La rumeur coure que ce championnat d?Europe serait ton dernier ?
Les récentes acquisitions font que nos chaînes n?auront pas les droits des prochaines compétitions IHF et EHF. Mais cela ne veut pas dire que le groupe Canal+ ne reviendra pas dans la course plus tard. Certes il va y avoir un break mais je reste chez Canal+ et je continuerai à commenter régulièrement. Le championnat de France féminin et tous les matches des équipes de France disputés sur le territoire français ainsi que la Golden League, restent sur les antennes du groupe Canal+.
Te souviens-tu du premier match que tu aies commenté ?
C?était sur l?antenne d?AB Sport pour France – Italie, le premier match des garçons lors du Mondial de 1997 disputé au Japon. J?avais rejoint cette chaîne nouvellement créée qui diffusait notamment du cyclisme et de la course à pieds. Lorsque ce Mondial 1997 s?est présenté, j?ai fait partie des trois équipes de commentateurs et Thierry ANTI était à mes côtés, en cabine à la Plaine Saint-Denis. J?ai débuté ma carrière à Radio Nord Seine-et-Marne et je suivais le club de Pontault-Combault. Thierry est le premier entraîneur que j?ai côtoyé. Puis la liste des consultants, sur AB Sport, Pathé Sport puis pour le Groupe Canal+, s?est étoffé avec Carole MARTIN, Catherine PIBAREAU, Stéphanie LUDWIG, Nodjialem MYARO, Véronique PECQUEUX-ROLLAND et Valérie NICOLAS. Avec les garçons la liste est longue aussi et prestigieuse : Thierry PERREUX, Denis TRISTANT, Philipe GARDENT, Stéphane STOECKLIN, Éric QUINTIN, Philippe MÉDARD, Daniel COSTANTINI, Claude ONESTA, Olivier GIRAUD, Nicolas COCHERY, Laurent MUNIER, Olivier KRUMBHOLZ, Grégory ANQUETIL et tout récemment Guillaume GILLE.
Et de ton premier reportage ?
C?est aussi en 1997, avant le championnat du monde féminin en Allemagne. Je me suis rendu à Metz où l?équipe de France, dirigée par Carole MARTIN, était en stage. Je me souviendrai toujours du premier bonjour échangé avec Valérie, Sandrine, Véronique, Nodjialem? Et la sensation que nous étions contents de nous retrouver alors qu?on ne s?était jamais vus. Cette première rencontre avec l?équipe de France féminine m?a vraiment marqué.
Avais-tu pratiqué le hand auparavant ?
J?ai joué dans le cadre de l?UNSS. J?étais passionné par le rôle de gardien. J?avais commencé à m?investir mais par rapport à l?organisation familiale ce n?était pas possible et on m?a inscrit au foot. Une vraie passion était née mais qui n?a malheureusement pas pu s?épanouir.
Hormis le foot, as-tu essayé d?autres sports ?
En fait j?ai eu une enfance compliquée à Meaux. J?étais un petit garçon malheureux et peureux. Le sport a été un moyen de m?épanouir. Ma vie a réellement commencé avec le judo, vers l?âge de six ans. Ce sport m?a permis d?être un vrai garçon puis c?est grâce au football que j?ai pu me faire des copains. Plus tard, j?ai fait du cyclisme et j?ai gagné quelques courses de niveau régional. Ce sport m?a permis de m?identifier avec mon père de c?ur avec lequel ma maman s?était mariée. Pour lui et pour moi, cela nous a permis d?avoir une relation père-fils, de rattraper la vie et de m?imposer en tant qu?homme. Je fais toujours des sorties à vélo et un peu de musculation.
Te souviens-tu du moment où tu as eu envie de devenir journaliste sportif ?
J?ai été élevé par ma grand-mère qui a eu 10 enfants et trois de mes oncles, des musiciens, m?emmenaient sur les Quais de Saint-Michel à Paris pour jouer et faire la manche. J?ai toujours été au contact avec le monde du spectacle et dès que j?ai regardé du foot et du cyclisme à la télévision, je me suis mis à commenter. Pour moi, c?était évident. Ma grand-mère m?achetait L?Équipe tous les matins.
Et c?est l?univers du cyclisme qui t?ouvrira les portes du métier?
