Il est arrivé de nulle part. Ou presque. Après avoir débuté le handball dans les buts, il est formé sur l’aile mais c’est à l’arrière qu’il évolue désormais. Et c’est dans cette position que le gaucher Valentin Porte a soulevé l’admiration et surpris la planète handball lors du dernier Euro. Une notoriété soudaine qui n’a en rien changé le fonctionnement du garçon. La tête bien faite, il se confie sur ses difficultés actuelles sans fard et se livre, avec humour et sincérité.

-« Valentin, retrouver le Danemark la semaine dernière, c’était…
Sympa ! Sympa de revenir, on est dans le même hôtel en plus ! On en a rigolé avec les joueurs. Maintenant, c’était une compétition différente avec moins de pression, on était contents de retrouver le Danemark pour encore les embêter et les battre (rires) !

– Et cette fois, vous êtes arrivé à Aarhus sans hématome au fessier !
Cela soulage sans l?hématome, ça va beaucoup mieux de ce côté-là. Mais même si ça fait quelques mois, il y a quand même la fatigue de l?Euro qui se fait sentir, en plus du championnat qui est vraiment dense. Je ressens encore un peu de fatigue.

– Retrouver les copains de l’équipe de France deux mois après le titre sur les terres de la conquête, ça ne peut que raviver les bons souvenirs, lesquels en particulier ?
Je me souviens surtout du début de l?Euro où l’on s?inquiétait de devoir passer le tour préliminaire. Beaucoup avaient des doutes sur ce dont on était capables de faire? Ça me fait rire quand on voit comment ça s?est déroulé ! On est passés de ces incertitudes sur notre capacité à sortir du tour préliminaire à un titre de champion d?Europe grâce à une victoire de 9 buts face au Danemark, chez lui !

– Quand on rentre votre nom sur un moteur de recherche internet, le nombre de résultats a connu une nette augmentation? Etonné ?
Un peu oui… Mais étant donné ce qu’il s?est passé à l?Euro, ça peut se comprendre. Tout ça, c?est un peu nouveau, mais je ne joue pas pour ça, il ne faut pas trop y penser. Quand tu es performant, on parle de toi, mais il faut rester concentré car tu peux redevenir un joueur lambda très rapidement.

– Comment avez-vous appréhendé, apprécié cette notoriété soudaine après l’Euro ?
Finalement, je n?ai rien changé. Je répondais sur les réseaux sociaux, j?ai signé un peu plus d?autographes, j?ai fait plus de photos. En arrivant sur les parquets de LNH, je me suis senti plus observé, plus demandé. Le point négatif, c?est que ça focalise l?attention des spectateurs, mais aussi des joueurs sur moi, et mon manque de réussite depuis un mois et demi s?explique par la fatigue, mais aussi un peu par ça. J?essaie de progresser et de jouer plus pour les autres, et ça ne peut que m?aider si j?arrive à passer au-dessus de ça. Les périodes d?échec, ça arrive, et c?est un bon moyen d?avancer.

« JE RESTE LE MÊME »

– Racontez-nous un peu le déroulement de votre retour, une fois que vo vous avez quitté l’équipe de France à Paris ?
J?avais du temps en rentrant en France, une journée (rires) ! J?en ai profité pour retourner à Toury et retrouver les gens qui m?ont accompagné dans mon enfance et qui étaient fiers et s’étaient réunis pour me voir. J?ai adoré ce moment, le partager avec eux. C?était mon moment nostalgique avec mes amis d?enfance !

– La valeur principale que vos parents semblent défendre est l?humilité. Après l?Euro et votre nouvelle notoriété, ils semblaient inquiets de votre entrée dans le « star system » de l?équipe de France. Comment les avez-vous rassurés ?
J?ai été éduqué comme ça, je n?aurais pas pu réagir autrement. Je les ai rassurés en gardant la tête sur les épaules et en leur montrant que je ne me permettrais pas de faire certaines choses, et que je ne serai jamais quelqu?un d?autre. On a parlé de moi, c?était cool mais je ne m?enflamme pas car je sais que ça peut aller très vite dans l?autre sens. La preuve, aujourd?hui, je suis en difficulté mais je suis une fois de plus le même. Je pense qu?ils l?ont vu et qu?ils sont très contents de constater que leur éducation a payé et que je sais garder les pieds sur terre.

