Dans exactement 14 semaines, s’ouvriront les Jeux de Paris 2024 et l’entrée en lice des équipes de France championnes olympiques en titre. Avec les 50 nuances de Jeux, nous désirons vous faire revivre, chaque semaine, les épopées de l’équipe de France au travers de huit olympiades, de Barcelone 92 avec la première médaille décrochée par les Bronzés de Daniel Costantini, jusqu’à Tokyo où les deux collectifs se sont parés d’or. Des histoires singulières, des anecdotes, des portraits, des coups d’arrêts aussi où pendant trois éditions (1996, 2000 et 2004), le handball français rongeait son frein pour mieux briller à Pékin et à Tokyo, en passant par Londres et Rio. 37e épisode avec « L’état de Grâce. »
TOKYO 2020 – FEMMES
L’état de Grâce
Elle ne le sait pas encore, mais c’est un acte sacré qu’elle s’apprête à poser. Lorsqu’elle se présente sur cette ligne blanche d’à peine un mètre, Grâce Zaadi-Deuna pense seulement à inscrire son cinquième jet à sept mètres, son dixième buts sur douze tentatives, elle pense à valider un succès que la Hongrie, finalement, n’a jamais vraiment contesté avant ce money-time angoissant.
29-28. Quarante-cinq secondes à jouer. Elle marque et l’équipe de France est quasiment assurée de l’emporter. Elle gâche et Petra Vamos et ses copines peuvent encore entraver la marche dorée. Elle ne le sait pas encore, non, mais sans ce succès haché du premier jour tokyoïte, l’équipe de France aurait pu ne jamais franchir cette marche initiale. Dans ce groupe B, en effet, elle a longtemps vacillé avant d’arracher son sésame pour le quart de finale. L’Espagne l’a d’abord étouffée (25-28), puis la Suède (28-28) et la Russie (27-28) l’ont condamnée à assujettir d’étonnantes Brésiliennes (29-22) un lundi soir ordinaire au Yoyogi National Stadium. « L’histoire, oui, concède Olivier Krumbholz, aurait pu s’écrire différemment sans cette victoire, mais notre attitude dans les matches suivants auraient sans doute été différentes aussi. »
Avant ce jet à sept mètres, la meneuse de jeu, pas encore désignée meilleure demi-centre de ce tournoi, a donc été divine en dépit de quelques étourderies. Neuf buts à 82% de réussite, trois passes décisives, mais cinq ballons égarés dans ce souci permanent de donner du sens et de la vie au jeu. Dont celui du +3, à une minute trente secondes du terme, intercepté puis converti en but par Greta Marton. Alors, quand elle a vu que la grosse faute de Katrin-Gitta Klujber sur Méline Nocandy avait justement été sanctionnée par Mads Hansen et Jesper Madsen, les arbitres danois, elle ne s’est pas fait prier pour expier son pêché de gourmandise. « Très sincèrement, sourit-elle, je n’ai pas de souvenir précis de ce moment-là. Je garde évidemment en tête d’autres images de ces Jeux. Je sais juste que nous avions livré un match accompli, que pour ma part, je m’étais vite senti en jambes, bien dans le rythme, que j’avais inscrit pas mal de buts. Et si je suis venu tirer ce jet à sept mètres, c’est que la responsabilité m’incombait, tout simplement. »
Ce but de Szandra Szollosi-Zacsik vingt-six secondes avant la délivrance ne change rien. Les Bleus s’imposent (30-29), triomphe modeste mais déterminant. Elles ne le savent pas encore, elles non plus, mais elles vont donc vivre des lendemains ombrageux après ce sept mètres d’importance, puiser dans leurs réserves pour s’offrir, quinze jours plus tard, la plus merveilleuse des délivrances.