-«Jeudi dernier, face à Chambéry, des supporters réunionnais étaient à Coubertin pour vous soutenir. Quels rapports entretenez-vous avec votre île de naissance ?
Comme vous pouvez l?imaginer, le lien est très fort. En fait, on est énormément suivis par les Réunionnais, ceux qui vivent sur l?île, comme ceux de la Métropole et notamment ceux de Paris, plutôt très nombreux. Avec Jeffrey (M?Tima), nous avons été surpris de ce soutien. D?autant que certains n?hésitent pas à faire de longs déplacements pour nous encourager. Ça nous donne une motivation supplémentaire.
Le premier Réunionnais à avoir brillé en Métropole, avant même Jackson Richardson, est Maxime (« Bud ») Spincer. Depuis, le lien entre l?île et la Capitale ne s?est jamais effiloché.
C?est clair que Bud est là depuis longtemps. Il fait partie des murs, des meubles. Il a vécu une grosse aventure avec Paris. Il fait partie de l?histoire du club. Il a vécu aussi des moments difficiles pendant lesquels il a montré des qualités, de la combativité, pour que ce club, finalement, continue à exister. Après lui, il y a Jackson, bien sûr, mais aussi d?autres joueurs comme Patrick (Cazal), Bernard (Latchimy), Fabrice (Payet) ou Bruno (Arive) et j?en oublie sans doute plein d?autres? Ce serait d?ailleurs marrant de rechercher les années sans Réunionnais? Pourquoi ce lien ? Je n?en sais trop rien? C?est Paris, une ville qui attire. Longtemps, il n?y avait que des vols entre Saint-Denis et Paris, ceci explique peut-être cela. Mais c?est surtout que lorsque l?on évoque Bud, Papat, Jackson ou même les footballeurs Guillaume Hoareau et Laurent Robert, on devine la fierté des Réunionnais à compter de tels personnages dans la Capitale.
Lorsque vous jouiez à Kiel, vous aviez accueilli toute l?équipe à La Réunion pour un stage de préparation. Qu?aviez-vous alors ressenti avec ce retour aux sources particulier ? Etait-ce un moyen de renvoyer l?ascenseur ?
J?étais fier de pouvoir montrer aux joueurs de Kiel l?endroit où je suis né, où j?ai grandi. Quand je discutais avec eux, la moitié ne savait même pas où se trouvait la Réunion ! La meilleure façon de leur faire connaître mon île était de la leur montrer. On était là-bas en pré-préparation et on a donc pu découvrir toute l?île. Les volcans, les plages, et la culture bien sûr avec les repas en plein milieu du cirque de Mafate. Sans doute ont-ils alors mieux compris ma mentalité, ma façon de vivre après ce séjour.
Vous aviez l?occasion de prolonger votre contrat à Kiel, sans doute d?achever votre carrière en Allemagne. Qu?est-ce qui vous a décidé à rentrer en France ?
Plein de choses en fait. C?est vrai qu?il y avait l?occasion de rester à Kiel, le meilleur club du monde selon moi. On a été très bien intégrés, accueillis à bras ouverts et je ne vous cache pas que la décision a été difficile à prendre. Mais comme on dit parfois, je pense que c?était le moment. Paris avait une grande ambition et j?avais envie de participer à l?aventure d?un club qui souhaite, lui aussi, figurer à terme parmi les meilleurs clubs du monde. Ça prendra du temps, j?en suis parfaitement conscient, mais je suis très content d?être au début de cette aventure.
IL ME MANQUAIT BEAUCOUP DE CHOSES DE LA FRANCE A KIEL
Aimy (4 ans) est encore petite, mais Noa (9 ans) a peut-être eu son mot à dire?
Noa, mais Aimy aussi ! Tous les deux parlent couramment allemand, ils avaient leurs repères, leurs affinités. Je crois qu?on avait vraiment trouvé notre place, notre équilibre. Quand on a quitté Melsdorf, tous deux avaient la larme à l??il. Mais ils étaient aussi tout excités à l?idée de recommencer autre chose, de s?intégrer dans une autre culture. Paris est une des plus belles villes au monde et ils savaient qu?ils allaient profiter de pleins de choses, que c?était aussi une chance pour eux. Et pour être honnête, il n?a pas fallu très longtemps pour qu?ils trouvent, ici aussi, toutes leurs marques.
Qu?est-ce qu?il risque de vous manquer de l?Allemagne ?
C?est difficile de répondre à cette question. Un peu de tout sans doute. Mais il me manquait aussi beaucoup de choses de la France lorsque nous vivions à Kiel.
Vos premières impressions, justement, quant à cette vie parisienne, vous qui aviez surtout vécu jusque-là dans des villes moyennes ?
Tout va plus vite. Quand tu regardes le trafic, les gens, tout ce que tu peux vivre au quotidien, faire les courses, le simple fait de venir à l?entraînement, tout est en accéléré. Paris est une ville qui ne dort jamais. Je n?ai pas la même impression quand je suis dans le Sud, même dans les très grandes villes, où il me semble que l?on prend plus volontiers le temps de vivre.
Vous êtes le capitaine de ce PSG dont on attend monts et merveilles. Comment appréhendez-vous un tel rôle ? Est-ce votre nature de veiller à ce que tout se passe bien autour de vous ?
