En l’absence d’Estelle Nze Minko, qui attend un heureux événement, le sélectionneur de l’équipe de France féminine Sebastien Gardillou a choisi de confier le brassard de capitaine à Grâce Zaadi Deuna. La demi-centre revient sur ses impressions et sur la semaine internationale qui vient de s’écouler.
Grâce, comment doit-on t’appeler désormais ? Madame la capitaine ?
(Rires) Non, appelez moi Grâce, comme d’habitude, et rien d’autre !
Blague à part, comment vis-tu cette désignation en tant que capitaine ?
Je suis très honorée d’être capitaine de l’équipe de France, très fière aussi. C’est un signe de confiance et de reconnaissance aussi par rapport à ce que je pense représenter dans cette équipe, dans son histoire aussi. Pour l’instant, je ne pense pas aux tâches que je n’avais pas l’habitude de faire en dehors du terrain. Je vais rester fidèle à moi-même.
Quelle discussion as-tu eu avec Estelle Nze Minko ?
Je n’ai eu la discussion avec Sebastien que lundi soir, mais j’ai appelé Estelle pour certaines questions techniques. Elle a mené un beau capitanat dont j’essaye de m’inspirer. Je la laisse profiter de sa grossesse, j’ai peut-être besoin de voir comment elle sent les choses, mais je ne vais pas non plus l’embêter plus que ça avec cette question.
Comment vois-tu ce rôle de capitaine?
J’ai essayé de ne pas y penser, j’essaye juste de faire tout ce que j’ai toujours fait en équipe de France, c’est à dire être à l’écoute de mes coéquipières, être une grande soeur ou un leader, être un relais pour le coach et pour le staff. J’ai déjà participé aux discussions avec mes coéquipières capitaines par le passé, mais j’essaye d’être beaucoup plus attentive à la dynamique ou aux besoins du groupe. Par le passé, je n’ai pas eu la force de filtrer certaines choses, désormais, je suis beaucoup plus mature et je pense que je vais embrasser ce rôle avec le temps.
Tu as connu pas mal de capitaines en équipe de France, t’en inspires-tu ?
Je n’ai pas envie de me mettre la pression avec ça. Je n’essaye pas de faire comme Coralie, Estelle ou Siraba car nous sommes toutes uniques et différentes. J’essaye de mener ce capitanat à la Grâce, en fait !
Qu’est-ce qui change pour toi, cette semaine, du fait que tu aies le brassard ?
Rien du tout. C’est marrant parce que lundi matin notre responsable dotations m’a demandé si je voulais un brassard. J’étais un peu surprise parce que non, ça ne compte pas pour moi, d’avoir un brassard. Je n’en ai jamais eu besoin. Je dissocie Grâce la joueuse de Grâce la capitaine et, honnêtement, je n’ai pas du tout pensé au capitanat. J’ai toujours essayé d’être exemplaire sur le terrain et le brassard ne change rien là dessus. C’était pour le premier discours avant le premier match mais une fois que je suis entrée sur le terrain, c’était comme d’habitude. Sur le premier match, je me suis bien senti, sur le deuxième, ça a été un peu plus compliqué. J’ai eu l’impression que c’était un peu saccadé, je suis rentré sur différents postes sur des petites périodes, et j’ai l’impression de ne jamais être entrée dans la partie. Ce sont des choses qu’il va falloir que je corrige, parce qu’on est en reconstruction, on essaye pas mal de choses. En gros, je me mets la moyenne !
Tu parles de ton speech de capitaine avant le premier match. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
J’ai parlé de l’histoire de l’équipe de France car j’ai l’impression qu’on est au sommet, on la connait depuis plusieurs années, mais il faut se souvenir que l’équipe de France n’a pas toujours été tout en haut. C’est sur ça que je veux appuyer. Beaucoup de joueuses avant nous sont passées et ont bâti l’histoire, on fait en sorte que les conditions pour que notre génération soit au sommet. Il ne suffit pas d’arriver, de mettre le maillot et ça y est, on va gagner. C’est ce que j’ai envie de transmettre. Quand tu mets le maillot, il faut continuer d’honorer le travail fait par le passé.
