Élu président de la Commission Nationale d’Arbitrage par le Conseil d’Administration de la FFHandball, Michaël Boutines évoque les chantiers à venir, mais surtout les priorités que la CNA a déjà identifiées.
Le Conseil d’Administration de la FFHandball t’a élu, samedi à Pau, président de la Commission Nationale d’Arbitrage. Peux-tu nous raconter la genèse de cette élection ?
Ceux qui me connaissent disent que j’ai un projet à la minute, mais savent surtout à quel point j’aime relever les challenges. Sans doute, comme l’a indiqué Philippe Bana au CA, que mon profil et le fait que je sois totalement désintéressé ont plaidé en ma faveur. Philippe a utilisé des mots qui m’ont touché. Il a parlé d’un candidat avec une vision, une capacité à prendre de la hauteur et une appétence à transformer en agissant avec les acteurs. Je crois fermement, oui, que même lorsque l’on se trouve en situation de crise, on peut trouver des solutions ensemble, en bougeant tous les curseurs.
Tu étais, jusqu’à présent, en charge de la formation, de l’emploi et de l’accompagnement des dirigeants à la FFHandball. Vas-tu conserver ces prérogatives ?
L’accompagnement, la formation, la question de l’emploi sont des domaines qui me passionnent, et qui peuvent d’ailleurs être complémentaires de cette mission. Avec l’expérience, l’expertise des équipes fédérales, nous allons pouvoir commencer à travailler ce sujet différemment.
Le sujet de la professionnalisation de l’arbitrage ?
Oui, tel qu’il avait été mis sur la table à l’AG de Nancy en 2016. Cette date constitue également l’acte fondateur de la réforme de l’arbitrage dans les territoires qu’il faudra évaluer. Cette question des arbitres dits professionnels est centrale, au cœur du projet que nous souhaitons porter en s’interrogeant sur leur double projet. Il faut maintenant poursuivre le perfectionnement du secteur tout entier, pas seulement celle des arbitres.
Comment s’y prendre ?
Nous avons une grande famille et il faut savoir agrandir la table du dimanche. L’agrandir à ceux qui ont la passion de la formation, l’envie de partager une vision, ceux qui sont prêts à échanger des idées pour transformer, à gérer les contraintes du quotidien aussi. Nous devons avoir une lecture à 360° qui seule permet de faire avancer les projets. Je crois beaucoup aux tiers-lieux pour mutualiser des espaces et des compétences, hybrider des activités et réunir un collectif engagé, favorisant la coopération pour répondre aux différents enjeux. Cette intelligence collective, c’est notre ADN. Je vais évoquer un exemple, celui du binôme formé par Damien Bondon et Hugo Marty. Il est passé par un dispositif que l’on avait inventé avec Aurélien Salvador, arbitre national et président de la commission jeune arbitre. Nous étions partis de la question suivante : Pourquoi les jeunes arbitres ne disposent-ils pas des mêmes temps de préparation que les jeunes joueurs de Pôle ? Nous avons tenté l’expérience d’une école de performance lors de la saison 2015/2016. 50% de leur temps de travail était effectué auprès de formateurs de la trempe de Vincent Griveau ou Daniela Petkovic, et à 50% par un réseau d’accompagnateurs et des bénévoles engagés dans la commission. Damien et Hugo sont juges-arbitres Elite depuis trois saisons.
Ça veut dire que tu souhaites multiplier les rencontres afin d’imaginer d’autres voies de ce genre ?
C’est une question centrale de notre président : comment fabrique-t-on le handball de demain ? En mettant de la transversalité, en multipliant ces temps de concertation, en trouvant les clés d’une lecture nouvelle. Pour faire surgir des idées, avec les Ligues professionnelles, le secteur amateur, parce qu’avec l’ensemble des arbitres du secteur fédéral, nous avons des sujets à porter. Nous avons des formateurs hors-pair, il reste juste à trouver les bons ajustements.
As-tu eu l’occasion d’échanger à Pau avec certains de ces acteurs justement ?
Bien sûr, avec certains présidents de Ligues ou de Comités présents, avec d’autres acteurs également. L’intérêt ce n’est pas d’aller très vite, mais de créer du réseau, de justement remettre en avant ces acteurs. En respectant des règles essentielles comme pendant un match. Nous pouvons être d’accord ou ne pas l’être, mais nous pouvons débattre, dans la sérénité et le respect.
As-tu déjà arbitré ?
Il y a vingt ou vingt-cinq ans, j’avais un grade R1. Je me souviens avoir envoyé un email à la commission régionale afin de connaître le chemin pour progresser, passer au niveau national. J’attends toujours la réponse et cet épisode raconte aussi le sens de mon engagement.
Raconte-nous ton parcours, depuis les débuts à Lombez-Samatan, jusqu’à la présidence de cette commission…
Je suis tombé très jeune dans la marmite de l’engagement associatif. Le point de départ, c’est le club de Lombez-Samatan. Une équipe féminine avait eu des résultats UNSS, et les filles avaient envie de poursuivre l’aventure en club. Suite à une première blessure, à l’âge de 21 ans, je me suis retrouvé en bord de terrain pour entrainer, siffler, rendre service. On apprend très vite ce qu’est la vie d’un club. Il faut être en capacité d’aller à une réunion au fond du bistrot de la ville, aller voir le Maire… Il faut surtout se former, et c’est ce que je n’ai jamais cessé de faire. En 2004, j’ai été élu au CA de la Ligue Midi-Pyrénées, et nous avons tout posé sur la table afin de réformer notre organisation des championnats, et remettre du niveau de jeu dans les clubs. Il y avait notamment un fort enjeu de formation et d’accompagnement. En 2008, Yvan Delbosc m’a proposé de devenir secrétaire général pour m’occuper des ressources humaines. Il fallait faire des projets de territoires, engager la professionnalisation. Et en 2012, Yvan a proposé ma candidature à sa succession. J’ai été élu. J’avais 32 ans. Quatre ans plus tard, avec la réforme des régions, Joël Delplanque m’a alerté sur les enjeux de la Ligue Occitanie. J’ai été élu à la présidence, puis j’ai enchaîné deux mandats, jusqu’en 2024. Philippe Bana m’a alors sollicité.
