Dans exactement 43 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Huitième épisode avec « Haile les filles ! ».

SYDNEY 2000 – FEMMES

Haile les filles !

C’étaient des Jeux verts, des Jeux joyeux, les Jeux de Maurice Green et Marion Jones, de Cathy Freeman, bien sûr. Ceux de Ian Thorpe, de David Douillet, le porte-drapeau tricolore, de Brahim Asloum et Tony Estanguet.

Érigé sur des friches industrielles, construit en matériaux recyclables, le village olympique couvrait 90 hectares aux abords de Homebush Bay, à l’ouest de Sydney. Il fonctionnait à l’énergie solaire, recyclait l’eau de pluie, et tout avait été pensé pour que les athlètes s’y sentent comme chez eux. Les Jeux de l’inclusion et de la responsabilité environnementale disaient-ils…

C’étaient bien sûr les Jeux d’Haile Gebrselassie, l’enfant d’Assella, au sourire permanent et la gentillesse imperturbable. Le 25 septembre, le coureur éthiopien se jette sur la ligne et devance Paul Tergat et Assefa Mezgebu à l’arrivée du 10 000 mètres. Il est le quatrième athlète à remporter deux titres olympiques sur la distance.

Haile Gebrselassie a vingt-sept ans. L’avant-veille de la cérémonie d’ouverture, le film « Endurance », qui retrace sa vie, est sorti sur les écrans. On le voit courir pour aller à l’école, chercher de l’eau, à trois heures de sa maison, pour travailler aux champs.

Ce même jour, ou peut-être le lendemain, Olivier Krumbholz emmène ses filles à un décrassage sur l’anneau en herbe, là-bas, près de Powells Creek, l’un des affluents de la rivière Paramatta. Séance tranquille. Jusqu’à ce que les filles aperçoivent Haile Gebrselassie en bout de ligne droite. Sa silhouette fluette est lancée dans une course en apesanteur. Raphaëlle Tervel est fan de l’Ethiopien. « J’ai toujours aimé sa manière de courir, l’aura qu’il dégage, confirme-t-elle. Mon frère, à cette époque-là, courait beaucoup et je m’intéressais à la discipline et à la carrière de Gebrselassie. » Les filles trottinent toujours derrière l’aura lumineuse de Gebrselassie. Et puis une idée folle passe par la tête de deux d’entre-elles. Nodjialem Myaro et Raphaëlle Tervel décident de le suivre. « D’essayer de le suivre », corrige Nodjialem Myaro. « Nous nous sommes calées dans son sillage, se souvient Raphaëlle Tervel, et il a commencé à accélérer un peu. On a accéléré nous aussi. Mais il paraissait tellement facile… »

Nodjialem Myaro pense que le manège a duré « un ou deux tours »« Nous avons échangé des sourires, se remémore-t-elle, il a bien vu que l’on essayait de suivre son allure. Nous étions prêtes à nous cramer physiquement pour l’accompagner le plus loin possible. Au bout d’un moment, nous n’en pouvions vraiment plus. Nous avons renoncé. Et lui s’est mis à courir, à voler. Ces tours que nous avions partagés étaient juste des tours d’échauffement ! »

Les deux joueuses et leurs coéquipières avaient alors « des étoiles dans les yeux » comme le résume Nodjialem Myaro. « C’étaient nos premiers Jeux, dit-elle, il y avait un côté un peu fan. Nous avons fait des photos, je crois. »

Plus tard, quand le rideau est tombé sur ces Jeux, comme il est de coutume, les athlètes ont cherché à échanger quelques pièces de leur trousseau« Je suis partie du côté de la délégation éthiopienne en espérant le croiser, sourit Raphaëlle Tervel. Je ne l’ai pas vu. Mais j’ai quand même troqué un tee-shirt avec une athlète éthiopienne. Je l’ai encore dans une malle à la maison. »