Président de la Ligue de Mayotte, Hairoudine Anzizi évoque les ravages provoqués par le passage du cyclone tropical Chido sur l’archipel, le plus puissant qu’ait connu Mayotte depuis 90 ans. Et envisage, déjà, la reconstruction des infrastructures et la reprise de la discipline.

D’abord, comment allez-vous, vous et vos proches ?

Je vais bien. Je vais très bien. Je n’ai pas trop été touché par la catastrophe contrairement à d’autres citoyens. Mes proches sont également en sécurité et en bonne santé. Les télécommunications ont été rétablies, et chacun a pu échanger des nouvelles et recommencer à vivre.

Quelles sont les grandes lignes de votre quotidien ?

Je suis le Directeur Général des Services de l’agglomération de Dembéni-Mamoudzou, et je sors d’une semaine compliquée, sans électricité ni eau courante. Nous avons dû reloger en urgence quelque 600 personnes, dont 90% d’enfants qu’il a fallu nourrir en dépit de la pénurie et des difficultés d’accès aux commerces. Nous avons également dû faire face à des problèmes sanitaires même si, pour l’instant, il n’y a pas de maladies identifiées. Si le ravitaillement en eau est assuré ces prochains jours, et si nous pouvons nous organiser pour continuer à trouver de quoi manger, ça devrait aller.

La Ligue mahoraise compte plus de 3 000 licenciés et une trentaine de clubs. Avez-vous déjà recueilli des informations quant aux dégâts, aux différents besoins ?

Pas beaucoup, non, malheureusement. Sincèrement, je ne connais pas l’état de la situation réelle. A-t-on perdu des jeunes ? J’espère que non. J’ai adressé ce week-end un courrier à chaque club pour connaître l’état complet de la situation, savoir s’il y a des disparus, des blessés, connaître l’étendue des dégâts.

Le cyclone a détruit une grande partie de l’urbanisation et des infrastructures de l’archipel. Des gymnases ont-il subi ce même sort ?

Il existe un groupe WhatsApp ouvert à tous les membres du CA. L’un des membres a fait état de dégâts considérables. Toutes les infrastructures, les équipements sportifs, les plateaux ouverts, ont été touchés. Des murs sont tombés, des panneaux de basket se sont envolés, les toitures des gymnases ont été arrachées. Les jeunes sont traumatisés. Ma fille de quatre ans m’a dit : « papa, je voudrais aller en Métropole parce que j’ai peur que ça recommence ». Et elle n’a que quatre ans… Les jeunes ont peur. Les collèges ont été détruits. Les lycées ont été détruits. Il va falloir trouver les moyens de les occuper autrement.

Le Pôle d’accession de Dembeni a-t-il été touché ?

Je n’ai pas encore eu l’occasion d’aller là-bas. Mais le lycée polyvalent de Dembeni a été touché, et je crains que le Pôle ne soit plus en état de fonctionnement pour l’instant.

Et le siège de la Ligue, à la maison des associations de Kavani à Mamoudzou ?

Je ne suis pas passé là-bas non plus, il y a d’autres formes d’urgence, mais je sais qu’il a été également touché.

Anne Genetet, la ministre de l’Éducation nationale, a annoncé que tous les moyens seraient mobilisés pour préparer la rentrée scolaire à partir du 13 janvier prochain. Peut-on également envisager un programme de reprise pour les Championnats de handball à cette même date ?

Non, c’est absolument impossible. Le message de madame la Ministre est d’abord politique. Il est absolument inimaginable que tout puisse rentrer dans l’ordre en à-peine deux ou trois semaines. 

Le handball est le deuxième sport le plus pratiqué à Mayotte derrière le football, mais le nombre de ses licenciés avait tendance à stagner et pourrait chuter avec cette catastrophe…

Nous avions dépassé la barre des 3000 licenciés, et, à date, nous étions à peu près 2700.  Mais les Jeux olympiques, la victoire des filles au Mondial et le parcours au dernier Euro avaient notamment mobilisé les jeunes filles. J’étais optimiste pour un regain. J’espère que cette catastrophe ne marquera pas un coup d’arrêt.

