Présent aux Pays-Bas depuis l’entame du Mondial féminin, le Directeur Technique National évoque cette dernière semaine de compétition, et attend les matchs à enjeu avec impatience.

Tu es auprès de l’équipe de France depuis le début du Mondial aux Pays-Bas. Quelles sont tes impressions à quelques heures du match au sommet de ce Tour principal face au pays hôte ?

J’ai envie de parler de sentiments mêlés, parce que l’on aborde dès aujourd’hui un moment très différent de celui que nous venons de vivre. Il y a beaucoup satisfactions à voir cette équipe vivre et s’exprimer depuis l’entame du tournoi. Mais les adversaires affrontés n’étaient pas tous du niveau de ceux que nous allons désormais défier, à commencer par les Pays-Bas ce soir, et j’ai vraiment hâte de vivre la suite, de voir comment l’équipe va aborder ces prochains rendez-vous.

En dépit du niveau des équipes auxquelles tu fais allusion, les Bleues ont livré des copies plutôt propres, ce qui n’a pas toujours été le cas par le passé…

C’est vrai, les contenus des matchs sont satisfaisants. Il y a deux ans, l’équipe avait eu toutes les peines du monde à se défaire de l’Angola, alors qu’elle a dominé sans contestation aucune chacun des adversaires jusqu’à présent. En dépit de deux entames poussives face à la Pologne et l’Autriche, qui pourraient d’ailleurs poser d’autres problèmes face à des adversaires d’un autre calibre, elle s’est avancée toute en maîtrise, et c’est très encourageant pour la suite.

L’équipe dégage de la sérénité, beaucoup de joie de vivre également…

Et cette joie n’est pas feinte, elle est vraiment présente au quotidien. Les plus jeunes apportent évidemment une fraicheur nouvelle, mais je crois que c’est vraiment l’ADN de cette équipe depuis de très nombreuses saisons de cultiver ainsi l’harmonie, le bien-être. 

Que penses-tu de ses progrès en attaque ?

La défense demeure la force essentielle, mais sur certaines phases de jeu, et pas seulement sur le grand espace, j’ai vu des enclenchements réalisés avec beaucoup de talent et de clairvoyance. Il y a beaucoup d’équilibres dans cette équipe, avec des gauchères capables d’amener du danger de loin, des droitières susceptibles, aussi, d’alterner jeu au près et tirs à mi-distance. Maintenant, je le répète, ces phases-là ont été développées face à des équipes qui ne disposent pas des mêmes atouts que les meilleures nations mondiales, et nous allons voir si nous sommes en mesure de réitérer ces performances dans cet autre contexte.

Avec l’absence de joueuses majeures, ces équilibres auraient pu prendre plus de temps…

Seb (Sébastien Gardillou) utilise une expression plutôt adéquate quand il dit : « sur ce Mondial, on a perdu 900 sélections d’un coup ». Produire ce que l’on a produit depuis cinq matchs montre la qualité du travail effectué à la fois à la FFHandball, dans les clubs, et par le staff de l’équipe de France. Les coaches que l’on rencontre sont tous conscients des qualités des filles qu’ils ont l’habitude de croiser, mais tous se disent aussi séduits par la qualité de notre banc.

Nina Dury, Fatou Karamoko ou Lilou Pintat incarnent cette capacité à renouveler sans cesse vos élites. Es-tu fier du fonctionnement de la filière ?

Evidemment. Elle fonctionne au plus haut niveau international depuis un moment déjà, et toutes ces joueuses s’intègrent sans difficultés chez les A. Maintenant, il est question d’aller chercher médailles, et nous allons voir comment elles se comportent. Je suis raisonnablement optimiste, même si j’ai conscience que leur inexpérience dans un tel contexte peut générer une certaine fragilité. Il ne faut pas oublier que 9 ou 10 joueuses disputent leur premier championnat du monde, et qu’il faut les accompagner du mieux possible. 

Lors des quinze dernières éditions depuis 1997, les Bleues ont atteint les quarts de finale à douze reprises. Comment expliques-tu cette permanence au plus haut niveau ?

C’est un label déposé, une norme française. On aspire toujours aux plus belles médailles, mais le quart de finale est une sorte de minimum syndical, d’autant plus dans un Mondial à 32 équipes. Cela-dit, il ne faut surtout pas négliger le travail mené par Seb et son staff. Ils ont eu cette démarche clairvoyante d’installer les plus jeunes en amont de ce Championnat du monde. Elles ont déjà quelques repères dans la vie du groupe comme dans le jeu prôné. Elles ont surtout les qualités idéales pour y répondre, et ça explique aussi la première semaine de compétition.

