Dans exactement 2 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 48e épisode avec « La déchirure enfin guérie ».
TOKYO 2020
La déchirure enfin guérie
1812 jours se sont écoulés mais la plaie s’est à peine refermée. Valentin Porte n’a jamais digéré l’épisode de l’Arena do Futuro. Il allait être champion olympique. Un 4-0 avait remis les Bleus dans le sens de la marche. Il ne restait qu’à bien gérer le money-time. Tenir. S’accrocher. Oser.
Il se souvient de tout. De ce plongeon désespéré pour détourner un tir d’Henrik Toft Hansen dans le but vide à la dernière seconde du premier acte. Du but de Mads Mensah. Du podium. Le sourire de Niklas Landin. Le bonheur danois. Le titre de meilleur arrière droit. Il se souvient du jour d’après. Du suivant. Du chagrin. De l’amertume.
Valentin Porte a très peu joué dans la première mi-temps de cette nouvelle finale face au Danemark. Revanche enivrante. Guillaume Gille le lance dès le retour du vestiaire, là-bas, à l’aile droite, dans le silence assourdissant du Yogogi Stadium.
Trente-six secondes lui sont nécessaires pour se jouer de Landin. Molesté, dos au jeu, Luka Karabatic a la présence d’esprit de lui offrir cette exquise offrande. Premier avantage de +5. On joue maintenant depuis cinq grosses minutes lorsqu’il se décide à abandonner son coin pour jouer les gros bras au centre de l’attaque. Il devine un intervalle entre les deux Henrik, Mollgaard et Toft Hansen. Il s’y engouffre, façon déménageur. Mollgaard est surpris. Battu. Il use d’un moyen illicite pour tenter de le désarçonner. « Je veux croiser mon tir parce que je sais que Landin m’attend premier poteau, dit-il, mais dans la chute, je n’ai pas le temps de me rééquilibrer. »
Le ballon touche le coude droit de Landin et rentre dans la cage, sous la barre. Troisième avantage de +6. Le dernier. Tous les Bleus ont déjà regagné leur camp pour empêcher l’engagement rapide. Tous sauf Valentin Porte, cloué au sol, la main sur sa hanche droite, moue angoissante. « J’ai tout de suite su que quelque chose n’allait pas et que je ne reviendrais sans doute pas sur le parquet, confesse-t-il aujourd’hui, mais le paradoxe, c’est que j’ai surtout le souvenir que nous étions bien, qu’il n’y avait alors aucune raison de s’affoler. »
Sauf que les Danois reviennent vite à -4. Puis à -3 à la 46e minute. Derrière le banc, Valentin Porte suit les conseils de Pierre Sébastien mais grimace et fronce les sourcils. Il trottine. Soulage la douleur avec une poche de glace. « C’est là que j’ai commencé à ressentir une impression étrange, dit-il. Je me suis dit : non, ça ne va pas recommencer. Je n’étais plus là, je n’étais d’aucune utilité, et l’écart fondait. »
Il n’est plus que d’un but à la 49e minute. Mathias Gidsel et l’inimitable Mikkel Hansen ont fait des misères aux Français. Toujours d’un but à la 59e. Les hommes de Nikolaj Jacobsen sont à deux doigts de récidiver. Mais la leçon, cette fois, est retenue. La main de Luka Karabatic sonne la délivrance. Les larmes dévalent à nouveau sur les joues creusées de Valentin Porte. On le sent submergé par les émotions et la confusion des sentiments. Heureux bien sûr. Soulagé. Plus tard, les examens révèleront une double déchirure abdominale. Sept à huit semaines d’absence. Il en aurait fallu nettement plus pour soigner une déchirure d’un tout autre genre…