Mayotte est entre quatre et cinq fois moins bien dotée en équipements sportifs que la moyenne de la France, moins bien dotée, également, que d’autres départements outre-mer. Comment allez-vous rebondir ?

Nous ne disposions que de quatre gymnases couverts sur le territoire, dont un qui n’a même pas deux ans, et de nombreux équipements à ciel ouvert avec un sol en bitume. Contrairement à nos voisins de la Réunion par exemple, nous ne pouvons pas pratiquer dans de bonnes conditions. Si nous ne sommes pas capables de développer une vraie politique de rénovation en tenant compte des événements cycloniques, alors nous serons en grande difficulté, et je crains fort une baisse significative de la pratique.

Un rapport de la Direction de Région Académique à la Jeunesse, à l’Engagement et aux Sports (DRAJES) en 2020 faisait état d’une urgence à rénover, mettre aux normes et améliorer la totalité des équipements municipaux de Mayotte. Des travaux ont-ils été entrepris, et cette catastrophe ne va-t-elle pas mettre un coup d’arrêt ?

Je connais très bien ce rapport. Je suis le vice-président de la conférence des financeurs du sport qui émet des avis concertés sur le financement des projets les plus structurants, en adéquation avec la stratégie et les orientations du Projet Sportif Territorial. L’objectif à Mayotte n’est pas de procéder à de grosses constructions, mais de remettre en état celles qui existent déjà, en couvrir certaines, poser des sols synthétiques, construire des vestiaire…  Peut-être que cette catastrophe aura alors un effet inattendu et que l’on pourra se dire : « puisque tout est tombé, remettons à niveau ce que l’on a si longtemps tardé à rénover. »

Vous disiez, lors de votre réélection en juillet dernier, que la mise en place de commissions devait être l’une des priorités de la Ligue mahoraise. Avez-vous pu avancer à ce sujet ?

Oui, et celle des statuts, règlements et homologations, a d’ailleurs déjà vérifié l’état des installations. On a pris la décision de dire : « on pratique parce que l’on n’a pas le choix. » Mais si l’on a fait jusqu’à présent avec les moyens du bord, voici une occasion de se réunir avec les Mairies et de leur demander une remise en état générale.

Après la Fondation de France, qui a accompagné un élan de générosité exceptionnel de la part des Français, la FFHandball a lancé à son tour une cagnotte de soutien. On imagine qu’elle sera la bienvenue pour relancer l’activité…

Bien sûr. Philippe Bana et l’ensemble de son équipe m’ont témoigné de leur soutien et m’ont assuré qu’ils mettraient en œuvre les moyens de relancer l’activité sur l’archipel. La priorité est de permettre aux séniors de reprendre la compétition afin qu’ils puissent participer aux finalités N3. Pour les jeunes, c’est différent. Il faudrait que l’on puisse déborder sur le calendrier. Ils doivent pouvoir se retrouver dès que ce sera possible, pour jouer au handball, mais pas seulement. Pour être ensemble. Reprendre goût à la vie.

Comment accueillez-vous ce soutien de la FFHandball ?

Il fait chaud au cœur. Je ferai remonter toutes les informations à la Fédération. Peut-être que certains clubs, certaines familles, auront besoin d’un soutien psychologique au-delà du soutien matériel. Mon travail, dès maintenant, est de procéder à un état des lieux circonstancié. Nous allons mobiliser une AG extraordinaire avec la COC pour envisager la suite. En attendant, je suis certain que des dons aussi simples et basiques que des ballons de toutes tailles, des chaussures, des kits de mini-hand ou de BeachHandball permettront à tous les clubs d’envisager la reprise. Nous allons entrer dans la saison des pluies, et le temps que tout fonctionne à nouveau, chaque initiative, chaque geste seront les bienvenus. Nous disposons aussi d’une grosse population féminine que je souhaite accompagner sur la partie hygiène. Avec la situation, les pénuries parce que les gens se sont rués dans les magasins, l’absence d’argent liquide également puisque les distributeurs ne fonctionnent plus, c’est difficile de se procurer des protections, des couches ou du lait de bébé. Je vais tout consigner. Demander à chaque club de me faire un état excessivement précis des besoins. J’essaierai de répondre au mieux à chacun d’entre-eux grâce à l’aide de la FFHandball.