Président sortant, Philippe Bana, 67 ans, a été réélu à la tête de la FFHandball le 25 novembre dernier. Sa liste « Handball 2028 Jouons collectif », seule en lice, a obtenu 94,31% des suffrages lors d’une élection marquée par une forte mobilisation puisque 86,6% des structures étaient représentées.

86,65% des structures représentant 94,31% des voix… Que traduisent les chiffres de cette élection ?

D’abord une grande responsabilité de la part des clubs, ainsi qu’une volonté de marquer leur entrée dans la démocratie fédérale. Nous avons procédé à près de 50 échanges en direct, et ces chiffres sont une manière de dire : on a compris, on adhère, on est responsable. Nous sommes une Fédération de clubs et de clubs intelligents, cela s’est clairement vu dans ce vote. Les territoires, eux, sont depuis longtemps conscients de tous les enjeux.

Il n’y avait guère de suspense avec une seule liste candidate. Ton équipe était néanmoins attentive à ce taux de participation…

Oui, parce que tout le monde disait : ils ne vont pas voter parce qu’ils ont leurs problèmes quotidiens et puisqu’il n’y a qu’une seule liste… Pourtant, avec l’équipe Handball 2028, nous sentions à leur contact une vraie proximité, nous sentions qu’ils étaient réceptifs précis, engagés. Engagés, oui, c’est exactement le terme, parce qu’ils font beaucoup, parce qu’ils sont au top.

Comment interprètes-tu le fait qu’aucun candidat d’opposition ne se soit déclaré ?

Je ne sais pas. C’est un travail de titans de constituer un programme précis, adapté de 50 pages sur tous les sujets, d’avoir une équipe d’experts et de spécialistes dans tous les domaines. Je pense aussi que l’équipe de handball 2024 a fait un travail énorme que tout le monde a salué et qui a rassemblé les votes bien avant l’élection. Chacun l’aura compris : manager une Fédération de 50 millions d’euros et de plus de 100 salariés est un défi pas ordinaire.

Pourquoi cette volonté démocratique d’impliquer tous les clubs ?

Encore une fois, ce sont eux qui délivrent le service handball. Ils sont si importants pour nous. Chaque jour, j’ai peur pour ces 45 000 dirigeants qui font tourner cette formidable boutique handball. Notre devoir est de les calculer, les aider, les accompagner. Nous n’avons pas attendu la campagne pour le faire, nous sommes tous les jours en direct avec eux. Les 2400 clubs ont mon numéro de portable et savent qu’ils peuvent me déranger jour et nuit.

Cette proximité avec l’ensemble des territoires semble te tenir particulièrement à cœur…

Oui. Quand je parle de famille, beaucoup sourient, mais nous connaissons et nous nous préoccupons de chacun de ses membres. Ils composent notre équipe Handball 2028, la Fédération est dirigée à 50% par nos territoires et nos clubs, c’est ça la vraie démocratie. Une pyramide inversée.

Dans ton programme, il y a d’ailleurs un plan spécial clubs…

Oui, comme le plan de reprise pour sortir du COVID en 2020. Nous avons fait un plan clubs de 5 millions d’euros en plus des 2 millions d’euros pour les territoires. Il nous faut maintenant atteindre les 2500 clubs pour occuper zones blanches et mieux mailler le territoire. Il faut digitaliser, créer, élargir, accompagner, étayer… Avoir un plan spécial club, c’est dire : vous attendez quelque chose de nous ; faisons-le ensemble.

Dans ce même programme, tu as défini sept priorités. Laquelle te paraît la plus essentielle ?

Franchement toutes. Nous sommes multi-objectifs, et nous ferons tout ce que nous avons écrit, comme en 2020. Rien n’est secondaire : les clubs, la performance sociale, la performance sportive, l’éthique, le professionnalisme, les dirigeants, rien ne peut être traité par dessous la jambe. Le sport est en crise post-olympique, et l’on doit être sur tous les fronts.

A l’aube de cette nouvelle Olympiade, les défis de la FFHandball sont nombreux, à commencer par celui de maintenir une dynamique positive en terme de licenciés. Où en est-on aujourd’hui dans un contexte général plutôt morose ?

Nous serons à 650 000 environ à la fin de l’année après les 591 000 de l’année dernière. Nous avons refusé à partir du mois d’octobre sans doute 100 000 licenciés pour cause de manque de salles ou de créneaux. C’est triste mais on ne peut pas pousser les murs. Nous avons aussi 40% de filles, et c’est très important dans notre stratégie. Et puis la diversification de nos pratiques avec le BabyHand, le Beach, le HandFauteuil, le Handfit… va encore amener des pratiquants.

