Michel, as-tu compté le nombre d?épreuves majeures auxquelles tu as participé ?
Oui avec Jérôme FERNANDEZ on s?amusait récemment à faire le compte. Si je cumule les Championnats d?Europe, du monde et les Jeux olympiques, c?est ma 23e compétition.
Tu t?es fixé une limite ?
Franchement je n?en sais rien et cela dépendra si l?on veut encore de mes services. Terminer à l?occasion du Mondial 2017 en France m?irait bien d?autant que j?aurai 64 ans.
Tu es le plus ancien du staff?
Jean-Christophe MABIRE (kinésithérapeute) est arrivé avant moi en 1996 et il a fait une petite année de break quelque temps après.
Tu es un témoin privilégié pour évoquer le fonctionnement de Daniel COSTANTINI puis de Claude ONESTA ?
Ils ont une énorme qualité en commun : ce sont des meneurs avec chacun leur méthode. Daniel est parti de zéro en 1986 et a tout construit tout seul. Puis Claude est arrivé et a obtenu des résultats exceptionnels. Ce sont mes amis. Je regrette énormément que Daniel n?ait pu continuer à servir le handball après 2001.
Comment es-tu entré dans le staff aux côtés de Daniel COSTANTINI ?
L?aventure a débuté de façon bizarre. J?étais à Atlanta où je filmais avec Philippe SOUBRANNE. Bobby LEPOINTE venait de démissionner et je m?occupais de la formation des cadres depuis mon arrivée à la Fédération en 1990. Je suis dans les bureaux de Gentilly et j?entends une discussion assez vive entre André AMIEL (Président) et Alain MOUCHEL (DTN) qui dit « si c?est comme ça, je vais y aller et je porterai les ballons. » Je rentre dans le bureau et je dis : « d?autres peuvent aussi le faire, moi par exemple. » Quinze jours après, Daniel me fait venir dans son bureau. Pour moi, Daniel, est un personnage d?exception. Et il me lance « alors comme ça tu vas remplacer Bobby ? J?aurais aimé choisir son successeur mais si j?avais eu à faire un choix, il se serait porté sur toi. » À partir de là j?ai vécu des moments exceptionnels.
À l?époque le staff est très limité?
Daniel gérait tout le côté sportif. Il y avait Claude RINCK, notre chef de délégation, un homme polyglotte remarquable qui s?occupait des relations extérieures, le médecin Jean-Pierre ROATTINO et un kinésithérapeute. Je suis assez organisé et aujourd?hui je travaille différemment car nous sommes plus nombreux. Emmanuelle MOUSSET travaille aussi beaucoup en soutien depuis le siège fédéral.
En quoi ta fonction a évolué ?
Lorsque je sors d?un avion avec trois sacs, les joueurs me les prennent des mains ! Trouver une laverie, comme hier après-midi, ne m?a jamais posé de problèmes. Ce qui compte pour moi c?est que tout soit bien organisé et que l?on gagne des matchs. Claude me dit souvent : « toi tu n?as pas d?ennemis. » Je n?aime pas le conflit et j?essaie toujours de trouver les solutions qui peuvent arranger. J?ai toujours été habitué à me mettre au service des autres. Je ne regrette pas car j?ai une vie exceptionnelle
Nous réalisons cet entretien dans ta chambre qui est le lieu de vie de l?équipe de France avec sa machine à café, sa corbeille de fruits et le maillot de Thierry OMEYER sur un cintre ?
Nous avions repéré l?hôtel lors de notre visite à Doha en septembre dernier. J?ai la chance en effet de toujours disposer de la chambre la plus vaste. Les joueurs, les membres du staff passent ici et je prends beaucoup de plaisir à discuter avec eux. Il y a un respect mutuel. C?est un lieu de travail aussi car nous y faisons les réunions.
Et vous parlez handball ?
Je suis dans le staff technique mais je n?ai pas ce rôle là. Il y a des joueurs qui sont passés en équipe de France et qui ignorent que j?ai fait du handball. Et que je suis toujours actif dans la région Centre.
En 23 compétitions, tu as certainement des centaines d?anecdotes à raconter. Quelle est la fois où tu as du faire face à une vraie galère ?
Lors de l?Euro 2000 en Italie, on doit affronter l?Allemagne et lorsqu?on arrive dans le vestiaire, je m?aperçois que je n?ai pas pris le bon sac. Je me suis trouvé un peu con. Je vais voir les Allemands mais ils n?acceptent pas de jouer dans une autre couleur. Notre hôtel était situé à 40 km. Le temps de faire l?aller-retour, je suis arrivé quatre minutes avant le match.
Et ton meilleur souvenir ?
Incontestablement cela restera Pékin. J?ai toujours du mal à en parler, cela me submerge d?émotion (il a les larmes aux yeux). C?est tellement incroyable. Quand tu es gamin puis plus tard quand tu entraines en N1B, tu penses que jamais tu n?iras aux J.O. Et un jour tu te retrouves sur le podium olympique. Cela va bien au delà d?un titre mondial car à ce moment le monde entier parle handball.
Michel rapporte une anecdote qui lui arrache d?autres larmes :
Nous avions un chauffeur attitré. Un Chinois qui avait un peu la même morphologie que moi. Il ne parlait pas un mot d?anglais. Le premier jour il ne me regarde pas, le jour suivant il tourne à peine la tête? On le surnommait Schumi tellement il roulait vite et surtout il nous aidait dans nos combines : pour mettre le vélo d?Alain QUINTALLET dans la soute au premier feu à la sortie du village olympique. Ou pour mettre des bières à la sauvette dans le bus. À partir des quarts de finale, il portait le maillot floqué Schumi que je lui avais fabriqué. Le lendemain il nous offrait à chacun des figures chinoises. Avant la demi-finale on s?aperçoit que le bus croate est devant nous : on le motive et il fait tout pour le dépasser? Et on arrive avant les Croates que l?on bat en demies.
Après la cérémonie du podium, je me dirige vers le parking. Je le vois à 100 mètres. On se dirige l?un vers l?autre. On s?enlace, on s?embrasse. On fume une cigarette ensemble. On n?échange pas un mot à cause de la barrière de la langue. On s?est dit au revoir et je ne le reverrai jamais, mais voilà c?est profondément émouvant ce type de relation.
Tu as sûrement des joueurs favoris ?
J?ai de l?admiration pour beaucoup de joueurs mais certains m?ont plus marqué c?est vrai … mais je ne vais pas les citer. Ce sont des garçons exemplaires et il ne faut pas oublier que les bases de fonctionnement de cette équipe s?appuient sur ces valeurs.
Il y a aussi l?association Leg?Hand dans laquelle tu es impliqué?
C?est un projet passionnant que je mène avec Laurence SOTTY, Nadège COULET et Philippe PAILHORIES et qui va m?occuper en effet. Quand tu ne sais pas ou tu vas tu dois regarder d?ou tu viens. Dans les années 70 on perdait de 20 buts face aux Roumains. Alors la création de ce musée n?est pas anecdotique. Il y a un boulot immense à réaliser mais j?ai eu la chance de trouver des locaux tout neufs à Dreux. Mon beau-frère nous file un gros coup de main. L?idée est de déployer ce musée dans la maison du handball avec des objets répartis dans tous les espaces. On songe aussi à une partie exportable pour faire voyager ce musée, notre mémoire.