«Alors, est-ce encore meilleur la deuxième fois ?
C’est en tout cas aussi bon que la première fois…
Ces titres-là n’ont tout de même pas la même saveur que celui de N2, avec Ivry…
Là vous me prenez par les sentiments… C’est totalement différent en fait. Ce n’est plus le même contexte, pas le même groupe, pas la même ambiance. Et ce n’est surtout plus le même entraîneur ! David (Morelli) était un véritable tortionnaire, mais il nous a forgé le caractère. David, c’est mon grand frère… Ce titre-là était un titre en famille, avec ma grande s?ur Stella, avec les filles avec lesquelles j’ai grandi. Tous, en tout cas, ont une agréable saveur.
Que reste-t-il, d’ailleurs, de la gamine têtue et impulsive qui débarquait de Boissy, en 1999, pour faire ses classes dans le Val de Marne ?
La gamine est toujours impulsive, toujours têtue. Mais elle trouve mieux les mots aujourd’hui pour dire les choses. On dit qu’elle a mis du plomb dans la cervelle, c’est ça ?
Quelle est la différence fondamentale entre ce titre et celui de la saison passée ? On a senti Metz peut-être plus assuré…
Je n’ai pas ce même sentiment. Il y a eu pas mal de doutes en fait, peut-être que ça ne s’est pas totalement senti de l’extérieur. Pour être tout à fait honnête, je ne m’attendais pas à ce que l’on conserve notre trophée. La concurrence s’est aguerrie, toutes les équipes se sont renforcées. Je pense à Fleury qui a atteint la maturité, au Havre qui n’abandonne jamais, à Issy qui en impose avec ses quatre tours dans le secteur central et ce dernier rempart, Armelle Attingré, qu’il faut réussir à tromper… Physiquement, la Ligue est plus forte et les adversaires imposent une grande combativité. Sur un plan personnel, ça a aussi été une année difficile et compliquée. Aux plans mental, physique… En fait, je me rends compte que j’ai toujours eu de meilleures sensations l’année où j’arrivais dans de nouveaux clubs…
«SI C’EST POUR GAGNER LA LIGUE DES CHAMPIONS POURQUOI PAS»
Que manque-t-il à Metz pour prétendre rivaliser avec les armadas européennes ?
Un peu de tout, sans doute. D’abord de l’expérience, Metz reste une équipe très jeune. Les années précédentes, nous nous appuyions sur un gros sept de base, là nous tournons un peu plus et l’on manque peut-être de repères. Collectivement, on n’est pas assez rigoureuses, pas autant que les équipes auxquelles vous faites référence. Par moments, on manque de stabilité, il nous arrive parfois de vouloir mettre un peu trop de folie dans notre jeu. Pour résumé, je dirai qu’il nous manque tout simplement le niveau européen, le jeu, le vice…
Qu’avez-vous appris au Danemark qui a peut-être changé votre manière d’appréhender la discipline ?
J’ai surtout appris à prendre sur moi. Avant le Danemark et forcément aujourd’hui, je disais les choses comme je les ressentais. Là-bas, je devais parler en Anglais, et ce n’est pas forcément facile d’exprimer un ressenti, de crier, tout simplement, dans une langue dont on ne maîtrise pas toutes les subtilités. Il a donc fallu que j’apprenne à me contenir parfois, à réfléchir plutôt que d’être impulsive. Sinon, le Danemark reste le paradis de la handballeuse. Tout est organisé, structuré pour que la joueuse ne pense finalement qu’à prendre ses baskets…
Seriez-vous prête, à trente ans, à tenter à nouveau votre chance à l’étranger ?
C’est une très bonne question. J’ai encore eu des contacts de clubs étrangers, mais… En fait, il y a deux sortes de clubs à l’étranger. Ceux qui sont bâtis pour gagner la Ligue des Champions, et ceux qui sont depuis longtemps ancrés, mais dont l’ambition n’est pas celle de régner au sommet de l’Europe. Alors je vais vous répondre franchement. Si c’est pour gagner la Ligue des Champions, pourquoi pas…
Sophie Herbrecht va retrouver votre s?ur Stella à Chambray. À quand le trident reformé ?
Oh, il faut demander ça aux gens de Chambray… Ce n’est pas d’actualité en tout cas. Mais le bon côté des choses, c’est que je n’aurai pas à choisir entre Toulon et Chambray pour aller supporter mes s?urs… Un seul déplacement me permettra de les voir ensemble dans ce projet qui a tout pour séduire. J’entends déjà des avis sur l’arrivée de Sophie, mais je peux vous assurer qu’elle a l’intention de s’afficher à son meilleur niveau. Les liens de Sophie et Stella, liens de s?urs, sont indéfectibles, mais ce ne sera pas la fête tous les jours… Égoïstement, j’aimerais juste jouer contre elles. En Coupe ou, qui sait, en LFH un jour…
Manon Houette a été élue meilleure ailière gauche de la saison. Le poste est décidément très bien fourni en France…
C’est clair, il y a une très forte concurrence à l’aile gauche. Les jeunes nous poussent mais bon, il va falloir qu’elles attendent encore un peu avant de nous prendre la place… Il y a Laura Goddefroy à Toulon, Coralie Lassource à Issy, et donc Manon. Je ne la connais pas, mais ce que je vois d’elle me semble engageant… Je la félicite en tout cas pour ce trophée.
L’équipe de France est entrée dans une nouvelle époque avec l’arrivée d’Alain Portes à sa tête. Le challenge est d’aller décrocher une médaille olympique à Rio. Quels motifs doivent nous permettre d’y croire ?