Disons que j?étais un peu comme ça à Kiel, déjà. J?ai toujours essayé de participer à la vie du club, celle du groupe. Quand on a mis en place, avec mon épouse, le projet de stage à La Réunion, c?était quelque part le témoignage de mon investissement. Capitaine, c?est un peu plus de responsabilités. Tu essaies de faire en sorte que le groupe vive bien, que le lien entre le staff, les joueurs et les dirigeants soit toujours entretenu. Je ne suis pas quelqu?un qui va gueuler à tous bouts de champ, mais je peux discuter avec les gars quand ils en ont besoin, pour un conseil, un recadrage si besoin.
Paris n?a toujours pas trouvé la bonne carburation en ce début de saison. Comment l?expliquez-vous ?
Tout ce que l?on est en train de mettre en place demande du temps avant d?être vraiment efficace. Tous les joueurs ont envie de gagner. La tête de chacun d?entre-nous après le Trophée des Champions, la déception de ne pas avoir ramené le trophée, ne laissent aucun doute sur l?implication. C?est très clair dans mon esprit : cette équipe, en plus de son talent, a la motivation, la détermination pour réaliser de grandes choses. Mais il faut être patient. Même si on est tous des compétiteurs et que ce manque d?affinités nous frustre énormément.
NE PAS RATER LES MOMENTS CLES
Le Final Four de la Ligue des Champions à Cologne demeure-t-il l?objectif prioritaire ?
Oui, c?est un objectif, personne ne s?en est jamais caché. Ce qui est intéressant, c’est que l?on va avoir des matches de poule très difficiles, à Skopje par exemple, qui vont nous permettre de faire évoluer notre jeu. Il ne faudra pas rater les moments clés qui vont nous aider à aller le plus haut possible. On va essayer de jouer la première place du groupe, l?aventure peut alors être plus accessible. Mais encore une fois, il faut savoir être patient.
Vous avez trente-trois ans, depuis plus de dix ans vous disputez, entre les rencontres de club et celles avec le maillot bleu une moyenne de près de soixante-dix matches par an, n?y a-t-il pas, fatalement, un peu de lassitude ?
Très franchement, je l?ai eue pendant une bonne partie de la saison dernière. Une saison difficile, physiquement mais surtout mentalement? Enchaîner deux saisons avec les Jeux Olympiques au milieu a été compliqué pour moi. On a réussi une belle saison avec Kiel, on a conservé notre titre olympique, mais la suite s?est révélée compliquée, je n?ai pas trouvé la constance, la régularité et j?ai ressenti, oui, un peu de lassitude. Les six semaines de vacances m?ont fait énormément de bien. Six semaines de repos, de décompression complète, dont quatre à la Réunion? Du coup, j?ai retrouvé tout mon appétit.
Quel est votre moteur lorsque le doute, parfois, vous assaille ?
Le plaisir sur le terrain, d?abord, le plaisir du jeu. Le handball, c?est ma passion, ça veut dire beaucoup de choses? Humainement, il me permet aussi de vivre d?excellents moments. Le moteur, c?est vraiment celui-là. Le soutien de la famille, des proches, c?est encore autre chose.
Petit, à cause de problèmes de talon, personne ne vous imaginait réaliser la carrière que vous êtes en train de réaliser?
J?avais neuf ou dix ans et je ne pensais pas à ce que j?allais devenir. J?étais dans l?amusement, je voulais juste profiter sans me projeter au-delà des séances d?entraînement, des moments partagés avec les mômes de mon âge.
LES AVENTURES DE L’EQUIPE DE FRANCE ONT UNE SAVEUR PARTICULIERE
Comme d?autres Experts, vous êtes-vous fixé Rio et ses Jeux Olympiques comme horizon ?
Oui, c?est un objectif. Les aventures avec l?équipe de France ont une saveur très particulière, différente. Dans ma tête, des fois, je me dis que c?est réalisable, d?autres fois, je me dis que c?est vraiment loin. Mais on a un sélectionneur et c?est avec lui qu?il faudra voir?
Vous qui adorez le basket, un mot sur le parcours des Bleus à l?Euro en Slovénie ?
Magnifique. Génial. J?ai suivi le match contre les Espagnols, très engagé, puis bien sûr cette finale. J?ai trouvé les joueurs hyper concentrés. Ils se sont complètement lâchés face à la Lituanie, vingt points, c?est énorme. Je retiens aussi que l?équipe de France a totalement maîtrisé son sujet en dépit d?un parcours chaotique. Ça prouve que les joueurs étaient sûrs de leur force, conscients de leur niveau de jeu, même quand, autour d?eux, les sceptiques s?en donnaient à c?ur-joie. Ils ont géré au mieux chaque étape de ce championnat et, au final, cela donne un parcours exceptionnel pour une équipe qui entre plus encore dans la grande histoire du sport français.
Au fait, pour finir, pourquoi Toumout ?
Je ne sais pas s?il faut parler de ça. Ça remonte à ma première année à Chambéry. On jouait aux cartes avec Franck Chapel dans le bus, un jeu où il fallait poser des cartes et prononcer certains mots. Ma langue a dû fourcher à un moment donné et le mot prononcé ressemblait à Toumout. C?est resté, et quand je me suis retrouvé en équipe de France avec les frangins (Gille) ça m?a encore poursuivi? »