Arrivé cet été à Bucarest en provenance de la Bundesliga (Kiel puis Stuttgart), Samir Bellahcene découvre le championnat roumain, aux côtés de Tom Pelayo qui a aussi rejoint le club engagé en ligue des champions. Champion d’Europe 2024 avec les Bleus, le gardien se confie : il a décidé de se retirer de l’équipe de France.

Comment s’est passée ton installation en Roumanie à partir de fin juin ?

Le premier contact s’est fait début juin. J’ai pu venir à la fin de la saison en Allemagne pour visiter directement le club et les installations. J’ai été super bien accueilli. C’était la première fois que je venais en Roumanie, je n’y avais jamais joué auparavant. J’ai été agréablement surpris par le pays et par la ville. Les gens sont très accueillants, il y a une ambiance méditerranéenne qui me rappelait un peu le sud de la France, de beaux souvenirs. Franchement, je me sens bien ici.

Et tes premiers pas avec le club ?

Il y a pas mal de nouveaux joueurs et un nouveau coach que j’avais déjà croisé avec l’équipe de France face à la sélection du Portugal, Paulo Pereira. La préparation s’est très bien déroulée. Je ne suis pas arrivé seul : j’ai retrouvé d’anciens coéquipiers comme Haniel Langaro et Tom Pelayo. Ça aide, je ne suis pas arrivé pas en terrain inconnu.

Comment fonctionne la rotation entre les trois gardiens ?

Nous sommes en effet trois gardiens : le Roumain Vladimir Chupara, Ionut Iancu et moi. Le premier est Roumain. On tourne à trois entre le championnat et la Ligue des Champions. Le temps de jeu est partagé et l’entente est bonne.

Si on jette un regard dans le rétroviseur, ton passage en Allemagne a été marqué par Kiel, l’un des plus grands clubs d’Europe, puis à Stuttgart, un club qui lutte pour se maintenir en Bundesliga. Qu’est-ce que tu retires de ces expériences, sur le plan humain et sportif ?

J’essaie d’en retirer uniquement du positif. Cela représente beaucoup d’apprentissages en deux ans, avec l’impression d’avoir pris six ans d’expérience en accéléré. L’Allemagne était un rêve pour moi, j’ai adoré ce passage, que ce soit à Kiel ou Stuttgart, et toutes les rencontres que j’ai pu faire.

Le rythme de la Bundesliga n’est donc pas une légende…

On m’avait prévenu du rythme très élevé du championnat allemand, et je l’ai vraiment constaté après les Jeux, où la reprise avait été dure avec peu de repos. Enchaîner avec ce rythme, c’était compliqué. Je pense que je n’étais pas totalement prêt à ça, mentalement comme physiquement. Mais j’ai énormément appris. Deux ans, c’était le bon timing, je n’aurais pas pu faire plus.

Comment vois-tu ton arrivée à Bucarest ? Comme un rebond ?

Oui, ça a été un choix réfléchi pour plusieurs raisons. La priorité était de retrouver la Ligue des Champions, et le Dynamo s’est manifesté très vite. C’était une super opportunité. Il y avait aussi des raisons personnelles : j’avais besoin de plus de temps pour moi et ma famille, après des changements dans ma vie privée. Le championnat roumain est moins dense, ce qui me permet de souffler tout en continuant à travailler intensément à l’entraînement. Ce nouvel équilibre me fait du bien.

La saison dernière a aussi été marquée par le Mondial avec l’équipe de France, où tu as été blessé dès le tour préliminaire. Comment as-tu vécu ça ?

L’année dernière a été très compliquée, autant dans la tête que physiquement. L’enchaînement après les JO, la reprise rapide en club, les soucis personnels… tout ça a pesé. Au Mondial, je me blesse rapidement, mais malgré ça, l’aventure reste belle. Je suis content que l’équipe ait remporté une médaille. C’est aussi ce qui m’a poussé à chercher un rythme plus adapté, moins chargé.

La nouvelle saison commence, avec des échéances en équipe de France, notamment en octobre. Comment te projettes-tu ?

Après une longue réflexion avec le staff et notamment avec Gino (NDLR : Guillaume Gille) qui m’a beaucoup accompagné, j’ai pris la décision de me retirer de l’équipe de France. C’est un choix personnel et familial, car j’ai besoin de plus de temps pour ma famille.

Quand tu as pris ta décision, comment l’as-tu annoncé à tes coéquipiers ?

Oui, bien sûr. J’ai annoncé ma décision aux joueurs présents lors du stage, même si beaucoup de cadres étaient au repos. Ensuite, j’ai appelé presque tout le groupe au téléphone pour en parler directement. Je sais que je les recroiserai en Ligue des Champions, mais je tenais à échanger avec eux un par un. J’ai eu la chance d’évoluer dans une superbe génération et de vivre des expériences extraordinaires. Mais à ce moment de ma carrière, j’ai besoin de ce temps.

Même si tu l’avais annoncé lors du stage en mai, Gino t’a-t-il laissé l’été pour bien peser ta décision ?

Exactement. J’ai beaucoup réfléchi cet été. Mon arrivée à Bucarest a renforcé ce choix : j’ai trouvé un cadre stable, un rythme de vie qui me convient, sur et en dehors du terrain. Ça me rappelle ce que j’avais vécu à Dunkerque, où je performais le plus. C’est une décision mûrement réfléchie, dans le prolongement du dernier stage en mai dernier. Pour moi, c’est le bon choix, même si j’ai adoré vivre ces deux années avec l’équipe de France.

Avec l’équipe de France, tu as vécu trois compétitions majeures. Quel regard portes-tu dessus ?

C’était une expérience incroyable pour moi. J’ai eu la chance de participer à l’Euro, de gagner un titre, de vivre les Jeux olympiques de l’intérieur – un rêve d’enfant – et de découvrir aussi le Mondial, même si j’ai dû quitter la compétition rapidement. J’ai pu voir les différences d’organisation, l’intensité de ces événements… Franchement, j’en suis sorti très enrichi.

Te sens-tu privilégié d’avoir vécu ce condensé en seulement deux saisons ?

J’ai eu la chance de vivre ça avec une génération de mecs formidables. Même si j’ai traversé des moments compliqués, avec un peu de recul je me rends compte à quel point je suis privilégié. Tout le monde n’accède pas à l’équipe de France, tout le monde ne gagne pas de titre. Moi, en seulement deux ans, j’ai eu cette trajectoire. Je mesure ma chance, et ça restera une fierté à vie.