Sur le toit du Monde en 2003, emblématique joueuse du handball féminin français, Valérie Nicolas a rangé le maillot bleu au vestiaire depuis les JO de Pékin. Depuis, c’est comme consultante pour Canal + qu’elle vit, sous un autre angle, les compétitions internationales. Son oeil expert et son charisme font de l’ex-gardienne de l’équipe de France une actrice toujours précieuse de la planète handball. Des dix ans de 2003 à sa reconversion en passant par l’affection qu’elle porte aux actuelles Femmes de Défis, confessions d’une grande dame dans l’Entretien du Lundi.

-« Valérie, nous sommes obligés de commencer par-là. Le titre de 2003 a fêté ses 10 ans il y a deux jours. C’était une journée particulière pour vous ?
Oui, tu y repenses beaucoup. Les souvenirs reviennent. Surtout que, même si l’anniversaire exact était samedi (14 décembre), nous avons fêté ce titre avec toute l?équipe de 2003 à Coubertin pendant le Tournoi Razel-Bec Paris Ile-de-France. Cela a été l’occasion d’en reparler. Non sans émotion. Et de réaliser que chacun l’avait vécu différemment. Ce qui était assez rigolo, c’est qu’il y avait un peu d’appréhension à l’idée de se retrouver. C’était la première fois qu’on était toutes réunies depuis le 14 décembre 2003 ! Samedi, je me suis dit, dix ans, c’est beaucoup et en même temps, c’est peu de chose. Chacun a tracé son chemin. Et j’ai arrosé avec des mojitos ! Enfin, deux (rires) !

– Est-ce que ce titre reste votre plus beau souvenir de joueuse ?
Non, pas le meilleur. Mais un des meilleurs. Je fais la différence parce que, championne du Monde, t’es sur le haut de la boite, sur le toit du Monde, alors, évidemment, ça compte énormément. C’était? fantastique ! Après, ça passe tellement vite, c’est dur d’apprécier sur le moment. La Ligue des Champions, ça se prolonge sur une saison, tu as le temps de savourer davantage. Les matchs aller, les matchs retour? Je me souviens des instants après le quart de finale retour, contre Slagelse. On va gagner là-bas et le retour dans le bus a été mémorable ! Quand on remporte la finale à Aarhus avec Viborg, la fête a duré jusqu’à l’aube. On a terminé chez moi au petit-déjeuner ! La saison 2006, c’est plusieurs moments qui rendent le souvenir très fort. Le titre au Mondial, c’est presque dix ans après que tu le savoures le mieux.

– Dix ans déjà donc, à votre sens, le contexte international a-t-il évolué ? Si oui, dans quels secteurs, dans quelles mesures ?
Oui, des choses ont changé. Les joueuses sont beaucoup plus techniques, elles savent faire beaucoup plus de choses avec le ballon. A notre époque, hormis Leïla (Lejeune) qui était en avance sur ce point, nous n’avions pas les mêmes dispositions. Il y avait un déficit technique. Plus spécifiquement, je pense à Amandine (Leynaud) et Cléopatre (Darleux). Elles m’ont ou elles vont me dépasser. Elles disposent de moyens vidéos plus performants. D’une meilleure préparation physique. Les staffs sont aussi plus étoffés, plus précis. Ca permet aux jeunes joueuses d’arriver à maturité plus tôt.

– Vous avez été une des pionnières en terme d’expatriation à l’étranger quand tu as rejoint le Danemark. Cela a été un moment clé pour vous ?
Je n’étais pas la seule. Il y a eu Mézuela Servier, Stéphanie Moreau, Stéphanie Cano, Leïla Lejeune et Nodji (Nodjialmen Myaro) un petit peu avant, entre autres. En ce qui me concerne, oui, ça a été une période charnière. J’avais joué dix ans en première division en France. J’avais fait le tour. Je ne saturais pas mais j’avais envie de défis. La proposition de Viborg est arrivée à point nommé. Faire le bon choix, au bon moment, c’est important et ce n’est pas évident. Je m’en rendais moins compte à l’époque, mais j’ai réalisé par la suite que j’avais pris les bonnes décisions.

« Jouer une compétition en France, c’est un moment à part »
– Le championnat de LFH séduit beaucoup. De plus en plus de grands noms étrangers viennent le rejoindre. Certaines internationales sont convoitées par de grands clubs européenns… Ce sont des indicateurs de bonne santé ?
Il est évident que le championnat est compétitif et attrayant. Il offre des garanties aux joueuses. Voir l’internationale norvégienne Stine Oftedal, par exemple, venir à Issy, c’est super !

– La candidature pour l’Euro 2018 féminin, comme le Mondial 2007, pourrait-elle être un nouveau cap important dans le développement du handball féminin en France ?
J’ai eu la chance de jouer une fois une compétition en France, et c’est un moment à part. A tout point de vue. Avec du recul, je regrette vraiment qu’on ne soit pas allé plus loin que les quarts. Si je dois avoir un vrai regret, c’est là-dessus. Pour le handball français, c’est essentiel pour se positionner. J’espère vraiment que la France obtiendra l’organisation. En 2007, il y a eu une véritable émulation autour de l’évènement. On l’avait vraiment senti à l’époque.

– Quelles sont les différences fondamentales entre le handball féminin et masculin, dans le jeu, dans les structures ?
Au niveau des structures, les garçons sont en avance. La Ligue Nationale, c’est du solide. Les clubs suivent bien aussi. Mais chez les filles, ça devient de mieux en mieux, je pense en particulier à Fleury. Parfois, c’est encore un peu avec des bouts de ficelle. Il faut encore progresser, il faut s’inspirer des garçons, mais ça progresse ! Au niveau du ballon, les filles sont moins physiques. Leur jeu est davantage basé sur la vitesse, sur le collectif. Athlétiquement parlant, les mecs sont impressionnants techniquement. J’adore regarder les deux, pour des raisons différentes. Ce qui est bien, c’est que les deux secteurs vivent bien. C’est une vraie richesse pour le handball.