Les équipes de France ont obtenu des résultats extraordinaires ces quatre dernières années. Garder ce même cap ne sera pas chose aisée…

Oui c’était une sacrée olympiade ! Mais nous avons déjà pris des décisions, procédé à des changements, dans les ressources humaines, au plan tactique pour garder ce même cap. Chez les filles comme chez les garçons, nous avons remanié les staffs en prenant des risques qui vont payer. Nous avons aussi ouvert la porte à des champions en repensant le parcours de performance dès 2025. Nous devons continuer à être leader du hand et du sport en France. Nous sommes dans une performance humaine et durable les partenaires le savent et ont d’ailleurs décidé tous ensemble de continuer à nous accompagner.

Que faut-il retenir du premier conseil d’administration qui s’est tenu samedi à la Maison du handball ?

Nous avons une belle parité, une énergie, un professionnalisme, une jeunesse dirigeante qui pointe le nez, des athlètes de haut niveau au bureau directeur… C’est formidable de démarrer l’aventure avec un tel élan. Etre dirigeant aujourd’hui à la FFHandball, c’est vivre un âge d’or, chacun en est bien conscient. J’ai d’ailleurs senti une envie de vite entrer dans le concret avec les pôles de compétences, les commissions… Mais j’ai surtout senti une proximité et une humanité qui sont la marque de notre famille. 

Pourquoi avoir élargi le bureau directeur à deux sportifs de haut niveau et aux présidents des commissions ?

Plus nous sommes de voix, et mieux nous produirons. Dans toutes les décisions stratégiques, nous souhaitons être au contact avec la base, avec ceux qui font notre handball au quotidien. Nous voulons échanger directement avec eux, nous ne nous donnons aucun droit à l’erreur.

Tu avais été élu en 2020 en pleine pandémie. Tu auras cette fois quatre années entières pour mener à bien les différents projets initiés lors du précédent mandat…

En fait, tous les projets définis par Handball 2024 ont été menés à bien. Nous n’avions pas évoqué HandballTV, l’intégration de la D2F en LFH, le ParaHand et le HandFauteuil, les terrains et le programme JO, mais nous avons également réalisé ces projets. Nous devons continuer d’être en avance pour accélérer le développement du handball, réaliser notre programme, mais innover encore, et c’est vrai que la période qui s’annonce est porteuse d’espoirs. 

Certains jugent « complexe » la Loi Sport visant à démocratiser le sport en France, votée en mars 2022. Est-ce aussi ton avis ?

Non. Elle est juste, mais elle doit être complétée par la loi Héritage pour plus d’éthique, plus de démocratie dans le sport. Il faut en fait une loi plus complète pour lui donner sa vraie place. J’entends que l’on rechigne à la faire passer, alors nous allons nous battre pour valoriser cet héritage que nous devons aux Français. Il faut solidifier le sport, la mémoire post-olympique. Battons-nous parce que nous avons ce devoir de dire que le sport rassemble, éduque et soigne à la fois ce qui est plutôt rare dans la société.

Parmi les objectifs de cette loi, il y a celui d’assurer un modèle économique vertueux au secteur. N’est-ce pas le plus compliqué à atteindre aujourd’hui ?

Peut-être… Avec Bertrand Gille, nous avons commencé un travail de fond pour que notre marque soit forte, que nos recettes marketing soient multipliées. On pense aujourd’hui aux droits TV, aux compétitions que nous allons organiser. Nous allons encore faire grandir le handball.

David Lappartient, le président du CNOSF a récemment déclaré : « le sport est gravement malade, et ces élections (au sein des différentes Fédérations) le prouvent ». Qu’en penses-tu ?

La loi a permis de nombreuses avancées, mais il y a encore des scories dans les commission électorales, des incompréhensions démocratiques. Chez nous, c’était formidable de démocratie et de dynamisme électoral.

As-tu toujours cette idée entêtante de faire grandir le hand ?

Plus que jamais. Je suis angoissé par cette idée de jouer petit bras, de ne pas être à la hauteur du défi. Nous devons viser très haut : la tête dans les étoile, et les racines de notre handball toujours bien ancrées dans le sol. J’ai toujours dans mon bureau cette photo de 1996. Une « Une » de l’Equipe Magazine qui dit : « Y a-t-il une vie après les Barjots ? ». Je suis venu à la Fédération pour cela, pour écrire un avenir. Non, il n’y a pas qu’une vie après les Barjots, il y a plusieurs vies, celle d’aujourd’hui et celles encore à venir. Ma génération, les dirigeants, les coachs ont toujours eu cette angoisse de retourner à la case départ quand nous n’étions pas vraiment grand-chose. Nous voulons laisser le handball au firmament, là où nous le rêvions lorsque nous étions petits…