Dans exactement 25 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 26e épisode avec « un brutal réquisitoire ».

SYDNEY – HOMMES
Un brutal réquisitoire

Le poids de ses mots, prononcés un soir d’hiver, quelques jours avant l’ouverture du Mondial en France, dans l’hôtel Campanile de Roissy-Charles-de-Gaulle, rappelle toute la violence de la déflagration de Sydney. « Moi, je suis mort à Sydney, et c’est vous qui m’avez tué. »

Daniel Costantini a toujours eu le sens de la formule et sa punchline est légitimée par les dissensions nées au cours de cette aventure olympique belliqueuse, attisées par cette fameuse réunion provoquée au surlendemain du revers en quart de finale face à la Yougoslavie. « Au départ, éclaire le sélectionneur, je voulais juste que l’on débriefe sur les raisons technico-tactiques de la défaite. C’était la première fois que je procédais à un tel exercice, j’avais plutôt habitué les joueurs à mes fameux monologues. »

Sydney est une douleur profonde. Un traumatisme. Face à la Yougoslavie, l’équipe manque de combativité, de solidarité. L’échec exhausse les tensions entre les joueurs et leur coach.

L’audience solennelle se déroule le 28 septembre dans la salle de vie du cantonnement olympique. Daniel Costantini entame le débat ainsi : « j’aimerais que vous vous exprimiez. » Il ne croit pas si bien dire… Un à un, ses hommes affichent le décalage qu’ils ont parfois ressenti au long de la compétition, étalent les griefs, énumèrent les différends. « Et puis vient le tour de Marc Wiltberger, raconte Daniel Costantini, qui développe un vaste réquisitoire qu’il a pris le temps de coucher sur un carnet de notes. Les autres, un peu abasourdis ou alors excités par le fait que quelqu’un puisse m’égratigner aussi ouvertement, ne réagissent pas à son argumentaire. Je me décide assez vite à arrêter la réunion. »

Philippe Bana, alors DTN, fait de son mieux pour apaiser les esprits. Mais le fort vent de contestation efface les ultimes points d’équilibre. « Il m’apparaît alors impensable de continuer à entraîner une telle équipe. »

Il l’accompagnera quelques semaines encore. Jusqu’au crépuscule du 4 février. Comme il l’a promis ce 3 janvier dans la pièce sombre d’un hôtel de banlieue. Cette promesse marque un tournant, sans doute le point de départ de la fabuleuse épopée. Les autres mots de Daniel Costantini, ce soir-là, disaient à-peu-près ceci : « Je n’ai plus d’avenir. Après ce Mondial, je n’exercerai plus jamais cette fonction. Je ne serai plus jamais la cause de vos succès ou de vos échecs. Le combat qui vous attend n’est déjà plus le mien, c’est uniquement le vôtre. Vous avez un bel avenir à bâtir et, si vous le voulez, je peux vous aider à en assurer les fondements. Alors, pour ce Mondial, je me mets à votre entière disposition. »