Conseiller technique national en charge du ParaHand, Mourad Bounouara s’apprête à vivre une fin d’année riche en émotions puisque les équipes de France HandSourd et HandFauteuil disputent une compétition majeure. Depuis hier, il a rejoint Tokyo pour la 25e édition des Deaflympics.
Comment s’est déroulé le voyage vers Tokyo où se déroulera la 25e édition des Deaflympics, du 15 au 26 novembre ?
Bien. Il a duré treize heures, mais les joueurs étaient préparés à supporter à la fois le voyage, le décalage horaire et tous les autres décalages qu’ils vont forcément découvrir au fur et à mesure. Avant de partir, on a pris le temps d’échanger avec Sébastien Gardillou qui a déjà eu l’occasion de vivre une expérience similaire.
Sur quoi vous a-t-il alerté ?
L’attitude à avoir à l’arrivée, l’alimentation. La vie de groupe. Trois semaines, c’est nouveau pour tout le monde. Ce ne sont pas des joueurs pros. On a eu des temps d’échange individuels, en visioconférence. Ils ont bien compris les enjeux et sont déjà en mode compétition.
Comment occuper le temps d’ici dimanche et le premier match contre la Croatie ?
On va prendre un peu de temps pour la découverte, puis se concentrer sur le tournoi. On ne peut pas faire un voyage aussi long sans profiter un peu.
La délégation française est-elle aussi unie que lors de Jeux olympiques par exemple ?
Absolument. Nous étions 120 dans l’avion avec nos collègues du foot et du golf. Les autres arriveront dans la journée. 70 nations et 3000 athlètes représentant 21 disciplines sont attendus. La grosse difficulté pour tout le monde, c’est la nouveauté. Les collègues de la DTN nous ont expliqué beaucoup de choses. Le Comité Paralympique et Sportif Français a insisté sur toute l’organisation.
Les contraintes du village paralympique autorisent seulement douze joueurs…
Et quatre membres du staff. Ça va être plus difficile de trouver la bonne alternance, et il faudra absolument éviter les blessures.
Lorsque la FFHandball a entrepris la démarche de récupérer la délégation ParaHand il y a trois ans, des moyens conséquents ont été investis. Les résultats, avant même ces deux compétitions, sont-ils, déjà, à la hauteur de cet investissement ?
Le HandFauteuil s’est très bien développé. Avec le HandSourd, on n’a pas encore le même recul, la même visibilité. Depuis plusieurs années, le HandFauteuil s’appuie sur un Championnat, une Coupe de France. Ces Deaflympics constituent d’ailleurs un bon tremplin pour le HandSourd, et j’espère qu’un élan se produira. Le souci, c’est qu’on n’est pas inclusif contrairement à d’autres disciplines. J’aimerais que l’on ait plus de mixité. Comme en fauteuil. Les sourds aiment bien jouer entre eux. Mais ils apprécient les moyens mis à disposition par la FFHandball. Les regroupements, le staff, la participation à ces compétitions. Et ils ont envie de progresser.
Les enjeux de cette fin d’année 2025 sont nombreux avec donc, pour commencer, ces Deaflympics. Quelle est l’ambition de l’équipe de France ?
On en a discuté avec l’entraîneur, parce que les joueurs sont très ambitieux. On va vite entrer dans le vif du sujet parce qu’on affrontera dimanche la Croatie, l’un des favoris au titre. On va pouvoir se jauger. Le bronze du dernier Euro nous donne quelques garanties, mais il y a ici des nations que l’on ne connaît pas, et il va falloir gérer tous les paramètres.
Tu dis que les joueurs sont ambitieux ?
Oui, ils sont en mode compétiteurs. On les a trouvés bien sur le stage de septembre et lors de la confrontation contre l’Allemagne fin mai. Avec l’Allemagne, on se tient, et c’est toujours un moment intéressant. Mais les joueurs se découvrent aussi un peu. Trois semaines, c’est un nouveau format pour eux.
