Dans exactement 47 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Quatrième épisode avec « Trois fois rien ».

SYDNEY 2000 – FEMMES

Trois fois rien

Aucune n’a retenu les mots exacts d’Olivier Krumbholz dans le vestiaire à la mi-temps. Sans doute a-t-il grondé. Cherché à stimuler. Amender. « Il était démuni, croit se souvenir Leila Lejeune, comme nous toutes. » Dimanche 17 septembre 2000 au Dome and exhibition Complex Olympik Park de Sydney.

Il est 21h30, 11h30 à Paris. Les filles de France disputent le premier match de leur histoire olympique face à la Corée du Sud. Leila Lejeune, à neuf mètres, plante la première banderille. Jan Boye, l’arbitre danois, valide le premier but d’une joueuse française aux Jeux. Neuf mois après la mise au monde de l’équipe à Lillehammer, l’aventure semble démarrer sous de jolis auspices. Elle vire au cauchemar. Les Coréennes sont insaisissables. Insolentes de réussite. Lee Sang-Eun récite un handball raffiné. A la pause, elles ont déjà inscrit quinze buts. Contre à peine trois à des Françaises déboussolées. « Tout allait trop vite, raconte Isabelle Wendling, nous étions totalement à l’ouest sur leurs un contre un. Comme si elles jouaient en accéléré. Elles pratiquaient surtout un handball que nous ne connaissions pas. » Il ne s’agissait alors, c’est vrai, que de la deuxième confrontation entre les deux formations après celle de 1986 à Groningen (11-27). « À la limite, nous les regardions jouer tellement c’était beau, insiste Leila Lejeune. Je n’avais jamais vu des tirs comme ceux-là. Elles avaient des savoir-faire techniques rares, leurs inductions étaient à montrer dans toutes les écoles. »

Véronique Pecqueux-Rolland a inscrit le deuxième but, celui du 2-6, sur une passe de Leila Lejeune qui a ensuite fait passer le score à 3-12. « Je ne me souviens plus très bien du scénario, concède la Réunionnaise, juste de la douleur, de l’immense frustration. »

Démarrée par un 5-0, la deuxième période raconte un sursaut (18-25). Mais l’entame est loupée, fâcheuse. « C’est vrai que nous ne connaissions pas les Coréennes, admet Sandrine Delerce, que nous ne disposions alors d’aucune image et que les affronter en début de compétition, quand elles avaient le feu, ne jouait pas en notre faveur. Mais c’est vrai aussi que nous avions abordé ce Tournoi un peu hagardes, avec notamment une gestion du décalage horaire catastrophique. »

Quarante-huit heures après avoir atterri sur le sol australien, Sonia Cendier s’était écroulée à l’entraînement et Véronique Pecqueux-Rolland avait dû mettre un terme prématuré à la séance. « Physiologiquement, justifie Leila Lejeune, c’était super dur. » « J’avais eu énormément de mal à gérer mon sommeil », ajoute Sandrine Delerce. 

À gérer ces premiers Jeux. La vie au village, l’effervescence, la promiscuité. « C’était une sphère que nous ne connaissions pas, plaide Sandrine Delerce, une valse médiatique à laquelle nous n’étions pas préparées. Et puis dans la semaine avant l’ouverture, des tensions, des crispations étaient nées dans l’équipe. Humainement, ces Jeux ont été difficiles. Je crois même que quelque chose s’est cassé entre nous. » « Je me souviens d’une scission, c’est vrai, appuie Leila Lejeune, avec même des traitements de faveur et des incompréhensions. » Il n’a pourtant rien manqué aux Françaises dans la prolongation du quart de finale face au Danemark (26-28). Ou alors un peu de sérénité. D’insouciance.