Au terme d’une semaine marquée par la visite de l’équipe de France masculine en Guadeloupe et en Martinique, Eddy Couriol, actuel Président de la Ligue Guadeloupéenne depuis deux ans, et qui fût surtout le premier joueur ultra-marin à intégrer l’équipe de France dans les années 1970 se confie. Pionnier, il a montré la voie à ses illustres héritiers d’aujourd’hui, pour beaucoup auréolés des titres les plus prestigieux et à 58 ans, l’homme n’a rien perdu de son investissement, ni de sa passion. Il revient sur une carrière qui a marqué l’histoire de sa discipline et sur la place qu’elle occupe aujourd’hui aux Antilles comme à la Réunion.

« Eddy, à quand remonte votre premier… kung-fu ?
Ah (rires) ! Ca doit être en… 1974.

L’histoire vous dépeint comme l’un des premiers à avoir popularisé ce geste en France. Comment vous est venue cette idée ?
Simplement, on recherchait des tactiques pour pouvoir surprendre les défenses adverses et comme, à ce moment-là, j’avais une bonne détente, on s’est dit que si on passait par dessus la zone, ça pouvait être une bonne solution.

Vous êtes également le premier Antillais à avoir intégré l’équipe de France, en 1979. Quels souvenirs conservez-vous de cette époque ?
Il me semble que c’était même en 1978… C’est beaucoup de souvenirs et une grande fierté. Mais d’une certaine façon, je ne me sentais pas si différent des autres parce que je connaissais les coéquipiers depuis les sélections cadets et que d’une certaine façon, j’avais été élevé au handball en Métropole.

On sait aujourd’hui la place des ultramarins dans cette sélection. Et on sait aussi tout ce que les Cordinier, Abati, Girault, Dinart, Sorhaindo et aujourd’hui Grébille ou Pardin vous doivent à vous…
Ce qu’ils doivent… On a simplement pu afficher les qualités des athlètes ultramarins qui correspondaient bien à une discipline adaptée à nos prédispositions.

« L’ÉQUIPE DE FRANCE A BIEN DE LA CHANCE (RIRES) »

Quels sentiments éprouvez-vous lorsque vous les voyez parader sur ces podiums internationaux ?
Je me dis que l’équipe de France a bien de la chance (rires). Plus sérieusement, oui, c’est formidable pour la France, pour la métropole et pour les ultramarins. Pour tout le monde en fait.

Et quand ils retrouvent, comme la semaine passée, leurs racines ?
Une fois encore, c’est beaucoup de plaisir, de bonheur. Et surtout un bonheur partagé. Ca a été une semaine extraordinaire. Il y a eu un accueil très chaleureux. Qui s’est aussi traduit par un vrai échange. C’est d’autant plus marquant que le handball tient une place particulière aux Antilles comme à La Réunion. Beaucoup d’ultramarins pratiquent le football. Mais le handball a trouvé sa place.

Peu de gens savent que vous avez aussi été champion de La Réunion avec Château-Morange… On pourrait composer une belle équipe avec Antillais et Réunionnais…
Il pourrait en effet y avoir une sacrée équipe ! Surtout quand je pense à Patrick Cazal qui pourrait l’entraîner. Le handball ici a vraiment de grandes qualités.

Vous portiez ce maillot de Château-Morange lorsque vous avez été sollicité par Villemomble. Quelles étaient alors les différences entre Villemomble et Gagny, où vous avez découvert le très haut niveau ?
Je suis allé à Villemomble parce que le Conseiller Technique de l’époque à La Réunion, Maurice Chastanier, m’a dirigé vers le club, que c’était un pallier vers le haut niveau. À l’époque, il n’y avait en fait qu’une division d’écart entre Villemomble et Gagny. Et si j’ai rejoint Gagny c’est simplement parce que Villemomble après avoir accédé à la division supérieure, redescendait.

« MON CHEMIN ÉTAIT TRACÉ »

Le handball n’était alors qu’un sport amateur. Est-ce pour cela que vous avez décidé de passer votre brevet d’état d’entraîneur, en 1984 ?
Pas seulement. J’étais déjà professeur d’Education Physique et Sportive, je savais que, d’une certaine façon, mon avenir était tracé. Le Brevet d’État, c’était surtout pour parfaire mes connaissances dans l’objectif de devenir Conseiller Technique Régional.

À ce sujet, comment avez-vous trouvé le niveau, les structures du handball lorsque vous êtes revenu en Guadeloupe pour occuper ce poste, en 1985 ?
Je vais vous résumer la situation en deux chiffres : 480 licenciés et dix clubs. Donc un gros, gros travail de promotion à mettre en place, de formation de cadres, de formation de joueurs … On parlait de développement, ça a été mon leitmotiv les premières années. L’objectif était d’atteindre 2000 licenciés. Il l’a été largement après 16 ans de travail, quand j’ai passé la main et s’illustre aussi au travers de la mise en place de deux sections sportives qui sont à l’origine du Pôle Espoir que l’ont connait aujourd’hui.

En 2005, vous devenez le directeur-adjoint du CREPS Antilles-Guyane…
Et je le suis resté jusqu’en 2011. Cette mission était moins en relation avec le handball. J’ai tout de même continué à entraîner les clubs, à les conseiller. À partir de 2011, j’ai envisagé sérieusement à me présenter à la Ligue et j’en suis aujourd’hui le Président depuis un peu plus de deux ans.

De tous les internationaux et internationales passés dans vos mains, lesquels vous ont le plus marqués ?
Sans doute le plus titré. Didier Dinart. Parce que je l’ai connu tout jeune en sélection en Guadeloupe. Je l’ai guidé vers le Sport-Étude de Dijon quand il a voulu partir où il a retrouvé Alain Quintallet. C’est une immense fierté d’avoir pu l’aiguiller dans son projet. Ca restera une des plus belles aventures.

On ne peut pas vous laisser partir sans une petite pointe de curiosité. Couvez-vous, en ce moment, d’autres joyaux amenés à garnir les rangs des équipes de France ?
On peut dire ça, oui ! (rires). On a à l’heure actuelle trois filles qui sont au Pôle en Guadeloupe et qui sont considérées comme des espoirs nationaux et ont un immense talent. Il y a un joueur qui est parti l’année dernière de chez nous qui lui aussi je pense est promis à un grand avenir. Cette relève symbolise notre objectif de continuer à la fois le développement en augmentant le nombre de licenciés tout en offrant une qualité de formation aux jeunes afin qu’ils restent le plus longtemps en Guadeloupe avant pourquoi pas de grossir, qui sait, les rangs de l’élite.