Le triomphe des possibles
Le dimanche 17 décembre 2017, l’équipe de France féminine est devenue championne du monde à Hambourg (Allemagne), en dominant la Norvège par 23 à 21 (11-10). Un exploit retentissant qui permettra aux Bleues d’orner une 2e étoile sur leur maillot, 14 ans après le sacre de 2003. L’année 2017 avait débuté par le succès des garçons face à la Norvège, 12 mois après, la même affiche a de nouveau souri au Handball français grâce à ses magnifiques joueuses désormais éternelles. Les Bleues ont réalisé un triplé autant inédit que splendide après l’argent olympique de Rio et le bronze de l’Euro 2016. Une magnifique série en cours avant l’EHF EURO 2018 organisé en France du 29 novembre au 16 décembre 2018. Cette médaille remportée sous le regard bienveillant de millions de Français leur a offert une campagne de communication à leur démesure.

En s’imposant face à la Norvège, une nation quasiment invincible, l’équipe de France a bien écrit une page sublime de son histoire. Sûrement la plus belle car achevée au terme d’une finale parfaitement maîtrisée qui a séduit le monde du Handball et bien au-delà. Nos handballeuses françaises et leur coach sont entrées de plain-pied dans l’histoire du sport français. Ce succès n’est évidemment pas le fruit du hasard ou des circonstances. Il émane d’une analyse subtile : un groupe homogène avec des joueuses en pleine maturité auxquelles il manquait un ingrédient : une condition physique optimale, de bout en bout.

Ainsi dès le début de la préparation à Meudon-la-Forêt, Olivier Krumbholz a mobilisé son staff sur la nécessité absolue de bien préparer les joueuses au carré final. Une routine de récupération a été mise en place avec un objectif unique : permettre aux joueuses de disposer d’un maximum de fraîcheur pour être en mesure de mettre fin à une série de finales perdues (deux mondiales en 2009 et 2011 et une olympique en 2016). Un partie prix qui a guidé l’entraîneur pendant toute la compétition avec des temps de jeu harmonieux et pour d’autres joueuses, leur mobilisation à apporter un vrai plus, en témoigne les 2 buts dans le money-time de la finale, inscrits par la benjamine Orlane Kanor, dans sillage d’une Allison Pineau de plus en plus brillante au fil des matches. Arrivée sans aucun match disputé depuis mai dernier, la grande Ali s’est préparée avec la croyance que son heure viendrait. « Et puis quand tu regardes dans les yeux d’Allison, tu vois sa rage et cette hargne. Elle a une dimension énorme dans cette équipe, rapporte sa brillante coéquipière Laurisa Landre. Dès qu’elle te donne toute sa force et sa puissance, tu as juste envie de la suivre et de donner ton meilleur. »

La capitaine Siraba Dembélé peut exulter : les Bleues ont renversé la Norvège pour s’adjuger le titre mondial 2017. (Photo FFHandball / S.Pillaud).

Opportunes pour faire fortune
Mal embarquées lors du tour préliminaire, les Bleues ont tiré parti de toutes les opportunités pour conquérir leur 2e titre mondial.

Coup de froid sur Trèves
Favorites au dernier carré, les Bleues entament ce Mondial à Trêves à quelques encablures de la frontière. Prises à froid, les Tricolores n’ont jamais réussi à déborder une équipe slovène parfaitement menée par la Messine Ana Gros et ses 9 buts. Une défaite (23-24) qui sonnait comme une piqûre de rappel. « L’équipe de France n’existe pas sans agressivité et combativité, commentait Grace Zaadi pourtant à son aise sur ce match d’ouverture. Je suis très proche d’Ana Gros, je sais ce qu’il se passe dans leur équipe, nous ne les avons pas sous-estimées. Je n’explique pas ce non-match de notre part. » 24 heures plus tard, les vice-championnes olympiques revenaient sur le 40×20 m pour s’imposer 26 à 19 face à l’Angola, déjà largement battu cinq jours plus tôt à Metz, lors de l’ultime match de préparation. L’occasion pour certaines, et pas des moindres, de renter dans ce Mondial. « Cela fait toujours plaisir de gagner, surtout après la non prestation d’hier. Je vais parler plus de moi d’ailleurs, se confiait Alexandra Lacrabère en zone mixte. Car si l’équipe a été mauvaise, je n’ai rien fait pour l’aider à s’en sortir. Si j’avais été plus présente et plus stable au niveau des tirs, nous aurions nettement gagner ce match. Je m’en suis voulu, j’ai mal dormi, j’ai passé une sale journée. J’étais très déçue et j’ai même eu honte de moi. Je n’arrive pas à comprendre, mais le plus important est le rebond d’aujourd’hui. » Un rebond qui allait se poursuivre face à la tendre et séduisante équipe du Paraguay et une large victoire 35 à 13 après un premier acte très emprunté (14-10).

