-«Nodji, on imagine que ce retour en Lorraine a dû réveiller quelques souvenirs…
Ah ça, oui !!! Ça faisait longtemps que je n’étais pas revenue, sauf évidemment en tant que joueuse, pour des instants somme toute furtifs. C’est toujours un plaisir d’échanger avec des gens avec lesquels tu as partagé sept années de ta vie. Les dirigeants messins, les anciennes comme Isa (Isabelle Wendling) ou Tételle (Estelle Vogein), les joueuses, bien sûr, comme Nina (Kanto)… Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de partager beaucoup de temps, puisque l’essentiel de mes journées était consacré à différents types de réunions.
À quoi, justement, a consisté votre rôle durant cette Coupe de la Ligue ?
On a profité de la compétition pour permettre aux gens de se rencontrer. Les occasions d’échanger ne sont pas si nombreuses, et il est d’abord important de se parler, de confronter les points de vue, c’est le meilleur chemin pour avancer. Les instances, les clubs, les différents acteurs ont ainsi pu discuter, s’interroger, le tout dans un cadre parfaitement adapté.
Imaginiez-vous occuper de telles fonctions un jour ?
Jamais de la vie ! Joueuse, tu n’imagines pas l’envers du décor, tu es juste au contact des autres joueuses, des entraîneurs, et la fonction de dirigeant te paraît comme abstraite. Je suis encore en phase d’apprentissage, de découverte, d’échanges, surtout avec les clubs, et j’aborde cette mission avec beaucoup d’humilité. Dans l’optique, bien sûr, que certains projets se réalisent, que les intérêts des uns et des autres soient privilégiés. Mais il faut, dans un premier temps, que les gens me découvrent. Que je les découvre.
Comment vous êtes-vous retrouvée à la tête de l’instance ?
Le plus simplement du monde, sur une proposition de Joël Delplanque, le président de la Fédération. J’ai d’abord été surprise, je n’étais absolument pas dans cette réflexion-là. Il m’a donné un délai de réflexion. J’ai fini par accepter.
« METZ, J’Y AI VECU SEPT SAISONS MERVEILLEUSES »
Revenons-en à votre carrière. Doit-on attribuer au club messin votre naissance à la discipline, ou bien est-ce à Toulouse que le virus a été inoculé ?
Si je n’étais pas passée par Toulouse, je ne serais jamais arrivée à Metz. Mes véritables débuts, mes instants découverte, c’est à Toulouse que je les ai vécus. J’avais un entraîneur, Alain Hatchondo, qui m’a fait aimer la discipline, qui m’a encouragée. Au lycée Raymond-Naves, à la section sport-étude, ce sont Jean Weber et Alain Raynal qui m’ont encadrée. Metz, c’est l’endroit ou je me suis familiarisée avec le haut niveau, où j’ai découvert la première division, décroché mes premiers titres… Où j’ai vécu sept saisons merveilleuses…
Après la Lorraine, il y a eu cette épopée au Danemark. Etait-ce compliqué pour une joueuse de couleur de s’intégrer dans cette culture ?
Honnêtement, non… Je m’étais préparée à endurer une certaine forme d’hostilité, mais je n’ai jamais senti la moindre animosité par rapport à la couleur de ma peau. La France est un pays multi-racial et les différentes origines donnent une certaine couleur à notre championnat, alors qu’au Danemark, il n’y avait guère que Joséphine Touray, d’origine africaine mais née au Danemark, comme joueuse de couleur. J’ai tout de même eu un peu de mal à m’adapter, mais c’était par rapport au climat, à la nuit qui tombe tôt, et la première année a parfois été compliquée. Mais je conserve un excellent souvenir de l’expérience à Kolding.
Il y a eu cette autre aventure, sur l’Ile de la Réunion, avec les copines, Leila Lejeune et Stéphanie Ludwig. Anciennes messines elles-aussi…
Sans le coup de fil de Leila, il n’y aurait pas eu la Réunion et j’aurais peut-être achevé ma carrière en Métropole, sans doute à Toulouse. Mais la proposition de Leila était à la fois sympa et exotique. Attention, elle était aussi réfléchie, je ne serais jamais partie là-bas sans toutes les garanties, avec le risque d’une mise en danger. Mais j’étais aussi, déjà, dans une réflexion de fin de carrière, et vivre cette expérience, découvrir cette île, était extrêmement enrichissant.
Vous avez achevé votre parcours la saison passée à Nice. La retraite génère-t-elle des manques, des frustrations ?