Avant de t’envoler pour les Pays-Bas, tu as eu l’occasion de féliciter les équipes de France HandSourd et HandFauteuil, médaillées de bronze et d’argent aux Deaflympics de Tokyo, et à l’Euro de Vilnius.

On aurait aimé les accueillir à la Maison du Handball, mais la particularité de ces deux collectifs est qu’ils sont composés de joueurs amateurs qui ont participé aux compétitions sur leurs jours de congés. Ils avaient donc hâte de regagner leur quotidien. Sans parler de la logistique pour les joueuses et les joueurs de HandFauteuil. Nous les accueillerons à l’Accor Arena en marge des finales de Coupe de France.

Que t’inspire leur parcours ?

Ces médailles constituent d’abord une énorme satisfaction pour tous ces hommes et ces femmes qui s’investissent dans l’ombre depuis très longtemps pour certains d’entre-eux, et qui prennent enfin un peu de lumière. Ils ont, pour certains, vécu parfois de terribles accidents de la vie, et avoir le bonheur de partager de tels moments est extraordinaire pour eux. J’espère d’ailleurs que ces parcours vont susciter des vocations, que certains auront l’envie de rejoindre nos structures qui proposent ces pratiques. Mais c’est aussi, évidemment, un formidable message d’inclusion. Notre diversité est notre force, et construire un environnement où chaque individu se sent respecté, représenté et soutenu est une priorité de la FFHandball.

Ces deux pratiques sont-elles soutenues de la même manière ?

Oui, nous avons composé des staffs identiques pour mettre toutes les chances du côté des deux collectifs. Le HandFauteuil rivalise déjà avec les meilleurs, le HandSourd a encore une marge de progression. Le Comité Paralympique et Sportif Français, le Ministère et la Fédération internationale nous ont en tout cas félicité pour les moyens engagés. Nous aimerions maintenant encourager la pratique du HandSourd chez les femmes.

Comme pour l’indoor, la quête de médailles est-elle une priorité ?
Absolument. L’idée est de dire : on vous donne des outils, des ressources, des moyens, mais maintenant que vous êtes entrés dans la maison fédérale, on va vous transmettre des valeurs, dont l’une d’entre-elles est la culture de la gagne.

Avant de s’envoler pour l’EHF EURO 2026 en Norvège, les Bleus disputeront deux rencontres à Paris La Défense Arena les 9 et 11 janvier prochains. Cet événement hors normes a-t-il d’ores et déjà conquis le public ?

L’arena est déjà remplie à 60%, et on devine une forme d’excitation, oui, à découvrir cette nouvelle enceinte. On a ce souhait qu’un maximum de spectateurs puissent profiter à la fois du spectacle sportif, et de toutes les animations que nous allons proposer avec notamment le showcase de Bigflo et Oli le vendredi, et l’intronisation de nouveaux joueurs au Hall of Fame le dimanche. C’est une volonté de la FFHandball de provoquer d’autres émotions aux spectateurs. Les matchs sont le plat de résistance, mais il y aura des entrées, un dessert. Ici, aux Pays-Bas, il y a plein d’animations, d’espaces de jeu, de restauration, dédiés aux familles, et pas seulement aux fans de handball. Les nouvelles enceintes permettent ça. 

Contrairement à celui des Bleues, le chemin vers le dernier week-end sera plus escarpé pour les joueurs de Guillaume Gille. Si la logique est respectée, ils devront croiser la route de l’Allemagne, l’Espagne, le Danemark et le Portugal avant d’espérer participer aux demi-finales…

On sait que les Euros sont bien plus difficiles que les Mondiaux. Le tirage au sort ne nous a pas gâtés. Ou plutôt si, il nous a gâtés, avec une kyrielle de matchs à très fort enjeu. Mais l’équipe est préparée à ce type de défis, et son ambition est intacte. Nous allons aborder ce tournoi pour le remporter. Nous avons bien conscience que ce sera compliqué, mais conscience aussi de nos qualités. Notre effectif est dense, à date, nous avons très peu de bobos. Nous allons nous préparer avec cette même contrainte depuis deux ans de ne pas satisfaire au stage entre les fêtes. La contrepartie, c’est que les joueurs arriveront le 1er janvier rassérénés, régénérés par le temps passé en famille. Prêts à en découdre.