Vraiment un Clasico
France – Espagne ou l’affiche qui fait le plus saliver. Après les victoires au couteau de Rio et de Stockholm, ce nouveau duel allait s’achever sur un score nul et une énième péripétie : une égalisation (24-24) sur un jet de 7m obtenu généreusement et transformé par Carmen Martin. Un match nul qui n’indiquait rien de l’avenir des Bleues dans la compétition. Brillante face au Paraguay (9 sur 9) puis encore percutante face aux Espagnoles (5 sur 6), Manon Houette résumait : « Le sentiment est mitigé ce soir. Nous sommes contentes d’avoir retrouvé à la fois notre enthousiasme et notre agressivité. À l’inverse, les pertes de balle du départ nous coûtent très chères. Il nous manque encore un bon quart d’heure pour faire un match complet. C’est rageant mais rassurant. L’ailière était aussi prédictive : On a envie d’attaquer un huitième de finale accessible et surtout dans une dynamique positive, car si on veut être championnes du monde, il faudra bien battre les Norvégiennes à un moment ou un autre. » Et battre aussi la Roumanie pour tenter de rejoindre les huitièmes de finale en meilleure position. Les Roumaines, assurées de la 1e place, ne se sont pas livrées et la défense française n’a pas eu besoin de sévir : aucune exclusion et un succès 26 à 17. « C’est vrai que la Roumanie n’a pas joué avec toutes ses armes, mais le plus important était de se focaliser sur nous, expliquait Kalidiatou Niakaté. Et de faire le bilan de son 1e tour. Peut-être ai-je subi un peu trop de pression devant l’enjeu de ce premier championnat du monde pour moi ? Je joue de plus en plus libérée, sans me préoccuper du contexte. J’espère que cela va durer. » Dans l’attente de la fin des matches du tour préliminaire, les Bleues terminent finalement avec un but d’avance au goal-average général devant l’Espagne et une bascule dans un « bon » côté du tableau avec un France – Hongrie programmé 48h plus tard à Leipzig.

À l’issue du compétition bien mal embarquée, les Bleues ont survolé le tableau final jusqu’à la victoire finale à Hambourg. (Photo FFHandball / S.Pillaud).

La Hongrie puis le Monténégro pour atteindre Hambourg
Si Trêves présentait beaucoup d’avantages : un hôtel douillet situé à 200 m de l’aréna et son large public, le cadre de Leipzig était plus rude. La salle située était située à 30 minutes et les spectateurs n’ont jamais répondu présent. Ils ont manqué le huitième de finale maîtrisé par les Bleues face à la Hongrie. « C’est sûr que c’est le match le plus stressant de la compétition, car si on perd, il n’y a plus rien derrière, il faut vite retourner faire ses valises à l’hôtel et on se fait jeter tôt le lendemain, ironisait Olivier Krumbholz. Nous sommes donc soulagés, contents, surtout par la maîtrise que l’on a eu de ce match. Les filles ont eu la gentillesse de ne pas nous faire stresser dans les dix dernières minutes. » Un succès 29 à 26 (14-11) qui envoyait l’équipe de France en quarts de finale face au Monténégro et un niveau de jeu en nets progrès, selon le regard posé par la grande défenseuse Béatrice Edwige : « Offensivement, je ne sais pas si l’équipe de France a déjà proposé autant de jeu qu’actuellement. Je trouve cela assez génial et j’espère que l’on va encore progresser et augmenter notre intensité. » L’équipe de France allait encore faire étalage de ses savoir-faire face au Monténégro. Une défense toujours aussi imperméable et une vocation à faire déjouer l’adversité pour un 5e succès en Allemagne. « C’est vraiment chouette, on savait que cela allait être un combat de malade aujourd’hui, soufflait Camille Ayglon-Saurina. Je suis heureuse car nous nous étions fixées des choses tactiquement et nous les avons parfaitement suivi au pied de la lettre. Nous sommes en demi-finale. C’est un travail d’équipe. On continue à avancer et ce n’est pas la finalité d’être dans le dernier carré. » Pas une finalité mais tout de même une sacrée régularité après les médailles décrochées à Rio et à Göteborg en 2016.

