Champion du monde en 1995 et en 2001, père d’un champion d’Europe U18, Christian Gaudin est l’un des entraîneurs les plus chevronnés de la Lidl StarLigue qu’il débutera la semaine prochaine avec Sélestat, après avoir remporté la finale des Play-offs de Proligue en mai dernier.

Après une saison en Proligue (ex-Handball ProD2), quel regard portes-tu sur le 2e échelon de l’élite ?

Tous les entraîneurs le savent bien, rien n’est acquis à l’avance et rien ne t’est donné dans cette division. Il y a de véritables combats tous les vendredis soir. Au même titre que la Lidl StarLigue, le niveau de la Proligue augmente d’année en année et se rapproche du tout meilleur niveau. Pour la Lidl Starligue, la progression est aussi évidente avec des équipes françaises qui atteignent désormais régulièrement le dernier carré des coupes d’Europe. C’est une évolution positive.

Dans ce contexte, comme se positionne le promu Sélestat ?

Le projet est bien défini avec le Président Laurent Hild et Christian Omeyer, le directeur sportif. L’équipe possède de jeunes joueurs talentueux qui sont encadrés par Frédéric Beauregard, Grégory Martin et Olivier Jung, avec aussi nos renforts, notamment Ognjen Djeric et Tom Guillermin, qui arrivent pour s’inscrire dans le projet du club. Je ne suis pas un entraineur qui cible les matches. On va tous les préparer pour les gagner et faire plaisir.

Le départ de Julien Meyer pour Chambéry était-il inéluctable ?

Si Sélestat ne montait pas il était acquis qu’il pourrait quitter le club. En revanche il avait indiqué son plaisir de poursuivre sa dernière année ici en cas d’accession à l’élite. Mais les choses ont changé. Peut-être Julien a t-il été parasité dans cette décision ? On lui prête beaucoup de maturité mais il a seulement 19 ans. Je ne lui en veux pas, c’est le monde professionnel. C’est dommage car avec Yannis Lenne et Rudy Seri, il incarnait le projet du club. J’espère que les autres ne suivront pas la même voie si vite. Je souhaite simplement le meilleur à Julien.

Pendant le mois d’août comment as-tu concilié les stages de préparation, le suivi des J.O. et de l’Euro U18 en Croatie où était engagée l’équipe de France et ton fils Noah ?

C’était chaud ! C’était clairement compliqué car il fallait se concentrer sur la préparation où parfois nous avons disputé des matches en même temps. Mon fils Clément et mon épouse me tenaient au courant des résultats. C’était un été vraiment sympa. L’équipe de France a décroché la médaille d’argent. Il ne faut pas minimiser ce résultat car c’est encore un exploit de monter su le podium. Pour les Minots, comme aime à les appeler Éric Quintin, c’est une 2e médaille d’or consécutive après la victoire en 2015 du FOJE à Bakou. Cette génération était annoncée comme moins forte que les deux précédentes sélections, mais il semble bien que non.


Comment faîtes-vous pour ne pas toujours parler de Handball à la maison ?

Quand nous sommes ensemble, par respect pour la maman, nous évitons… Mais c’est compliqué de ne pas avoir ce sujet de conversation. Les garçons sont suffisamment intelligents pour ne pas parler que de cela. Je suis fier de mes garçons, comme tous les parents, mais je suis vigilant. Les trois frères (Noah 17 ans – demi-centre, Clément 19 ans – gardien, Thomas 22 ans – ailier gauche) s’entendent bien et se portent les uns et les autres. C’est une passion commune.

Comment fais-tu pour passer du rôle de père à celui d’entraîneur, en particulier avec Thomas ?

Bien évidemment, je ne fais pas de différence avec Thomas. Sinon, je perdrais toute crédibilité. S’il doit prendre une chasse, il l’a prend. Il n’y a pas de souci avec le groupe qui est jeune avec des garçons intelligents et un dénominateur commun : la réussite du projet. J’ai aussi un œil bienveillant car je me souviens que mon ami Andrej Golic m’a confié avoir parfois souffert de l’exigence de son père qui ne lui laissait rien passer.

Comment expliques-tu la réussite sportive de vos trois garçons ? Ce n’est pas génétique…

Le premier, Thomas, a été un petit peu plus protégé du Handball. Le soir des matches, nous faisions appel à une nounou. Puis avec le 2e, Clément, un peu moins et plus du tout avec le petit dernier Noah qui était dans son couffin lors des matches à Magdebourg. Il devait avoir trois ans lorsqu’une fois, dans le salon, Noah m’a fait une passe. Une vraie passe avec le bras bien placé. À force de voir, d’observer, il y a une part de mimétisme. Outre la formation sur le terrain, c’est très important de développer sa culture tactique en regardant du Handball et des matches à la télévision.

Clément a suivi tes traces en choisissant le poste de gardien de but et étonnamment c’est le seul de tes garçons que tu ne diriges pas…

Il aurait pu rester à Saint-Raphaël mais, et c’était son choix, il a rejoint Paris. Thierry Perreux s’occupe de lui et il y a aussi Bruno Martini qui veille sur lui. Pour chacun de mes fils, j’essaierai toujours d’être de bon conseil. Quant à Thomas, il ne rêve que de voler de ses propres ailes.

Tu as eu le bonheur de décrocher le titre mondial en 2001 en France. Le Mondial 2017 se profile bientôt. Quelle est ta relation avec l’équipe de France ?

Je serai bien évidemment toujours supporter des équipes de France. J’ai eu la chance pendant 10 ans de porter ce maillot. Je suis fier de cette période-là et je suis très heureux que l’histoire continue. Il y a maintenant 30 ans que Daniel Costantini a posé les bases puis Claude Onesta a enchaîné avec aussi un super boulot. L’équipe de France n’appartient à personne et je fais confiance à la DTN pour que l’aventure continue.

2001 a marqué l’arrivée en équipe de France de Thierry Omeyer. Aujourd’hui tu travailles avec son jumeau Christian à Sélestat… La fratrie Omeyer aura jalonné ton parcours…

Avec Bruno (Martini), on a bien accueilli le petit et il nous a poussé dehors (rires). Titi est quelqu’un que j’apprécie beaucoup et nous avons une très bonne relation. Quant à Christian, qui a suivi la formation de Limoges, disons qu’il est aussi efficace pour gérer un club que son frère dans les buts. Si le club se développe, c’est en grande partie grâce à son travail quotidien.

Voici douze ans que tu es devenu entraîneur professionnel. Quel est ton regard sur le métier ?

J’ai toujours aimé m’occuper des jeunes et j’ai continué lorsque je suis parti en Allemagne, à Magdebourg. J’ai eu cette opportunité de reconversion à Saint-Raphaël et je me suis formé sur le tas. Je n’ai jamais hésité à m’entourer, en faisant par exemple appel à Pascal Bourgeais et à Jean Senges pour la préparation physique à Saint-Raphaël. J’ai procédé également ainsi avec l’équipe de Roumanie et à Hambourg. A Sélestat, je travaille en étroite collaboration avec mon adjoint, sur la vidéo et sur le bien-être au sein de l’équipe. J’aime vraiment le terrain et il faut se lâcher au coaching pour donner sa pleine mesure. Être prêts aussi à prendre des claques, c’est le métier qui veut ça.