J?ai vite préféré faire le speaker de course cycliste plutôt que d?être sur le vélo. J?ai acheté une sono et j?ai dû animer une centaine de mariages. J?ai créé mon orchestre « Café Crème » dont j?étais le chanteur percussionniste. J?ai aussi longtemps fréquenté les cabarets et j?ai aussi fait de nombreuses animations commerciales. Je vivais de toutes ces animations et parallèlement j?ai intégré une école de communication audiovisuelle, l?EFAP Images. Avant d?arrêter toutes ces activités au début des années 2000, je cumulais les animations avec mes collaborations à la radio et à la télévision. Je n?étais pas à la recherche d?argent mais de la reconnaissance. J?ai dû me battre et j?ai beaucoup souffert pour m?imposer. De toutes ces expériences, le fil conducteur, c?est l?humain. J?ai toujours eu besoin de développer une relation humaine forte. Donner et recevoir est une façon d?exister.
Le style Brindelle, c?est un commentaire qui navigue entre le propos sérieux et un ton populaire.
Cela a toujours été mon truc de basculer. Je suis aussi à l?aise avec le milieu populaire que l?univers très guindé. Lorsque je commente, je veux apporter du rêve et l?émotion que procure le spectacle sportif. L?expérience du spectacle et les situations non maîtrisées du cabaret est fondamentale dans ma manière de commenter. Je sais ce que cela veut dire de parler aux gens. Lorsque des jeunes journalistes me demandent des conseils, bien sûr en premier lieu il y a l?esprit de synthèse, la précision du traitement, les principes de base du journalisme mais il n?y a rien de plus beau que le parcours humain et la nécessité d?être soi-même. J?accepte toutes les critiques mais je ne triche pas et je fais mon travail honnêtement.
La filiation avec les COUDERC, ROLAND et MONTEL est-elle encombrante ?
Un jour Eric BAYLE, le monsieur rugby à Canal+ m?a présenté comme le Roger COUDERC du handball. Éric BARADAT m?avait écrit aussi une dédicace en ce sens. C?est évidemment très valorisant mais très gênant d?en parler. COUDERC, c?est une légende. J?ai des liens de camaraderie avec Patrick MONTEL. Quant à Thierry ROLAND, sur les 3-4 dernières années avant sa disparition, on lui a demandé quels étaient les journalistes TV qu?il appréciait. Et trois fois il m?a cité en disant « j?aime son côté chauvin ». Nous devions partager un repas ensemble mais il est parti avant. Et comme je suis très attaché aux signes et aux symboles, lorsque j?ai commenté mon premier match de l?équipe de France de football, France-Espagne au Stade de France, j?ai levé les yeux vers la tribune de presse qui a été baptisée Thierry ROLAND.
Quelle est le journaliste qui t?a le plus inspiré ?
Patrick CHÊNE. Je pense que c?est à lui que je ressemble le plus. Il incarne l?enthousiasme, l?exigence professionnelle et sa personnalité a permis d?apporter un style dans le commentaire.
Alors que tu as des liens d?amitié avec des joueuses et des joueurs des équipes de France, comment fais-tu pour apprécier voire juger leur performance ?
Donner des notes, c?est une démarche que je ne cautionne pas. Ce sont les maîtres qui donnent des notes, pas les journalistes. Mon travail est de mettre en valeur la performance car je sais la somme d?investissement que cela représente. Pour beaucoup de gens, c?est plus facile de critiquer que de faire des compliments. Quand un joueur n?est pas à la hauteur, au niveau qu?on est en droit d?attendre, je ne juge pas mais je pose des questions au consultant. Pour analyser une performance j?échange beaucoup avec les gens du milieu et parfois les entraîneurs ont du mal à comprendre que même si on n?a pas joué au haut niveau, on peut être capable d?avoir un avis. Il y a un domaine sur lequel je m?estime plus compétent, c?est la psychologie du sportif car j?ai beaucoup travaillé là-dessus et j?ai passé des heures à discuter avec des entraîneurs et des préparateurs mentaux.
Les 7 buts remontés par l?équipe de France féminine en finale du Mondial 2003 face à la Hongrie, restent-il ton meilleur souvenir ?
