Dans exactement 8 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 43e épisode avec « L’argent à bout de bras. »

Rio 2016
L’argent à bout de bras

Il est 15h30 à Rio, 20h30 en France. Les Bleues sont à la peine. Un peu empotées, beaucoup étourdies. Polina Kuznetsova manoeuvre à sa guise. Anna Vyakhireva, MVP du tournoi, exploite le moindre intervalle quand Tatiana Erokhina dévore toutes les tireuses françaises. 11-14. Avantage logique pour des Russes bien mieux installées dans cette finale.

Le chronomètre marque 41’28 lorsque Siraba Dembele déborde Marina Sudakova sur son aile gauche. Son tir heurte le premier poteau et Gnonsiane Niombla, à l’opposé, est plus prompte qu’Olga Akopian pour se saisir du ballon. Alexandra Lacrabère a tout compris. Elle fleure l’intervalle entre Polina Kuznetsova et Daria Dmitrieva. S’engouffre. La passe au rebond semble lui permettre de se retrouver en position favorable. Sauf que Dmitrieva la fauche en plein vol. La chute est lourde. Projetée au sol, la Béarnaise se tient immédiatement le coude. Sa grimace n’augure rien de bon.

Freinée par une blessure à la cheville pendant la préparation, Alexandra Lacrabère vit une quinzaine de rêve à Rio. Elle est la joueuse la plus utilisée par Olivier Krumbholz après Allison Pineau. La meilleure marqueuse française. 46 buts à 5,8 de moyenne et à 62,2% de réussite. L’une des meilleures passeuses aussi. Elle illumine le 40×20 de son sourire, de chacune de ses inspirations. C’est peut-être la meilleure compétition de sa vie et sa place dans la « All Star Team » n’est évidemment pas usurpée.

Alexandra Lacrabère adore jouer contre les Russes face auxquelles elle a d’ailleurs débuté sa carrière à l’Euro 2006. En match de poule, quelques jours plus tôt, elle a converti 11 de ses 13 tentatives. Au Mondial 2011, elle avait terminé meilleure marqueuse du quart de finale, et avait même fait basculer la finale de l’Euro 2018 à Bercy en inscrivant six buts, dont les trois derniers de ce duel suffocant. « Les Russes représentent pour moi, au même titre que la Norvège d’ailleurs, une forme d’excellence, justifie-t-elle. Leur jeu est rude, total, et on doit absolument se transcender pour rivaliser, et j’aime ça. »

Camille Ayglon et Laurissa Landre se précipitent aux nouvelles. La réaction de la gauchère les inquiète un peu. Gérard Juin et Annick Le Naour sont maintenant à son chevet. « Sur le coup, dit-elle, je n’ai pas trop compris ce qui m’arrivait. La douleur était hyper vive, dans le bras, l’épaule qui avait été opérée l’année d’avant. J’ai tout de suite compris que ma finale était terminée et j’ai ressenti une énorme frustration sur le coup. »

Elle n’était pas totalement dans son assiette au moment du choc, n’avait converti aucune de ses quatre tentatives sur le champ, seulement ses deux jets à sept mètres. Mais on la sentait capable de peser à nouveau, pourquoi pas de semer le doute. D’être utile, en défense, dans la transmission, fixer et donner, peser, encore et toujours…

Depuis le banc, le bras en écharpe, elle a bien cru que ce match allait finir par tourner. Siraba Dembele et Allison Pineau à deux reprises ont provoqué un ultime rapproché (14-14, 46e). Mais les Bleues n’avaient plus la force. Plus de ressources. « Les Russes méritent amplement leur victoire, concède-t-elle. Nous avons buté sur leur gardienne. Mais nous sommes tout de même fières du parcours que nous avons réalisé. »