Dans exactement 10 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 40e épisode avec « Turbulences en haute altitude. »
ATLANTA 1996 – HOMMES
Turbulences en haute altitude
L’illusion est encore troublante quand les derniers membres d’une délégation qui comptait 309 sportifs au départ déambulent dans les couloirs du Hall F de l’aéroport international Hartsfield-Jackson. Dans leurs costumes de lin et de coton un peu fripés, les athlètes français s’apprêtent à embarquer à bord de l’Airbus A 320 à destination de Paris Charles-de-Gaulle et l’ambiance badine illustre des Jeux réussis avec ces 37 médailles glanées, dont 15 en or, un record dans l’ère moderne.
C’est un lundi au petit matin. Le 5 août 1996. Les handballeurs français sont un peu à l’écart, la mine grise. L’âme des Barjots s’est éteinte en demi-finale face à la Croatie et ils n’ont pas le coeur aux agapes. Ils semblent d’ailleurs comme anonymes au milieu des 157 passagers qui s’apprêtent à décoller.
Ces neuf heures de vol vers Roissy ont le goût des fins de colonies et des saveurs bigarrées. Certains ont envie de s’enfoncer dans leur siège et de sommeiller. D’autres d’étirer encore l’épopée. On les devine un brin dissipés, pas complètement polissons. Jusqu’à ce premier pétard tiré au décollage. « En fait, raconte Frédéric Volle, nous avons trouvé sur chacun de nos sièges la presse du jour en Français. Dont le quotidien l’Equipe qui n’était pas le plus tendre à notre égard. Le titre disait : « appelez-les les Charlots ». L’effet a été immédiat. On s’est mis à froisser tous les journaux, les déchirer et à les jeter un peu partout, de rage. »
Ce fut le signal d’une tornade imminente. Les hommes de Daniel Costantini n’ont jamais vraiment été eux-mêmes à Atlanta. Jamais sur la même longueur d’ondes. Jamais vraiment Barjots. « On avait essayé de mettre un peu le bordel au début du tournoi, explique Volle, mais on s’était fait sermonner par les flics. Au final, il n’y a eu aucune ambiance cet été-là. Tout était insipide. »
L’avion a maintenant atteint sa vitesse de croisière et la kermesse a gagné tous les rangs de la classe économique. Les médaillés d’or, eux, sont installés en première classe dans le sillage massif de David Douillet. « Les autres athlètes ont trouvé les médias durs avec nous, se souvient Denis Lathoud. Alors ils ont soutenu nos revendications en confectionnant à leur tour des ballons de handball avec les journaux. A partir de là, ça s’est mis à tirer dans tous les sens. Comme une balle au prisonnier. Ou alors un vrai match de handball. Sans le vouloir, on a assuré la promotion de la discipline ! Ensuite, la cabine s’est transformée en discothèque, ou alors en soirée mousse sans mousse. »
« La moitié des passagers avait beaucoup picolé, reprend Frédéric Volle. À l’aller, personne ne se connaissait vraiment, mais là, nous étions comme des amis pour la vie et nous avons chanté et refait le monde. »