Thibaud Robert, l’entraîneur, a notamment évoqué la nécessité de peaufiner l’efficacité offensive afin de franchir un cap. C’est également ton avis ?
Absolument. D’autant que le demi-centre s’est blessé courant octobre, et qu’il occupait une place importante dans la groupe. L’efficacité offensive, la nécessité du repli défensif, ne sont pas toujours parfaitement intégrés parce qu’ils ne sont pas sur une pratique régulière.
Dans la foulée des Deaflympics, l’équipe de HandFauteuil sera à son tour invitée à défendre les couleurs de la France, à l’Euro de Vilnius, du 26 au 30 novembre. Les impressions laissées à Houlgate lors du dernier stage montrent une implication totale…
Totale, oui. Ils veulent absolument réaliser une performance à Vilnius.
Une médaille ?
Ce n’est que leur deuxième compétition internationale, mais la quatrième place au Mondial en Egypte leur a donné des idées, comme le Tournoi à Ecully avec une défaite à la dernière seconde contre le Portugal, grand prétendant au titre. On espère une médaille, mais ils partent pour la victoire. On n’est pas les favoris, mais on possède des acquis et une certaine expérience pour bien travailler et rivaliser. Il y a en tout cas une vraie progression. Les matches seront diffusés sur HandballTV, et je suis sûr que les téléspectateurs apprécieront les progrès réalisés.
Le HandFauteuil semble en plein développement…
Il l’est. Il y a 65 clubs qui pratiquent dans les territoires et l’engouement ne se dément pas.
L’équipe a-t-elle comblé une partie de son retard dans la densité physique, le volume de jeu, la vitesse ?
On a constaté, c’est vrai, lors du dernier Mondial, un déficit à ce sujet par rapport à des nations comme le Japon, le Brésil ou les Etats-Unis. On a demandé à Olivier Maurelli de nous donner un coup de mains. Il a proposé à Pierrick Bernard, préparateur physique et maître de conférence à l’UFR Staps de Montpellier, de nous accompagner dans un travail individuel avec tous les joueurs. Et les progrès sont déjà évidents à ces sujets.
Fabien Convers pense que le passage à 4 peut redistribuer les cartes. Es-tu aussi de cet avis ?
Il nous a, en tout cas, été favorable lors du dernier Mondial.
Le HandFauteuil peut-il un jour être en démonstration aux Jeux olympiques ?
Le Congrès de l’IHF l’a proposé pour 2032.
La compétition est l’ADN de la maison bleue et tous les collectifs se doivent de véhiculer ces valeurs et la même ambition d’aller au bout des compétitions. Est-ce aussi le cas des équipes de France HandSourd et HandFauteuil ?
Il faut être prudent et mesurer l’écart. L’idée, pour l’instant, c’est d’être présent sur les compétitions, de disposer d’équipes stables, performantes, de construire des staffs compétents au service des athlètes. L’objectif, avant de penser aux titres, c’est de poursuivre le développement de ces pratiques et de les faire connaître. D’autres disciplines sont avance sur nous, le basket par exemple. Mais les joueurs dont nous disposons ont très vite pris conscience de la valeur de ce maillot bleu. Ils sont investis. Ils sont compétiteurs. Pascal Bourgeais n’a pas défini d’objectif particulier. Il souhaite simplement que l’on soit reconnu à notre juste valeur. Il dit que le reste viendra avec le temps.
Mais le plus tôt serait le mieux…
Je ne veux pas que les athlètes se leurrent en se trompant d’ambition. Continuons d’attirer des jeunes. Continuons à donner aux personnes les plus éloignées des pratiques, l’accès à un sport, que ce soit du handball ou autre chose d’ailleurs. Lorsque je vois l’engouement sur la journée paralympique, sur la journée du sport, la moindre fête du sport, quand je vois l’union autour de ces Deaflympics, je pense qu’il est permis de se rassembler et que ce rassemblement fait beaucoup de bien.