– Une question parenthèse : dans le jeu de handball IHF Challenge qui vient de sortir, êtes-vous identifié sur le poste d’ailier ou sur le poste d’arrière ?
Dans le jeu, je suis ailier, mais je suis vachement plus gros que les autres (rires) ! Ça fait plaisir qu?un jeu de hand soit disponible, même si les statistiques sont tout à fait fausses ! On en rigole dans l?équipe à Toulouse. Ça reste super sympa de se voir dans un jeu et de s?amuser avec les potes. Je viens de l?avoir ; donc on n?a pas eu trop l?occasion d?y jouer ensemble mais je l?ai testé avec Toulouse et l?équipe de France. Mais je ne suis pas en équipe de France dans le jeu !

– Plus jeune, vous vous êtes d’abord tourné vers le hockey sur gazon pour marcher dans les pas de votre père. Pourquoi avoir ensuite changé d’orientation pour le handball ?
Quand j?étais petit, je suivais toujours mon papa avec une crosse à la main ! J?ai joué au hockey-sur-gazon mais je n?ai jamais été licencié. Mon père était encore en activité à Montrouge quand je suis né, et je le suivais partout. Quand j?avais 5 ans, mes s?urs sont nées et mes parents ont voulu déménager à la campagne. Il y avait beaucoup moins de choix de sports en pleine campagne beauceronne ! Mes parents voulaient que je fasse du sport, et j?avais le choix entre hand et foot. Je suis allé au hand pour suivre mes amis, tout simplement? Quand je suis arrivé dans l?équipe, tout le monde avait déjà sa place, donc je suis allé dans les buts, ça me plaisait bien et je crois que je n?étais pas mauvais. Mais à 14 ans, j?étais gaucher et pas très grand, donc on m?a conseillé de sortir du but et que je serais plus utile à l?aile droite !

– Cela vous permet-il de mieux apprécier les performances de Thierry Omeyer ? D’adapter vos choix d’impact face au but ?
On apprécie toujours les performances de Titi quelle que soit notre formation, mais en pro c?est totalement différent. À 14 ans, je plongeais partout, à chercher les tirs à terre avec la main, ça n?était pas très académique ! Après, peut-être que ça m?aide inconsciemment.

« APRÈS UN AN EN BLEU, JE MESURE LA DIFFÉRENCE »

– On vous sait également amateur de golf ? Une pratique récente ? Avez-vous l’occasion d’y affronter Jérôme Fernandez qui est lui aussi un adepte de ce sport ?
Ca fait deux ans et demi que je joue sérieusement au golf. J?ai rencontré des amis sur Toulouse qui pratiquaient déjà et m?ont poussé à m?y mettre. Une fois qu?on est piqué, on ne s?en sort pas ! On se tire la bourre avec les amis, et c?est génial de jouer contre des gars qui partagent la même passion. Fernand joue au golf mais avec son emploi du temps hyper-chargé, c?est une fois tous les six mois… J?essaie d?initier les autres, mais ils ne sont pas très bons (rire) !

– Quand vous parlez de vos amis à Toulouse, vous faites référence à vos coéquipiers, ou à des handballeurs en général ?
Quand je fais le point, mes bons amis là-bas sont mes coéquipiers. C?est vrai que c?est dur de se sortir de ce monde parce qu?on est presque 24h/24 avec ces gars. Quand je suis arrivé, je n?étais pas en cours, j?étais quasiment pro et ça n?a pas aidé à rencontrer des personnes d?autres milieux. Même si après six ans à Toulouse, j?ai pu rencontrer du monde, notamment au golf. Mais ça a pris du temps. Typiquement, quand je vais au ciné, j?appelle quelqu?un de l?équipe.

– Et il se dit que vous êtes devenu récemment le premier supporter d’une équipe de rugby au point d’écouter son hymne avant les matchs dans le vestiaire ?
Je suis un sportif, j?aime tout regarder, et le rugby à Toulouse est incontournable. Je supporte le rugby, le TFC aussi, le basket féminin, le volley? Je connais quelques joueurs? Il y a tellement de sport que c?est un régal, il faut en profiter ! En ce qui concerne un certain hymne de rugby, c?est différent. Mes parents sont à Mont-de-Marsan depuis décembre, donc je fais croire à tout le monde à Toulouse que je soutiens le Stade Montois ! Du coup, on me dit que je suis un traître ! J?avais entendu l?hymne là-bas, qui est sympa, et maintenant je mets ça dans les vestiaires et les mecs me chambrent parce que je connais les paroles par c?ur (rires) !

