Autrefois pilote de chasse, Pascal Niggel est aujourd’hui un psychologue clinicien reconnu dans l’univers du sport. Il officie notamment auprès des équipes de France jeunes depuis 2018. Lors du séminaire du Projet de Performance fédéral masculin qui s’est déroulé à la Maison du Handball, du 23 au 25 juin, Pascal Niggel est intervenu pour alimenter des pistes de réflexion de la détection.

Pascal, quel est ton rôle auprès des équipes de France jeunes ?
À la demande de Pascal Bourgeais, voici deux saisons que j’interviens auprès des équipes de France U17, U19 et U21. Pour monter en puissance, il a fallu harmoniser les calendriers afin que je puisse faire connaissance avec les collectifs. Le premier objectif est de découvrir leur fonctionnement et les problématiques auxquelles ils sont confrontés. Je trouve important de travailler auprès des athlètes pendant les stages et les compétitions afin d’observer ce qu’il se passe en situation de passion. Il n’est pas toujours évident de comprendre que notre source d’information c’est le temps passé. Car le psychologue ne dispose pas de matière tangible comme le corps médical qui s’appuie sur des examens, des radios, des clichés, etc…

Quels étaient les objectifs de cette intervention auprès des responsables de pôles ?
La FFHandball s’interroge sur la méthode qui a permis à ses équipes de beaucoup gagner jusqu’à présent. À l’image d’autres fédérations, le handball est capable de former des supers athlètes. Or, les populations d’athlètes changent et il est judicieux de se questionner sur les critères de recrutement. Car un jour on envoie l’athlète sur le terrain et cela s’apparente à lancer une pièce en l’air en disant « est-ce que ça va le faire ou pas ? » Il est nécessaire de leur apprendre à être des compétiteurs en même temps que leur apprendre à être des athlètes. C’est la question de l’entraîneur, pas celle du psychologue ou du préparateur mental. Il faut nécessairement prendre en compte cet aspect très tôt dans la formation. Les entraîneurs ont la compétence et la capacité de lecture des jeunes pour déceler les moments où ils partent sur la mauvaise voie. L’idée est de démystifier le mental, de créer des modèles simplifiés et des approches accessibles à tous. Il s’agit d’éveiller une vigilance accrue sur ces processus mentaux afin de les désamorcer dès qu’ils apparaissent pour débarrasser les acteurs de leurs appréhensions. Cela n’a pas de sens qu’un gamin de 14 ans ait peur de filer au but. Si la peur existe, c’est que quelque chose ne s’est pas mis en place pendant la formation.

Dans le secteur masculin, le recours à un préparateur mental ou à un psychologue a longtemps été tabou. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Longtemps, le pragmatisme a prévalu avec des équipes qui pensaient pouvoir régler elles-mêmes les difficultés. Si un collectif, est bien construit, cela peut en effet suffire. Dans une interview récente, Dan Carter déclarait « Il y a dix ans si tu disais que tu voyais un psy, on te prenait pour un fou. Aujourd’hui, si tu n’en vois pas, on te prend pour un dingue. »
Intervenir avec humilité, discrétion et simplicité, au service du projet, facilite le contact avec les athlètes. La crainte de la trahison n’existe plus et les freins se sont libérés. La démarche est inscrite dans un processus global et on ne se refuse rien sur la méthode : des séances de travail collectives avec l’équipe, avec le staff, avec les deux, ainsi que des entretiens individuels si un besoin est identifié. J’essaie de partager l’idée que l’on peut remettre de la joie dans la pratique de compétition. Et quand ça se passe mal sur le terrain, c’est là où on va s’éclater le plus.

HGu