Pas du tout. Je pense que la retraite sportive, si elle est réfléchie, si elle n’est pas abordée avec un sentiment d’échec, peut être très bien vécue. Il faut savoir que je travaillais déjà quand j’étais joueuse, et qu’il n’y a donc pas eu ce sentiment de vide, cette sorte de trou noir qui peut se révéler hyper angoissant. Je l’aie aussi vécu comme un soulagement. Mon corps, le dos notamment avec des douleurs handicapantes, me faisait souffrir, et il avait besoin de se reposer. J’ai donc eu la chance de pouvoir partir quand je le souhaitais, sans blessure, en remplissant la mission que nous nous étions fixée, à savoir le maintien.
« J’ENTRAINE LES BABY À NICE, ET JE M’ÉPANOUIS AVEC EUX »
Sauriez-vous établir un podium de vos plus grandes émotions de handballeuse ?
1. Titre de championne du monde ; 2. La finale de Lillehammer ; 3. Mon dernier match. C’est bizarre de se dire : ça y est, c’est fini… Mais je garde un excellent souvenir de ce moment, avec mes amies qui étaient là, mes collègues de boulot aussi, et surtout mes enfants, qui ne s’en souviennent sûrement pas, mais moi si…
La présidente de la Ligue va devoir assister à de nombreuses rencontres, comme celles de ce week-end de Coupe de la Ligue. La nostalgie pourrait vous rattraper…
Non, elle ne me rattrapera pas. J’ai déjà vu quelques matches, et je peux vous assurer que je me trouve bien à ma place. Je suis dans la peau d’une spectatrice qui vient assister à un spectacle de sport, qui a le luxe de pouvoir s’autoriser une forme de recul sur tout ça. J’ai vécu un moment étrange la première fois que je suis venue à Nice, mais c’était en allant voir les copines dans le vestiaire. Il y avait un ballon qui traînait, je l’ai saisi, il y avait de la colle dessus et certaines images se sont alors bousculées dans ma tête… Mais c’est absolument tout !
Il y a peu, les championnes du monde 2003 se sont retrouvées à Paris. L’amitié n’a manifestement pas pris de rides…
Pourquoi faudrait-il qu’il en soit autrement ? Franchement, c’était un moment génial. Lorsque j’ai vu les efforts consentis par certaines, je pense à Fanny (Stéphanie Ludwig), Leila (Lejeune) et Mélinda (Szabo), débarquées de La Réunion, et même à Raph (Raphaëlle Tervel) qui a modifié ses vacances afin d’être parmi nous, j’ai compris combien le moment serait chargé d’émotions. Il s’est dégagé une énergie incroyable de cette rencontre…
Aimeriez-vous entraîner un jour ?
Non. En tout cas, je n’y pense pas, je n’ai jamais éprouvé cette envie-là, au contraire de Raph, par exemple, qui est, elle, dans cette forme de réflexion. J’entraîne les baby à Nice, et je m’épanouis complètement avec eux.
On vous sait très attachée à tout ce qui touche à la petite enfance. Quelles sont aujourd’hui vos occupations professionnelles ?
J’exerce en qualité de psychologue au service de la petite enfance à la Ville de Nice. Je travaille avec les crèches afin de remplir plusieurs missions comme, par exemple, veiller au bon développement psycho-affectif des enfants, accompagner les auxiliaires sur le terrain. J’entretiens aussi des relations avec les parents, je mets au point des groupes de paroles, je suis attentive à tout ce qui concerne directement ou indirectement les enfants.
« IL Y A DEUX ANS, J’AI PASSÉ NOËL AU TCHAD »
Vous êtes née à N’Djamena, la capitale du Tchad. Quels regards portez-vous sur les conflits en Centrafrique voisine et plus globalement sur les tensions dans certains pays d’Afrique ?
Je trouve cela désolant. Ces conflits sont dramatiques, je n’arriverai jamais à me faire à l’idée que des luttes de pouvoir puissent conduire à des pertes de vies humaines. Je ne sais vraiment pas quoi vous dire de plus, sinon qu’il s’agit malheureusement d’un des très mauvais côtés de l’être humain.
Êtes-vous retournée au Tchad ?
Oui, il y a deux ans maintenant. Nous avons passé Noël en famille, et c’était merveilleux. Pour la première fois, les cinq enfants étaient du voyage. On a vu mon père, on a fait le tour de la famille. C’était vraiment génial…
Un mot, pour finir, sur cette Coupe de la Ligue. Qu’avez-vous pensé du niveau ?
Je n’ai vu que la finale, le reste du temps, j’était vraiment occupée. Mais c’était une belle organisation, une belle compétition. Concernant la finale, c’était une très belle affiche. À l’image du classement en championnat. Les gardiennes ont été très présentes des deux côtés. Mais Gervaise Pierson a réalisé une performance immense. On aurait pu imaginer que la qualité du banc de Fleury lui permette d’imposer son jeu en seconde période. Mais les Messines ont proposé une très grande défense et elles n’ont surtout rien lâcher. Elles ont même réussi à faire déjouer leur adversaire en fin de partie pour l’emporter. »