Dans exactement 29 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. Vingtième-deux épisode avec « L’absence du père ».

SYDNEY – HOMMES
L’absence du père

Mercredi 20 septembre 2000, au cinquième jour des Jeux. Les Bleus viennent de museler l’Espagne dans le pavillon 2 de l’Exhibition Complex (25-23). L’artère vers les quarts de finale semble dégagée. « Je suis alors dans un état de félicité totale, confie Daniel Costantini. Mais juste derrière, mon amie me téléphone et m’annonce que mon papa est mort. Ce deuil cruel, la perte du père, c’est terrible, et ça m’arrive au plus mauvais moment. »

Philippe Bana, le directeur technique national, lui propose de rentrer à Marseille au soutien de sa famille. Le sélectionneur refuse d’abandonner sa mission. « J’ai toujours eu un système de fonctionnement un peu solitaire, justifie-t-ilet je ne pouvais pas dire à mon adjoint, Michel Barbot : je te laisse manager seul pendant quatre jours, question d’intégrité professionnelle. Mais je n’étais alors plus moi-même. J’ai voulu faire semblant, mais j’étais plus impacté que je ne voulais bien l’admettre. »

A Sydney, Daniel Costantini avait choisi du vivre seul, dans un Algeco de 6m2, un peu à l’écart des beaux pavillons de Homebush Bay. La disparition de cet homme autoritaire, porteur de grandes valeurs morales, l’affecte évidemment au plus profond de son être. « J’ai pris conscience, dit-il, plus tard, de la place que je tenais dans sa vie, de la fierté et de l’amour qu’il me portait. Des sentiments qu’il n’a jamais su exprimer, autant de reconnaissance que je n’ai pu lui manifester. » Daniel Costantini et son père, c’est vrai, ont mis longtemps à communiquer. « Lui était le garant du respect des valeurs, moi le fils prodigue, résume-t-il, surtout soucieux de liberté et d’autonomie. »

À Sydney, ce désordre affectif bouscule ses repères, déchire même, peut-être, ses certitudes. Seuls Michel Barbot, Philippe Bana et le médecin Jean-Pierre Roattino sont informés. Les joueurs ne l’apprendront que plus tard. Le 26 septembre, les champions du monde de Reykjavik s’inclinent face à la Yougoslavie en quart de finale (21-26). « Le décès de mon père est déterminant par rapport à notre contre-performance, assure-t-il. Je suis resté à mon poste parce que je pensais que c’était mon devoir. J’ai toujours voulu sacraliser mon métier. J’ai donc laissé ma mère et ma sœur porter mon père en terre. Joëlle, ma compagne, s’y est associée à ma place. Moi, je n’étais pas là. Aujourd’hui, si c’était à refaire, j’agirais autrement. »