Camille et Coraline à la rencontre de Charlotte et Julie

Camille et Coraline sont deux jeunes arbitres régionales dont nous avions fait la connaissance dans cet article en fin de saison dernière. Elles poursuivent assidument leur formation au sein de la CTJA PIFO (1). Journalistes d’un jour, elles nous proposent une interview de Charlotte et Julie Bonaventura en amont du Tournoi Razel-Bec les 28 et 29 novembre 2015 à Paris-Coubertin.

Difficile de trouver les bonnes questions face aux stars que représentent Charlotte et Julie. Premières femmes à avoir arbitré une finale olympique, sans parler de la Ligue des Champions, de l’Euro, d’innombrables matchs internationaux, les rencontres de LFH et de LNH… Elles ont déjà répondu à de nombreuses sollicitations des médias. Mais aujourd’hui, c’est pour le compte d’Arbitrhand qu’elles se prêtent au jeu, ainsi qu’aux questions de la jeune génération…

Camille et Coraline : L’arbitrage dans le sport est encore à forte dominante masculine. Même si ça progresse lentement, comment expliquez-vous cela et voyez-vous des changements ?

Charlotte : Par rapport à l’époque où nous avons débuté, l’idée de voir arbitrer des filles passe beaucoup mieux. Je me souviens par exemple lors d’un tournoi Inter-pôles (nous avions 17 ou 18 ans), avoir été « délibérément » classées dernières avant même que la compétition n’aie commencée.
Julie : C’est clair qu’on « tiquait » plus sur nous, car les binômes féminins, ils étaient plutôt rares à l’époque (il y avait Odile et Sylvie qui ont stoppé leur carrière en 2009). On nous observait bien plus et il y avait une certaine méfiance à l’idée qu’on puisse faire aussi bien voire mieux dans nos prestations que les masculins. Il nous est arrivé d’entendre « Ah bon, on a le droit de faire arbitrer des filles ? ». Cela nous a servi dans notre parcours pour être encore plus motivées et vivre pleinement notre passion. Aujourd’hui, il y a des changements, des efforts sont faits pour le handball féminin et l’arbitrage. Nous voyons arriver d’autres binômes (Paradis/Tournant, G1 en 2015) ou encore l’ouverture des compétitions masculines internationales.

C&C – Cette spécificité féminine n’est elle pas un atout ?

C : Il se peut qu’il y ait un peu plus de respect vis à vis de nous de la part de la gente masculine. On en est quand même pas au « pouvoir de séduction » ni au point de donner notre 06 aux joueurs ! Il ne faut pas s’arrêter à ça, nous sommes là pour faire le job, on essaie de le faire le mieux possible et sans états d’âmes.
J : Sur les matchs féminins, c’est vrai que les rapports sont différents, mais ça n’influe en rien sur notre arbitrage qui doit toujours rester le même. Depuis le début de la saison nous avons arbitré très majoritairement des rencontres masculines.

C&C – Et le fait d’être jumelles ?

C : Evidemment, je n’arbitrerai avec personne d’autre. Déjà à nos débuts, on avait commencé l’arbitrage un peu grâce à ça. Il fallait diriger une rencontre dans notre club, il n’y avait personne, on nous a dit : « vous êtes jumelles, bon alors allez y ! ». C’était parti…
J : Il est vrai que notre gémellité est un plus, il y a une complicité et des automatismes « naturels », on arrive à se parler sans se parler !

C&C – Votre vie de famille et professionnelle : comment faites-vous pour vous organiser avec le hand ?

C : Ca a toujours été un peu compliqué. Nos parents s’inquiétaient de la place grandissante que prenait le Handball, il y avait les études…
J : Il a fallu coordonner tout ça et faire des choix. Nos congés sont presque entièrement consacrés à notre passion, nous essayons tout de même de garder quelques « dispos » pour nous. Pour des raisons professionnelles, il n’est pas possible non plus de ne faire que de l’arbitrage.

