Vice-présidente de la FFHandball en charge du Pôle Social, Pascale Jeannin revient sur la soirée « Trophée des Clubs » qui récompense les lauréats des Appels à Projets, et qui témoigne, surtout, de la vitalité et la richesse des territoires.

Qu’as-tu d’abord envie de retenir de la soirée du 27 septembre ?

C’est sans doute ma soirée fédérale préférée, parce qu’elle témoigne de la vitalité des clubs, leur ardeur à sortir du 40×20 pour nous présenter des projets auxquels nous n’aurions parfois même pas pensé. Cette propension à innover, à se renouveler me transporte et me conforte dans l’idée que l’on peut construire un monde dans lequel le sport, le handball en l’occurence, est reconnu comme une solution pertinente aux enjeux de société.

C’est surtout une soirée pour clôturer la saison des appels à projets auxquels tu es très attachée…

Absolument. C’est une soirée d’échanges, de rencontres, une soirée d’une incroyable richesse. Certaines structures sont à l’origine de projets qui résument sans doute cette notion de performance sociale : responsabiliser, innover, développer grâce au sport. Les clubs oeuvrent en ce sens que ce soit à destination des pratiquants, des dirigeants, des arbitres ou des éducateurs. Ces appels à projets permettent de fédérer et d’animer l’écosystème de la performance sociale, d’accompagner les acteurs dans le développement ou l’essaimage de leurs projets sportifs ayant un impact social.

Le mieux vivre ensemble plutôt que la performance à tout prix ?

En quelque sorte, oui. Pas loin de chez moi, il y a un CityStade sur lequel les garçons jouent prioritairement au football alors que les filles regardent. Chaque fois que je passe à proximité, je me dis : je vais m’arrêter et essayer de faire une place pour tous et favoriser le jouer ensemble, c’est d’ailleurs l’un des objets d’un des projets récompensés cette année. Le handball, en fait, est un véritable support éducatif, il permet de transmettre des valeurs, de faire comprendre et vivre des règles, de donner le sens du collectif. La performance sociale, c’est d’abord cette accessibilité, un handball pour toutes et pour tous, pour chaque classe d’âge, chaque profil. C’est aussi la contribution de chacun aux enjeux du développement durable, et donc au mieux vivre ensemble.

Parles-nous de ces appels à projets qui semble intéresser de plus en plus de structures.

Ils existent depuis quatre ans, et c’était la troisième édition du trophée des clubs. Les chiffres racontent le dynamisme, l’ardeur des structures à s’engager dans la performance sociale. Nous sommes passés de 165 à 625 projets présentés entre la première et la deuxième édition. Aujourd’hui, nous avons instruit 934 dossier. Il y a bien sûr l’attrait financier perçu comme un coup de pouce pour aller plus loin dans les démarches de collaboration. Mais les lauréats  soulignent aussi le rayonnement qui facilitent les relations auprès des institutions, des partenaires locaux. 

Comment se déroule la procédure ?

Les projets sont déposés sur une plateforme. Une première sélection est effectuée par les territoires qui nous partagent leurs ressentis quant à ceux qui pourraient être valorisés au niveau national. Il y a huit catégories plus le milieu scolaire, et trois à quatre personnes par catégorie étudient chaque dossier.  Nous sélectionnons trois lauréats par catégorie que nous récompensons à l’occasion de cette fameuse soirée. Quand je dis que c’est l’une des plus belles de l’année, c’est aussi parce que les échanges avec les porteurs de projets sont d’une richesse incroyable. Certains découvrent la Maison du handball et apprécient la proximité qu’elle offre à cette occasion.

Concrètement, quelles sont les catégories les plus prisées ?

Le BabyHand est en progression constante. Nous sommes passés de 41 projets déposés à 196. Le Handfit progresse lui aussi. Nous avons également recensé 113 dossiers pour la catégorie « intégrité » qui est une nouvelle venue.

La Martinique a décroché un prix. Mais les projets issus des territoires ultra-marins ne sont pas majoritaires… 

Parce qu’ils ont longtemps cru qu’il n’y avait point de salut hors compétition à 7. Mais les choses changent, petit à petit. Depuis que la FFHandball propose un séminaire de travail autour de l’AG et que l’équipe du pôle de la performance sociale se déplace dans ces territoires, le regard a tendance à évoluer, et le prix remporté par la Gauloise de Trinité peut être un vrai coup de boost.

Tu dois être particulièrement attentive à la catégorie « milieu scolaire et universitaire »…

Le milieu scolaire a une relation historique avec le handball. On a essayé de récompenser l’engagement sur le long terme avec des projets ancrés dans les territoires. Je pense notamment à ce projet public/privé à Redon, en Bretagne dans un contexte pourtant pas toujours favorable, ou bien à celui de Marseille qui a noué un partenariat avec des étudiants étrangers et qui a trouvé les moyens de faciliter l’accès au logement. Nous sommes en plein dans la performance sociale…

En deux mots, quelle est ta définition de la performance sociale ?

C’est faire en sorte que l’on puisse proposer un handball pour toutes et tous, à tous les âges, quelles que soient les aspirations et les motivations de chacun. Le handball à 7 ne peut pas, à lui seul, contribuer à ce dessein. Comme je le disais précédemment, la responsabilité sociale se traduit notamment par la mise en place et la promotion d’activités en faveur de l’éducation, l’égalité, le respect, la mixité et la cohésion sociale, mais aussi la santé et le bien être. Responsabilité au niveau par exemple de la féminisation, la citoyenneté, l’intégration. Il y a aussi le service aux clubs, la relation avec le milieu scolaire et universitaire. A la FFHandball, ce pôle est très développé avec cinq salariés, quatre cadres d’État et une dizaine d’élus. 

Alphonse Allais disait : il ne faut jamais faire de projet, surtout en ce qui concerne l’avenir. Ça montre qu’il n’a jamais joué au handball, non ?

Sans doute… Ce dont je suis certaine, c’est que si l’on ne s’adresse qu’à la haute performance, on passe à côté de milliers de personnes et on ne répond pas à notre mission de service public. La question, aujourd’hui, est de savoir quels leviers, quels outils, le handball peut-il utiliser pour lutter contre la violence, pour faciliter l’accès à une santé tant physique que mentale. J’ai envie de prendre pour exemple ce projet HandFit porté par l’AS Marcy l’étoile qui travaille avec HOPE, une association de lutte contre le cancer, et qui accompagne les femmes dans leur retour à la pratique, un bienfait à la fois physique et mental. Là, on répond vraiment à notre mission de service public. On contribue à faire en sorte que l’on vive mieux. Je rappelle cette étude du Centre de droit et d’économie du sport publiée en janvier 2024 : 1 euro investi dans le sport, c’est 13 euros d’économies en dépenses publiques. Moins de dépenses dans les hôpitaux, moins de sédentarité, meilleure santé physique et mentale, réussite scolaire améliorée, moins d’absentéisme… Les bénéfices de la pratique sportive sont sous-estimés dans la sphère publique.