– Quelles sont les différences entre le Valentin Porte qui enfile pour la première fois le maillot bleu en janvier 2013 et celui qui l’a revêtu cette semaine pendant la Golden League ?
Le maillot me serre un peu plus (rires) ! Ça ne fait qu?un an mais je jauge la différence. Personne ne m?attendait, pas plus moi que les autres ! J?avais montré des choses mais sans plus, j?avais peu de temps de jeu. Sur la dernière compétition, j?ai été plus exposé et ça s?est bien passé. Mais le Valentin un peu plus dans le dur en ce moment et celui de l?avenir, celui qui se demande comment progresser, c?est ça qui m?intéresse maintenant. Si je ne suis pas performant, je ne le ressens pas comme une insulte qu?on me le fasse remarquer. La confiance de mes coéquipiers et de mes entraîneurs est plus importante.

– On sait que les journalistes se régalent des jeux de mots à composer autour de votre nom de famille. Lesquels vous ont le plus amusé ?
Ca fait toujours sourire, et c?est facile avec un nom comme ça ! Je souris car il y en a qui trouvent des nouveaux jeux de mots que je n?avais jamais entendu, ce qui n?est franchement pas évident? « Porte cherche encore les clefs », elle n?était pas mal celle-là ! J?imagine les journalistes dans les rédactions qui s?éclatent à dire « Eh j?en ai une bonne les gars ! » (rires), et ça m?amuse aussi parce que ça reste gentil.

– Et le fait qu?on vous prenne pour le fils d?Alain Portes (sélectionneur de l’équipe de France féminine), c’est plutôt drôle également ?
C?est vrai qu?on m?associe à Alain Portes, et nos âges respectifs font qu?il pourrait être mon père. Je crois qu?on lui fait pas mal de remarques aussi. Mais cela ne s’écrit pas pareil. Je l?avais rencontré sur le championnat du monde junior quand il avait pris la Tunisie. Depuis, on se suit et on s?envoie des messages, je lui souhaite bonne chance avec les filles. C?est quelqu?un de très sympa.

« AVEC TOULOUSE, JOUER UNE COUPE D’EUROPE SERAIT UNE BELLE RÉCOMPENSE »

– Cette semaine de Golden League a été l’occasion de découvrir Xavier Barachet avec qui vous formez désormais une « droite forte » sur le poste ? Comment s’est déroulée votre collaboration ?
C?est tout à fait ça, c?est une collaboration. Il faut que l?équipe aille bien, que ça soit nous deux, Kévynn voire même Fernand sur ce poste. Xavier est quelqu?un d?adorable, j?apprends à le connaitre et ça me fait plaisir de jouer avec lui, j?apprends à ses côtés. Je le connaissais en tant qu?adversaire et spectateur avant la sélection. Je suis très content de le revoir en forme parce qu?on a besoin de gars comme lui. J?essaie d?apporter aussi, sur des choses différentes. On apprend toujours au contact des autres, et quand je le regarde jouer, j?apprends beaucoup. Il a plus d?expérience par son âge et son passage en Espagne notamment.

– Toulouse a encore beaucoup à jouer en cette fin de saison…
On pense à l?Europe car avec la saison qu?on fait, ça serait cruel de ne pas y être. On vise les cinq premières places, mais on reçoit Montpellier et Dunkerque bientôt, et on va à Nantes donc ça ne va pas être facile. On n?espère pas le podium car ça ne nous rendrait pas forcément service, je crois qu?on en est encore loin et on n?est pas prêts pour la Ligue des Champions. On aimerait une petite Coupe d?Europe, l?EHF, ça serait une belle récompense. Personnellement, ça fait six ans que je joue en LNH, et un petit parcours européen me plairait vraiment. Aller jouer des matchs en Europe, ça serait pour moi une expérience très intéressante !

– Pour finir, il se murmure que vous pourriez profiter des vacances d’été pour aller rendre une petite visite à un autre gaucher, Stéphane Stoecklin, qui vit désormais en Thaïlande ?
Je n?ai jamais pris de grosses vacances, et c?est une opportunité ! J?ai entendu qu?il avait ouvert un bel hôtel là-bas, donc pourquoi ne pas s?autoriser de petites vacances ? J?ai des choses de prévues cet été avec ma famille ; donc je ne sais pas encore. Mais j?y pense, pour cette année ou l?année prochaine. J?aimerais aller lui rendre visite. Je ne l?ai pas tellement connu en tant que joueur car je ne regardais pas vraiment le hand plus jeune. Mais j?ai vu, depuis, quelques vidéos, et je connais sa réputation : Jérôme et Titi m?en parlent comme du meilleur de sa génération à ce poste, un arrière droit qui savait tout faire. Et c?est aussi important de voir ce qu?il faisait pour continuer à apprendre. »