C&C – Revenons à l’arbitrage. Y a t’il une préparation physique spéciale, des pré-requis ?

C : Il faut être prêt pour chaque compétition. Nous avons effectivement des préparations physiques adaptées pour maintenir un bon niveau tout au long de la saison.
J : Il faut aussi maîtriser l’Anglais ! Vous venez de me dire que cette langue n’était pas votre tasse de thé. C’est pourtant indispensable à l’International car en stage ou en compétition tout se passe en anglais. Mais, je vous l’avoue, le code en Anglais n’est pas non plus mon livre de chevet !
C : Non je préfère celui que j’ai gardé depuis toute petite, il est « collector » et en noir et blanc !

C&C – Des conseils à nous donner ?

C : Essayer de jouer et arbitrer tant que vous le pouvez. Arbitrez ensemble le plus longtemps possible. La communication dans un binôme est primordiale. Tout ça vient avec les formations successives que vous aurez ainsi que l’expérience que vous allez acquérir patiemment. Faites vous confiance et surtout il faut que ça reste un plaisir !
J : On fait toujours des erreurs mais vous verrez qu’avec l’habitude des matchs, vous serez aptes à juger et gérer certaines situations. Par exemple sanctionner un joueur pour lequel plusieurs occasions se présenteront fatalement à vous ou bien éviter de rater la seule qui se présentera pour qu’il n’y ait pas de conséquences.

C&C – Ce qui vous irrite ?

C : Quand les gens mettent leur défaite sur le dos des arbitres (tous sports confondus).
J : Le respect du rôle et la fonction de chacun : les arbitres sont ouverts à la critique mais il faut que le dialogue soit constructif.

C&C – Un bon souvenir ?

C : Sans conteste les JO de Londres. Une belle expérience dans une ambiance extraordinaire.
J : Oui, nous avions eu le privilège d’arbitrer beaucoup de rencontres (5 en tout il me semble), dont une rencontre masculine Serbie – Corée du Sud et la finale féminine entre la Norvège et le Monténégro.

C&C – Une anecdote ?

C : Je vous ai dit plus haut que l’anglais était indispensable, mais c’est parfois insuffisant. Je me souviens d’un match et d’un joueur passablement énervé m’ayant crié dessus en Croate, je crois. Ni une ni deux, j’ai sorti le rouge. A la fin de la rencontre, il vient me voir pour s’excuser et me demande (cette fois en anglais) comment je connaissais sa langue maternelle ? Je lui ai répondu avec sérieux que j’avais quelques notions et que cette insulte était l’une des plus connues (vous y croyez ?…).

C&C – L’actualité ?

C et J : Le Razel Bec d’abord et les championnats du Monde féminins au Danemark de décembre, puis 2016…

C&C : Un grand merci à Charlotte et Julie pour leur disponibilité et ces bons moments passés ensemble, ainsi qu’à nos « accompagnateurs » du jour : Alexandra, Laurence, Thomas et Philippe. Bonne année 2016 à tous.

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Charlotte et Julie Bonaventura, parcours rapide :

  • Naissance à Marseille,
  • Débutent le Hand vers 8 ans à Aubagne,
  • Commencent leur formation d’arbitres à 14 ans ,
  • Vers 23 ans, elles font le choix de ne se consacrer qu’à l’arbitrage,
  • Gravissent tous les échelons un par un, atteignent le groupe 1 en 2007, EHF 2004, IHF en 2008,
  • Sont désormais incontournables et appelées sur toutes les compétitions LFH, LNH, LDC, CAN, CE, CM, JO…

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(1) Commission Territoriale des Jeunes Arbitres de la Ligue Paris Ile de France Ouest.

(2) Compétition de préparation de l’équipe de France féminine aux Mondiaux du Danemark (5 au 20/12), en compagnie des équipes de Roumanie, République Tchèque et Cuba.

Post-scriptum : Cette article a été validé tardivement du fait du planning très chargé de Charlotte et Julie et des fêtes de d’année… Mais le voici enfin !, merci pour votre compréhension…