Un carré en or
Hambourg et son atmosphère de Final Four. Un hôtel niché dans un écrin de verdure, en lisière du zoo de la ville portuaire, pour rassembler les quatre équipes prétendantes au titre. Arrivées dès le mercredi soir, les Bleues disposaient de 48h précieuses pour bâtir un plan anti-suédois. Au bout d’un match extrêmement disputé, la hargne et l’expérience faisaient plier Isabel Gullden et sa bande. Blandine Dancette, opérée des ligaments croisés au retour des J.O. de Rio et dont la carrière de Handballeuse était mise en pointillés, scellait la victoire : « Ce n’était pas la combinaison et ce qui était forcément demandé, mais le ballon est arrivé jusqu’à moi et je ne me suis pas posée de question. Nous avons galéré tout le match, nous sommes restées stables malgré tout dans nos têtes. Et en défense, nous les avons sérieusement fait déjouer. Nous sommes restés dans notre plan malgré tous les éléments extérieurs. Il faut tout de suite basculer sur la Norvège. Un autre combat nous attend. Nous n’avons plus envie de la voir sur la première marche. On a un peu envie d’y être aussi. » L’aréna de Hambourg avait assister peu avant au coup d’assommoir porté par les Norvégiennes, championnes du monde et d’Europe en titre, aux Néerlandaises, 32 à 23 ! De quoi effrayer et inquiéter le camp français déjà concentré sur la finale mondiale, la cinquième de son histoire. Devant un large parterre de journalistes, Olivier Krumbholz vise la victoire et rien d’autre. « Nous avons la défense la plus solide et nous disposons de plusieurs dispositifs défensifs : peu d’équipes affichent un tel éventail. Notre équipe possède des qualités exceptionnelles qui ne sont pas toutes exploitées. J’espère que nous allons gagner dans le domaine mental et que certaines vont sortir LE match. Il faudra aussi faire jouer les joueuses les plus fraîches et qui seront lucides. Le scénario n’est pas de faire un bon match et de mourir dans le dernier quart d’heure… Ou pire, mourir dès le premier. »

Et l’équipe de France n’est pas morte au premier, au second ni au troisième quart d’heure. Elle a attendu les derniers instants pour porter l’estocade à une équipe norvégienne décontenancée par la défense tout terrain des Bleues. Amandine Leynaud était brillante et dans le sillage d’une épatante Allison Pineau, Orlane Kanor jouait à plein son rôle de joker dans un money-time à couper le souffle des 13 000 spectateurs quasiment tous au soutien des Norvégiennes. Nora Mork et Stine Oftedal rendaient les armes devant une escouade tricolore épatante. Un match à l’image de leur compétition : application, concentration, détermination et communion. « Ce match était très difficile mentalement. C’est surtout dans la tête que l’on progressé. Je ne veux pas nous lancer de fleurs, mais nous l’avons réalisé de manière impériale. C’est trop génial. On essaie de travailler sur le fait de rester calme, car c’est un peu de l’esbroufe parfois, souriait Laurisa Landre, aussi douce dans la vie que bagarreuse sur le terrain. On donne l’impression alors qu’à l’intérieur cela bout. Lorsque nous étions à quatre, nous avons défendu comme des guerrières, et on ne prend pas de buts. Je suis trop fière de ce que l’on a fait, d’Olivier, du staff, de tout le monde en fait. »

Résultats :
Tour préliminaire : France – Slovénie : 23-24 / Angola – France : 19-26 / France – Paraguay 35-13 / Espagne – France : 25-25 / France – Roumanie : 26-17
Huitièmes de finale :
Hongrie – France : 26-29 (11-14)
Quarts de finale : France – Monténégro : 25-22
Demi-finales : Pays-Bas – Norvège : 23-32 / Suède – France : 22-24 (12-11)
Places 3 et 4 : Pays-Bas – Suède : 24-21
Finale : France – Norvège : 23-21