À deux journées de la fin, nous sommes déjà assurées de participer au prochain Euro, c’est déjà un enseignement dont il faut tenir compte. L’équipe aura alors un peu plus de vécu commun, plus de repères, plus d’assurances aussi. Attention, il faut continuer de travailler, rien de grand ne se fera sans un investissement permanent. On a peut-être changé certaines de nos habitudes, certains de nos fonctionnements, mais ça reste du handball et l’équipe de France reste l’équipe de France…
C’est-à-dire ?
Je ne suis pas dupe. Il y a un fort potentiel dans cette équipe, mais de grosses lacunes aussi. J’ai ce match contre la Pologne toujours en travers de la gorge aujourd’hui. Il faut travailler sur ces match-couperets. Aux Jeux, le niveau qui était le nôtre avant le quart de finale devait nous projeter vers la médaille. Je la sentais cette médaille, tout le monde la sentait. Ça se joue à deux secondes, à un but… À nous de faire en sorte que ça tourne en notre faveur.
Pas mal de jeunes ont intégré l’effectif. Sentez-vous un nouvel élan ?
C’est clair, elles ont envie et cette envie entraîne toute l’équipe. Elles amènent en fait ce que nous cherchions à amener lorsque nous avons débuté. Je pense à Gnonsiane (Niombla), avec toute son explosivité, à Grâce (Zaadi) aussi. C’est très rafraîchissant…
«PROFITER DE CHAQUE INSTANT ET CHERCHER LE PLAISIR PARTOUT»
Il y a dix ans, vous découvriez, vous aussi, ce nouveau monde. Vous fascine-t-il toujours autant ?
Plus que jamais… C’est toujours cool de venir en équipe de France. C’est un autre forme de stress, une autre pression qui donne envie d’en faire plus, de montrer plus, de s’éclater plus. L’équipe de France est une grande équipe et son challenge permanent est de montrer qu’elle peut exister au plus haut niveau. Il me convient ce challenge. Même à vingt-neuf ans, je suis toujours animée de ce même sentiment que rien n’est acquis, que je dois toujours démontrer que je suis légitime, que je dois en faire plus qu’une autre pour prouver que je mérite ma place.
Qui a le plus de sélections ? Vous ou Nina Kanto ?
On est à égalité… 195, non ? C’est pas mal. Je me revois arriver à Albertville, c’était le 4 avril 2004. J’avais plus de posters et de tee-shirts à faire signer à ces immenses joueuses, Isa (Wendling), Véro (Pecqueux-Rolland)… Elles m’avaient vite recadrée… Eh, tu es là pour jouer, pour nous montrer que tu mérites d’être avec nous…
Raphaëlle Tervel a achevé sa carrière en apothéose en décrochant deux Ligues des Champions. Quels sont vos rêves ?
D’abord, je veux dire le plus grand respect que j’ai pour elle. Elle a gagné deux Ligues des Champions, mais elle a aussi participé à quatre Olympiades… Franchement, la joueuse française qui parviendra à rivaliser avec elle en termes de palmarès n’est pas encore née… Elle a su saisir sa chance, c’est vrai, mais sa carrière est exemplaire. Elle a surtout eu l’opportunité de finir à Gyor, avec Amorim, avec Gorbicz, avec un entraîneur qui avait toute sa confiance et en qui elle avait totalement confiance… Sincèrement, si David (Morelli) entraînait en Ligue des Champions, je signerais de suite… Mon rêve ? C’est simplement de profiter de chaque instant, de chercher le plaisir dans tout… C’est nul comme rêve, non ? C’est en tout cas le mien, il est tout simple, mais je le poursuis au quotidien.
Êtes-vous toujours aussi orgueilleuse ?
Toujours.
Toujours grande gueule ?
Un peu moins. Je me suis assagie. Je suis la même compétitrice, mais je sais désormais manier la mesure. En finale, par exemple, face à mes copines d’Issy, je n’ai pas mesuré mon investissement, mais j’ai su faire la part des choses. Je me souviens qu’à l’époque de mes débuts au Havre, Monsieur Maréchal m’avait testée en me mettant Stella face à moi, sur le poste d’ailière droite. Il voulait voir si ça pouvait me déstabiliser. C’était ma s?ur, vous savez les liens qui nous unissent, mais j’étais restée cette compétitrice…
C’est bientôt l’heure des vacances. Qu’avez-vous prévu ?
Rien n’est encore bien arrêté. J’ai besoin de couper, parce que la vie de handballeuse à Metz génère tout de même un peu de pression. Metz, c’est un public exigeant qui n’accepte pas la défaite, pas la contre-performance, et qui te pousse à être investie du premier au dernier jour de la saison. Au final, avec les voyages, les entraînements, les rassemblements de l’équipe de France, tu ne coupes jamais vraiment… Les vacances, ce sera avec des plages, du soleil, peut-être un petit peu de handball, mais pas trop. Et j’irai bien sûr à Boissy, dans le 94. C’est mon repère, là où je me ressource, avec les miens, ma famille, mes proches. Quand je suis là-bas, ils le savent très vite et n’hésitent jamais à venir me rendre visite…
Avez-vous l’intention de suivre la Coupe du monde de football ? Serez-vous supportrice de la France ou du Cameroun ?
Les deux. La poule du Cameroun est compliquée. Je ne choisirai jamais entre la France et mes racines. Enfin, les racines de ma mère… Je suis née ici, mais ma famille est là-bas. Avec les nouvelles technologies, nous restons en contact. C’est un besoin pour moi.»