Handball : 470 590 / Basket-Ball : 468 136