Et toi, tu as connu ces périodes plus compliquées…
Oui ! C’est super important de s’intéresser à ça, quand je suis arrivé en 2013, on ne passe pas les huitièmes de finale, on perd contre la Pologne. Enfin je sais plus, c’était peut-être en quarts…Ca a été compliqué au début. Maintenant, on a beaucoup de chance, on arrive souvent dans le dernier carré. Je voulais parler de ça parce que le travail en amont est énorme, il ne faut pas oublier d’où on vient et il faut travailler aussi dur pour maintenir l’équipe de France en haut. Il faut garder de l’humilité. Cette équipe a toujours beaucoup bossé, toujours su exister grâce au travail et c’est toujours le cas aujourd’hui, même si on a beaucoup de joueuses talentueuses.
Comment réorganise-t-on le jeu sans Estelle ?
C’était mon premier stage de l’année 2025, et Estelle n’était pas là non plus. L’équipe se reconstruit, il faut combler son absence. On a les armes pour le faire, tactiquement. On a les joueuses qui ont des qualités, maintenant il faut prendre les responsabilités. C’est bien car il faut responsabiliser toutes les joueuses, et je pense que si les responsabilités sont partagées, l’équipe de France n’en est que plus dangereuse. Ca a toujours été le cas, mais dans cet épisode de reconstruction, c’est encore plus intéressant.
Mais le temps presse, car le championnat du monde, c’est dans trois mois….
C’est sûr qu’on a peu de temps de travail pour avancer, mais c’est un peu l’histoire des équipes nationales. Ces jeunes joueuses ont la fougue et l’envie mais, malheureusement pour elles, on va leur en demander beaucoup très rapidement. Ca va être notre rôle, à Tamara, Laura Glauser ou moi-même, de les accompagner avec notre expérience. Le but est que tout le monde rentre rapidement dans le bain. On ne doit pas bruler les étapes mais aller dans le bon sens.
Les joueuses de l’équipe de France sont nombreuses à avoir vécu une maternité pendant leur carrière ces derniers temps. Comment le vis-tu ?
C’est génial ! Je suis arrivée à une époque où ça commençait un peu, Nina Kanto a été la première. Après Camille Ayglon, Camille Mendy ou Laura Glauser…De voir que la maternité est plus acceptée, ça fait plaisir, c’est génial de se dire que le sport de très haut niveau n’est pas un obstacle dans sa vie de femme. Les filles montrent qu’on peut allier les deux, et c’est génial.
A quelques mois d’un championnat du monde où elle sera tenante du titre, au milieu ou presque d’une olympiade, à quel moment de son histoire est l’équipe de France ?
Je dirais qu’on est en reconquête, c’est d’ailleurs le nom de notre groupe WhatsApp. L’équipe de France est en reconquête, après cette quatrième place à l’Euro. On s’est rendu compte qu’il allait falloir bosser encore plus pour retourner sur le podium. C’est la dynamique qui anime ce groupe, on est tous conscients que le niveau international ne cesse d’augmenter, il n’y a plus trop de petites équipes. On a toujours voulu viser très haut et avancer, et cette envie est décuplée.
Par rapport à cet état d’esprit de reconquête, comment as-tu trouvé l’équipe cette semaine ?
Sur le deuxième match face à la Roumanie, notamment, on a eu beaucoup plus de stabilité par rapport au premier. Forcément, quand on joue deux fois le même adversaire, tout le monde s’adapte. Malgré tout, on a été bien présentes dans le contact, on les a impactées, on fait une bonne prestation défensive. Le jeu sur grand espace va être une des clés de cette reconquête, il va falloir mettre de la vitesse et jouer notre jeu. L’état d’esprit a été bien toute la semaine, la volonté de travailler aussi. On a parfois été un peu brouillonnes mais la semaine a été intéressante.