Dans le cadre de la Journée internationale du sport féminin, Edina Borsos, entraîneure de l’équipe du Saint-Amand Handball et de l’équipe américaine féminine de handball est revenue sur son parcours.

Peux-tu nous raconter ton parcours et ton choix de venir entraîner en France ?

Je suis Hongroise, venant d’une famille de sportifs, mes parents étaient profs de gym, et il y avait beaucoup de handballeurs dans mon entourage. J’ai été joueuse de handball de haut niveau et j’ai eu l’honneur de jouer en équipe de Hongrie. Mon mari, lui aussi joueur professionnel, et moi, sommes arrivés à Nîmes. Cela a marqué le début d’une période magique où nous avons pleinement plongé dans l’univers du handball français. J’ai retrouvé des clubs en France, j’ai beaucoup aimé l’accueil, j’ai reçu beaucoup de gentillesse, de bonnes intentions, mais je ne parlais pas du tout la langue. J’ai continué à jouer dans différents clubs proches de là où mon mari évoluait : Nîmes, Cergy Pontoise, La Motte Servolex. À chaque changement de club et nouveau défi, nous avons tiré beaucoup de positif. Finalement, nous nous sommes installés en Savoie. En 1997, j’ai commencé à entraîner tout en travaillant pour le Comité de Savoie. Avec mes collègues, les bénévoles et sous l’impulsion de Jean-Charles Bouillot, alors président, nous avons créé de nombreuses initiatives : l’École Savoyarde d’Entraîneurs, des stages d’été « Champions du monde » avec la participation de Philippe Gardent, Laurent Munier, Thierry Perreux, Fred Volle, aussi des stages pour arbitres et gardiens de but, et bien d’autres encore. Mon travail était bien plus qu’un métier : c’était une véritable passion. Et mon entourage est rapidement devenu ma grande famille.

En 2000, l’appel d’Olivier Krumbholz et l’opportunité de rejoindre son staff m’ont permis de renouer avec le handball international. Je lui en serai toujours reconnaissante, ainsi qu’à la fédération, pour cette chance unique. J’ai essayé de donner le meilleur de moi-même pour être à la hauteur de cette incroyable opportunité. Ces 15 années ont été extrêmement enrichissantes : j’ai énormément appris et eu la chance de voyager partout au monde grâce aux 3 Jeux olympiques, aux championnats du monde et aux Euros auxquels j’ai pu participer dans le cadre de cette mission.

En parallèle, mon destin m’a ramené en Hongrie avec ma famille, où j’ai été choisie comme entraîneure d’un club féminin de première division, Cornexi. Ce fut le début de ma carrière d’entraîneure de haut niveau, qui se poursuit depuis maintenant presque 20 ans. J’ai eu l’immense privilège de travailler avec des grandes joueuses et des talents prometteurs qui sont devenus des internationales. C’est pour moi un cadeau inestimable. Ce que je trouve particulièrement gratifiant, c’est de voir les joueuses progresser, gagner en confiance et se dépasser. Ensemble, avec mes équipes, nous avons construit et réalisé des objectifs incroyables. Nous avons également traversé des moments difficiles, que nous avons appris à surmonter en restant solidaires. Ce n’était pas toujours facile, voire super difficile et nous avons connu des défaites, mais j’ai beaucoup appris humainement de ces instants compliqués. Aujourd’hui, je m’efforce de mettre à profit toutes ces expériences pour continuer à évoluer et, surtout, pour faire mieux.

Suite à un événement tragique dans ma vie, tout s’est effondré autour de moi et en moi. Dans ces moments difficiles, mes amis du handball ont été d’un soutien précieux et m’ont donné la force de continuer. Et le club de Saint-Amand m’a appelé quelques mois plus tard. Je tiens à remercier encore une fois le Président italien ainsi que Sophie Palisse, Présidente de Saint-Amand Handball, pour leur confiance et pour avoir pensé à moi. Pour moi ce retour à haut niveau, c’est un nouveau souffle, c’est une deuxième vie pour moi. Je suis très reconnaissante de cette opportunité.

Aujourd’hui on compte peu d’entraîneures femmes, que pourrais-tu dire à celles qui n’osent pas se lancer ?

Je suis devenue entraîneure par opportunité et par circonstance. J’ai eu beaucoup de chance et beaucoup de soutien de la part de mon entourage. C’est quelque chose de difficile. Mais surtout, j’ai eu des présidents qui m’ont fait confiance, et je pense que ce n’était pas facile pour eux non plus de faire ce choix. Je me suis mis beaucoup de pression pendant très longtemps pour prouver que je valais autant qu’un entraîneur dans ce milieu particulier. Il fallait gérer aussi la relation avec l’entourage masculin. Et j’ai dû apprendre à gérer ce sentiment de devoir faire deux fois plus que les autres à mon niveau pour prouver mes compétences. Il faut rester soi-même et accepter que ce soit un apprentissage long, en continu, pour rester au niveau. Il y a beaucoup d’investissement personnel, il faut avoir du courage et de l’organisation. C’est un choix de vie et de carrière engagé, mais je ne regrette absolument pas de l’avoir fait.

La motivation je la trouve dans le sport de haut niveau, dans les athlètes avec lesquels je travaille, et dans les relations humaines. C’est ce pourquoi j’aime autant mon métier.

Tu entraînes également les États-Unis, pourquoi avoir fait ce choix ? Quelles sont les différences que tu notes avec la France ?

Le handball est encore très peu connu aux États-Unis. Les athlètes avec lesquels je travaille ont souvent eu une première carrière dans une autre discipline, ou bien sortent de l’université en tant qu’adultes, prêts à relever le défi de découvrir le handball. Nous avons également des joueuses américaines qui vivent en Europe et jouent régulièrement au handball.

Ma décision d’entraîner l’équipe féminine nationale américaine est avant tout très personnelle : mon fils a étudié aux États-Unis, et je connaissais cette équipe. C’était un défi que je voulais relever, malgré les difficultés. Il a fallu rencontrer de nombreuses personnes, surmonter la barrière de la langue et, après le Covid, pratiquement tout reconstruire.

Pour moi, chaque jour est une opportunité d’accepter un nouveau défi. C’est une forme d’existence, une philosophie : croire que, lorsqu’on le veut vraiment, rien n’est impossible. Sortir de sa zone de confort, profiter de chaque instant pour se dépasser, voilà ce qui résume ma vie d’entraîneure. Croire en moi, être ouverte aux nouveautés, encourager les autres à croire en eux et à ne pas s’imposer de limites : c’est là l’essentiel de ma vision.

Je tiens à exprimer toute ma gratitude au handball français. Je suis très fière d’avoir eu l’opportunité d’entraîner une équipe de D1 en France. Ces quinze années passées aux côtés de l’équipe de France m’ont permis de suivre et de vivre sa montée en puissance, ainsi que l’impact que cela a eu sur le handball féminin.

J’aime profondément l’esprit du handball français. Bien que je sois également très fière de mes origines hongroises, ce mélange culturel m’a énormément enrichie. Cette ouverture, cette innovation, cette confiance et ce partage, qui sont si présents dans le handball français, n’existent nulle part ailleurs. Cette approche a joué un rôle essentiel dans mon parcours et continue de m’inspirer chaque jour.