Après la démission d’Olivier Buy, Philippe Bana, le président, a souhaité une réorganisation complète de l’arbitrage français consécutivement à la mission d’évaluation qui a été réalisée. Trois chantiers prioritaires semblent avoir été identifiés…
D’abord une refonte de la gouvernance. Il faut revoir les méthodes de fonctionnement, les délibérations collectives et les règlements internes pour assurer lisibilité, transparence, éthique et responsabilité. Ensuite la révision du système d’évaluation. Nous voulons mettre un système transparent, équitable et juridiquement solide, avec des critères objectifs clairement définis et un dispositif de recours interne pour les arbitres. La rigueur et l’équité seront au cœur de cette organisation. Enfin, la prévention des conflits d’intérêts. Il faut séparer clairement les fonctions de désignation, d’accompagnement, d’évaluation et de classement des arbitres pour garantir l’intégrité du dispositif.
Au-delà de ces chantiers, il semble urgent de restaurer un climat de confiance avec toutes les parties prenantes…
Absolument, et c’est la première des choses à laquelle nous allons nous atteler. Les témoignages des uns et des autres révèlent que les arbitres se sont sentis un peu délaissés, avec des choses mal comprises ou alors mal interprétées. En temps de crise, l’aspect psychologique est parfois plus difficile à gérer que la crise elle-même. La FFHandball a pris des décisions en fonction des textes et des règlements. Maintenant est venu le temps de reprendre la discussion, les yeux dans les yeux. Nous allons remettre tout le monde ensemble autour d’un projet dynamique et engageant pour l’arbitrage, et témoigner de la confiance de la FFHandball envers tous les acteurs de l’arbitrage du handball français.
Après avoir choisi les membres de la CNA, quelles seront tes premières mesures concrètes ?
Nous allons identifier rapidement une première équipe afin de gérer l’urgence sur les trois priorités que je viens de rappeler. Je souhaite une commission composée de certains membres auxquels nous avons envie de renouveler toute notre confiance, mais également de compétences nouvelles, celles d’hommes et de femmes issus de tous horizons. A partir de la fin du mois de novembre, je serai sur le terrain, dans les territoires, pour évoquer l’arbitrage. J’ai déjà sollicité Pascal Bouchet autour de la Femina Cup pour un premier tour de table. A partir de décembre et jusqu’à l’AG, nous aurons à cœur de remettre du rayonnement autour de l’arbitrage, de redorer le blason.
Les arbitres semblent demandeurs d’outils et de ressources pour progresser. Quels leviers peuvent déjà être actionnés ?
Ce qui est formidable dans l’arbitrage et son accompagnement, c’est qu’il y a beaucoup d’artisanat et c’est magnifique l’artisanat, un engagement noble. Mais l’arbitrage a également besoin de process professionnel. Depuis 2016, on a investi dans la formation des techniciens de l’arbitrage pour détecter, accompagner, structurer. La question, aujourd’hui, est : Comment valoriser un arbitre ? Avec un diplôme ? Une valorisation de compétences ? Un entraîneur n’a pas les mêmes obligations de parcours qu’un arbitre, et je ne crois pas que cette histoire de sanctions, de tests permanents soit le bon sujet. Nous devons mieux valoriser le sujet du jeu et de la règle du jeu. Il y a des enjeux de communication, des progrès à réaliser, peut-être avec l’IA. Le travail effectué par le rugby est un exemple.
L’organisation de la filière doit-elle être revue ?
Le sujet de l’évolution de nos organisations de demain doit se penser aujourd’hui. Nous sommes en train de vivre un moment complexe. Transformer, ce n’est pas casser ce qui existe, c’est bâtir sur des fondations, des fondations solides. Je veux d’ailleurs saluer ceux qui œuvrent depuis 20 ans et plus, et qui ont travaillé sur ces sujets-là. Nous devrons être agiles dans nos démarches de transformation afin que nous puissions dire demain que si nous avons progressé, si nous sommes meilleurs, c’est que nous avons fait le choix de l’anticipation.
Pour qu’il n’y ait plus jamais d’EHF EURO masculin sans binôme français ?
Il faut viser ce minimum d’exigence. Notre arbitrage doit représenter la FFHandball à l’international. L’équipe de France fait rêver les enfants et leurs parents qui se projettent facilement en club. J’espère la même chose sur l’arbitrage. Que des enfants aient envie de ressembler et suivre les pas de Charlotte et Julie Bonaventura. Que les binômes Gasmi – Gasmi, Carmaux – Mursch, Cournil – Lamour, Heddid – Picot, Picard – Vauchez et bien d’autres soient des inspirateurs. Si nous y arrivons, alors nous aurons enfin transformé le regard sur l’arbitrage français.