« Je profite ! »
– Cela fait désormais plusieurs années que vous êtes consultante pour Canal +, aviez-vous imaginé tenir ce rôle un jour ?
Pas du tout ! On a expérimenté pour la première fois en 2004, à l’Euro, quand j’étais blessée au genou (croisés). Et puis on en était resté là. C’est en 2008, après les JO de Pékin et ma retraite internationale que Frédéric Brindelle (le commentateur de Canal +) m’a reposé la question. J’ai accepté. Je pensais le faire une ou deux fois. C’était dur au début de trouver ma place. On me demande d’être un expert. Il faut avoir un oeil extérieur. J’essaye de rester moi-même, d’apporter un regard technique. Sans tricher. Je n’ai pas de retour des joueuses. Mais elles n’écoutent pas parce qu’elles jouent (rires). Il m’arrive de m’enflammer parce que c’est l’équipe de France et que j’ai envie que ça marche bien. Aujourd’hui, j’y ‘ai pris goût, je me sens bien dans ce rôle. C’est devenu un plaisir.

– Vivre différemment, mais vivre quand même les grands rendez-vous internationaux, ça ne vous donne pas envie de remettre ça ?
Oh que non ! Je n’ai plus aucune envie d’aller sur le terrain ! Quand j’étais joueuse, je n’avais pas toutes ces possibilités. Mais surtout les contraintes. On voyageait pour les compétitions mais on ne voyait rien du pays qui organisait. Je sortais rincée d’un tournoi. Là, je profite !

– Parlez-nous de votre reconversion ?
Quand je suis arrivée à Nice, il y avait le projet pour les JO 2018. J’ai été intégrée à l’équipe au même titre que trois ou quatre autres sportifs. Je suis aujourd’hui chargée de mission sur l’événementiel sportif. Cela consiste soit à organiser des événements, soit à apporter un soutien. C’est intéressant. Il y a le « Ten Milles » dans quelques semaines. Je m’occupe de la 2ème édition qui aura lieu le 16 février. Il me faut avouer que ça a été une belle opportunité. Parce que je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire après ma carrière sportive.

– Vous n’avez jamais eu envie de tenir un rôle plus technique ? Plus proche du terrain ?
Non, pas vraiment? J’avais un temps pensé à professeur d’EPS ou éducatrice. Entraîner des gardiens, ça pourrait me séduire. Peut-être un jour, qui sait ! Mais j’avais besoin de couper avec le handball. Par contre, entraîneur principal, jamais de la vie ! D’abord parce que je ne m’en sens pas capable et puis, je sais trop à quel point ça peut-être un casse-tête. Quand je vois la joueuse que j’étais, je n’aurais pas voulu être mon entraîneur (rires) !

« Amandine et Cléo, un duo exceptionnel »
– Amandine Leynaud est très en forme depuis le début du tournoi, et Cléopâtre Darleux toujours précieuse. Selon vous, forment-elles la meilleure paire de gardiennes du Mondial ? Est-ce arrivé souvent d’avoir une nation avec un tel duo ?
C’est un duo exceptionnel ! Mais les Norvégiennes, et les Danoises ont eu ça aussi. Reste que dans la majorité des cas, c’est rare d’être aussi vernis sur le poste ! Avant, les gardiens de but, c’était pas le premier poste sur lequel tu voulais aller quand tu commençais le handball. Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus sur le devant de la scène, dernier rempart, premier attaquant? Elles sont valorisées. Je pense et j’espère que ça donne envie aux gamins d’aller dans les buts !

– Globalement, quel regard portez-vous sur l’équipe de France présente à ce Mondial ?
Elle dispose d’une belle variété. Je connais pas mal d’entre-elles pour les avoir vues débuter sous le maillot bleu. Allison, c’est fort ce qu’elle fait après sa blessure à la cheville. Alex a des hauts et des bas, mais elle apporte beaucoup, Mariama utilisée avec intelligence comme ça a été le cas sur le premier tour, elle est très bien ! Il y a des jeunes qui percent, comme Grâce Zaadi, Gnonsiane Niombla, Koumba Cissé. Des gabarits assez différents. Alain Portes a choisi des joueuses à tous les postes qui lui permettent de changer de tactique au fil du match. Il y a aussi un beau banc.

– Vous attendiez-vous à ce qu’elles réalisent un carton plein au premier tour ?
Les voir gagner leurs cinq premiers matchs, ça n’était pas rien. D’autant que le tirage de la poule était compliqué. En revanche, le calendrier des matchs était plus en leur faveur. Ca leur a permis de monter crescendo. Physiquement, je ne suis pas étonnée par leur présence. Maintenant, Il fallait savoir si la sauce allait prendre. Elles n’ont pas encore beaucoup de vécu ensemble. D’où les quelques petits soucis. Mais heureusement que c’est perfectible ! On voit un fond de jeu qui commence à se mettre en place. On sent des changements d’habitude et un vrai nouveau souffle. ?

– Les Françaises sont en quart, dernière étape vers le carré final. Qui voyez-vous pour le composer ?
La France et la Norvège, d’abord. J’aurai également avancé le Monténégro, mais le Danemark l’a sorti en huitième ! Le reste, c’est moins limpide… Je pense que le Brésil est bien. L’Espagne aussi. Le coeur espère que le Danemark a ses chances. Mais l’Allemagne a de bons arguments… Ca va être disputé?! Allez, on va dire Norvège, France, Danemark et? le Brésil ! »