Le meilleur souvenir, c?est en 1999, un quart de finale France – Danemark. Le match le plus improbable que j?ai vu. C?était surréaliste. Les Françaises venaient de nulle part face aux Danoises qui cumulaient tous les titres. Les Français mènent 13-8 à 20 minutes de la fin et n?inscrivent plus le moindre but jusqu?à la fin du match. Il reste quelques secondes et Lotte KAERSKOU s?avance pour titrer un penalty. Je trouvais cette joueuse très mignonne et Valérie NICOLAS, avec laquelle j?étais déjà complice, m?avait dit un truc du genre « je vais lui faire sa fête à ta petite danoise ». Il reste 13 secondes, c?est la n°13 qui s?avance et j?annonce que Valérie arrêtera le penalty. Je crois aux signes. Quelques jours avant on avait quitté Trondheim et pris un avion avec l?équipe de France. Étonnamment, il y avait un rang n°13. Isabelle WENDLING, qui porte le n°13, s?était installée et je m?étais glissé à ses cotés. Valérie arrêta le penalty et la France gagnera en prolongations. Ce soir là, j?ai eu l?impression d?être immergé dans le truc. En plus, c?était ma première compétition en direct. C?est le début de tout et le plus beau souvenir.
Tu es un témoin privilégié depuis 17 ans déjà. Comment juges-tu l?évolution du handball ?
C?est un milieu où j?ai pu vivre des aventures humaines fantastiques avec beaucoup de convivialité. C?est un sport pour lequel les gens s?investissent en tant que militants et qui ne deviennent pas supporters ou fans. Le handball n?a pas les audiences qu?il devrait avoir. Cela démontre que nous n?avons pas encore gagné. Bien sûr le handball a évolué mais se situe encore dans une démarche militante. Je crois que le handball a plus besoin d?exposition et de reconnaissance, que d?argent.
L?équipe de France féminine débute ce soir son huitième Euro consécutif. Quel est ton pronostic ?
Il manque une joueuse d?expérience au poste d?ailière droite et je suis un peu inquiet sur le poste d?arrière gauche. Nous avons de bonnes joueuses avec un bon vécu mais peu sont capables de faire basculer un match. Par expérience je sais aussi que les qualités du handball français et le sérieux des françaises font qu?elles sont capables d?être championnes d?Europe? Mais la probabilité serait qu?elles sortent de la compétition après le Tour Principal.
Quels sont les joueurs qui te font rêver ?
Gamin, le premier à m?avoir fait rêver est Eddy COURIOL puis Philippe GARDENT : dès qu?il marquait un but, il y avait une aventure humaine. Le joueur qui m?a le plus marqué, c?est Grégory ANQUETIL. Depuis, tous les joueurs sont mes préférés à partir du moment où je les ai vu débuter. Le symbole de ma réussite professionnelle, c?est la complicité avec Greg ANQUETIL.
Et du côté des filles ?
C?est pareil. J?ai une aventure humaine très forte avec Nodji MYARO, en tant qu?amie et consultante. Par rapport à tout ce qu?elle a apporté et à ce qu?elle représente, la mère de famille, la psychologue, la présidente de la LFH, son origine tchadienne, la Française? Elle est un fabuleux exemple de ce que le handball féminin peut produire.
Ton fils Antonin a choisi de joueur au handball?
Il a des maillots de grands champions dans sa chambre (moi aussi) et il a eu la chance d?aller dans les vestiaires depuis tout petit. Aujourd?hui, il a 13 ans et il est déjà dans sa huitième saison ! Il joue en moins de 15 ans à Eaubonne, comme demi-centre ou ailier gauche. Il n?a pas de grandes qualités physiques mais il fait bien jouer les équipes. Il y a un joueur qui me touche par rapport à mon fils, c?est Michaël GUIGOU pour lequel j?ai une tendresse particulière.
Avec le football, une 2e carrière s?ouvre à toi?
Avec la Ligue 1 et l?équipe de France, c?est un beau challenge. Florent MAOULIDA, Willy SAGNOL et Laurent BLANC se sont montrés très chaleureux avec moi car ils ont apprécié ce que je fais dans le hand. Le foot est perçu comme un milieu très dur et impersonnel, hyper médiatisé. Le hand est une porte d?ouverture humaine et je peux t?assurer que certains du milieu du foot recherchent les valeurs qui sont celles du handball. Ce qui me permet de m?installer humainement dans ce milieu, c?est mon parcours dans le handball.